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28/11/2023 | FRANCE | N°23BX01505

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 28 novembre 2023, 23BX01505


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2023 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2300343 du 4 mai 2023, le tr

ibunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 13 janvier 2023 de la préfète de la Haute-Vienne ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2023 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2300343 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 13 janvier 2023 de la préfète de la Haute-Vienne et lui a enjoint de délivrer à M. A... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2023, la préfète de la Haute-Vienne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 mai 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. A....

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- M. A... n'établit pas résider en France depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige et ne remplit donc pas les conditions posées par les stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2023, complété de pièces les 15 septembre 2023 et 12 octobre 2023, ces dernières non communiquées, M. A..., représenté par Me Moreau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par la préfète de la Haute-Vienne ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 octobre 2023 à 12h00.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, déclare être entré en France le 9 octobre 2010. Le 18 février 2022, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 13 janvier 2023, la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. La préfète de la Haute-Vienne relève appel du jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 13 janvier 2023 et lui a enjoint de délivrer à M. A... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) ".

3. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est occupé quotidiennement de son père de 2011 jusqu'au décès de ce dernier, en novembre 2016, il n'est pas établi par les documents qu'il produit qu'il aurait par la suite continué à résider habituellement en France, où il ne dispose pas d'un logement pérenne. En effet, ces pièces qui, à l'exception d'une promesse d'embauche datée du 1er mars 2021, consistent exclusivement, pour chacune des années 2017 à 2022, en un avis d'imposition faisant état d'une absence de revenus et en quelques documents médicaux - courriers afférents à l'aide médicale d'état, prescriptions de médicaments ou d'analyses et relevés de remboursements de frais médicaux - justifient seulement de 2 à 5 jours de présence annuelle, espacés par de longues périodes. C'est ainsi, en particulier, qu'aucun de ces documents n'atteste de la présence de M. A... sur le territoire national entre le 7 août 2017 et le 9 juillet 2018, entre le 13 septembre 2018 et le 14 août 2019, ou encore entre le 6 mars 2021 et le 13 février 2022. S'il produit également une attestation de bénévolat à compter de mars 2020 au sein de l'association " Projet citoyen 34 ", celle-ci est datée du 3 mars 2020. En outre, il ressort des mentions d'un arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 20 septembre 2022 statuant sur un précédent recours de M. A..., produit par la préfète de la Haute-Vienne, que l'intéressé avait alors produit à l'instance des relevés de banque ne retraçant aucun mouvement bancaire pendant plusieurs mois consécutifs au titre des années 2017 à 2020. Dans ces conditions, eu égard à la nature et au caractère épars des pièces justificatives fournies par M. A..., la préfète de la Haute-Vienne est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a regardé comme établi le caractère habituel de sa présence en France depuis plus de dix ans, pour l'application des dispositions précitées de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien, et annulé pour ce motif l'arrêté du 13 janvier 2023.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Limoges.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui justifient par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Pour les motifs indiqués au point 3, M. A... ne remplissait pas les conditions prévues par ces dispositions. Ainsi, la préfète de la Haute-Vienne n'était pas tenue de soumettre son cas à la commission du titre de séjour précitée avant de rejeter sa demande. Le moyen tiré du vice de procédure à raison du défaut de saisine de cette commission préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué ne peut, dès lors, qu'être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Ainsi qu'il a été dit, M. A..., célibataire et sans charge de famille, n'établit pas le caractère continu de son séjour en France. Son père est décédé et il ne justifie pas du caractère actuel de la présence en France de sa mère par la production d'une carte de résident expirée en 2022. Si l'un de ses frères séjourne en France, la préfète de la Haute-Vienne fait valoir que ses autres frères et sœurs résident en Algérie. Ni les pièces qu'il produit dont il a été fait état au point 3 ni aucun autre élément du dossier ne permettent de considérer que l'intéressé ferait montre d'une intégration particulièrement aboutie sur le territoire national. Dans ces conditions, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à M. A... n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire national :

8. Eu égard à ce qui précède, M. A... ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour au soutien de ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, les moyens tirés d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. D'une part, les moyens de M. A... dirigés contre la décision de refus de séjour et la mesure d'éloignement ayant été écartés, il ne peut exciper de l'illégalité de ces décisions au soutien de ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français.

11. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des termes de l'arrêté litigieux, que la préfète de la Haute-Vienne se soit estimée en situation de compétence liée pour prendre la mesure contestée.

12. Enfin, et sans que M. A... puisse utilement invoquer être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, ce qui n'est d'ailleurs pas corroboré par les pièces du dossier, le moyen tiré de ce que la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français porterait une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs énoncés au point 7.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Haute-Vienne est fondée à obtenir l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par M. A... devant le tribunal. Il y a lieu de rejeter également les conclusions présentées devant la cour par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300343 du tribunal administratif de Limoges en date du 4 mai 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée, ainsi que ses conclusions présentées devant la cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président rapporteur,

Laurent Pouget La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01505
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;23bx01505 ?
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