La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2023 | FRANCE | N°23NC00399

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 28 novembre 2023, 23NC00399


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 26 mai 2021 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.



Par un jugement n° 2102182 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demand

e.





Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 7 février 2023, M. A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 26 mai 2021 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2102182 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2023, M. A..., représenté par Me Gabon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102182 du 27 janvier 2022 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 mai 2021 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer, sans délai, un titre de séjour, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne car il n'a pas été entendu préalablement à son édiction et n'a pas pu présenter ses observations ;

- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il est fondé à obtenir un titre de séjour tant au regard de sa vie privée et familiale qu'au regard de sa situation professionnelle ;

- il est entaché d'une erreur de droit en ce que le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle et professionnelle et s'est estimé lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi qui n'avait pas à être recueilli ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle ne détermine pas le pays où il serait légalement admissible.

Le préfet de la Marne, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né en 1995, a sollicité la reconnaissance de son statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire en septembre 2018, mais par une décision du 27 novembre 2018 l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a opposé un refus. Il a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français. Il a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, au terme duquel l'OFPRA a refusé de nouveau, par une décision du 5 janvier 2021, de lui reconnaître le statut de réfugié ou de lui octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire. Il a sollicité le 22 janvier 2021 son admission exceptionnelle au séjour en faisant valoir sa situation professionnelle. Par un arrêté du 26 mai 2021, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement n° 2102182 du 27 janvier 2022 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2021 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle rappelle le parcours de l'intéressé et sa situation personnelle et professionnelle. Par ailleurs, lorsqu'un refus de titre de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de motivation spécifique. Par conséquent, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté préfectoral du 26 mai 2021 doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision litigieuse que le préfet de la Marne n'aurait pas procédé à un examen attentif de la situation personnelle du requérant.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ".

5. D'une part, la décision portant refus de séjour, par laquelle le préfet de la Marne a refusé de délivrer à M. A... le titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas une mesure entrant dans le champ d'application du droit de l'Union européenne. Par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir du droit d'être entendu tel que garanti par un principe général du droit de l'Union européenne ni, en tout état de cause, invoquer l'article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui ne s'adresse pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union.

6. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile ou de sa demande de titre de séjour.

7. En l'espèce, M. A... qui ne pouvait raisonnablement ignorer qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, a pu présenter, dans le cadre de l'instruction sa demande, ses observations écrites ou orales. Il n'établit pas, ni même n'allègue avoir sollicité en vain un entretien avec les services de la préfecture. En outre, il ne précise pas en quoi il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié , "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1..(...) ".

9. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable.

10. D'une part, si le préfet de la Marne a sollicité l'avis de la direction des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi afin de connaitre la situation de l'emploi " coffreur ", pour l'exercice duquel le requérant disposait d'une promesse d'embauche, il ne ressort pas des termes de la décision litigieuse qu'il se serait senti lié par l'avis de celle-ci.

11. D'autre part, M. A... reprend en appel, dans des termes similaires, le moyen titré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal administratif aux points 7 et 8 du jugement contesté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Il y a lieu d'adopter les motifs retenus par les premiers juges au point 10 du jugement contesté pour écarter les moyens, repris en appel dans des termes similaires, tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle du requérant.

14. En sixième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet se soit fondé sur les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser le séjour au requérant. Par suite, le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance de cet article à l'appui de la contestation de la légalité de la décision litigieuse.

15. En septième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

16. Il y a lieu d'adopter les motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 12 du jugement attaqué pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ce cet article, repris en appel.

17. En huitième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

18. M. A... n'établit pas qu'il serait soumis à un risque de traitement contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Albanie, alors au demeurant que l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile et sa demande de réexamen.

19. Enfin, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

20. Il ressort clairement des dispositions précitées que la fixation d'un pays de renvoi qui ne serait pas celui de la nationalité de l'étranger ou de celui pour lequel il disposerait d'un document de voyage n'est possible qu'en cas d'accord de l'intéressé, dès lors qu'il justifie lui-même être légalement admissible dans cet Etat. Dès lors, et alors que M. A... ne s'est prévalu d'aucune admission dans un autre Etat que l'Albanie, pays dont il a la nationalité, le moyen tiré de ce que l'arrêté a méconnu ces dispositions au motif de ce qu'il ne fixe pas le pays de destination doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Gabon.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 23NC00399


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00399
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;23nc00399 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award