Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les sociétés RATP Travel Retail et RATP ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'enjoindre à la société à responsabilité limitée (SARL) Aya de libérer sans délai l'emplacement n° 16.0005.99.0002 situé dans les dépendances de la gare de Noisy-Champs sur le réseau express régional.
Par un jugement n° 2014697 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à leur requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2022, la société Aya, représentée par
Me Fellous, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de
Montreuil ;
2°) d'ordonner la désignation d'un expert judiciaire aux fins de constater la régularité ou l'irrégularité de la procédure d'appel d'offres-mise en concurrence et l'attribution des lots ;
3°) de mettre à la charge de la société RATP Travel Retail le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne se prononce pas sur l'irrégularité manifeste de la procédure de mise en concurrence ;
- le jugement attaqué ne se prononce pas sur sa demande d'expertise ;
- la procédure de mise en concurrence initiée le 13 décembre 2017 a méconnu les principes de transparence et d'impartialité fixés à l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; en effet, l'emplacement litigieux faisait partie du seul lot regroupant plusieurs emplacements, alors que les vingt-trois autres lots mis en concurrence correspondaient à des emplacements uniques ; cette composition des lots est déséquilibrée et instaure une inégalité de traitements des candidats visant à faire obstacle à la candidature de trois des occupants les plus anciens ; elle n'a jamais reçu le courrier de demande d'informations adressé par la société Promo Métro, devenue RATP Travel Retail, au GIE " Groupement des Combattants " et à la société Aya qui aurait dû être envoyé par lettre recommandée ; les sociétés RATP Travel Retail et RATP n'apportent pas la preuve de la parution d'annonces au Journal Officiel des procédures de consultations ;
- dès lors qu'elle occupe de manière normale et paisible l'emplacement en cause, qu'elle a toujours réglé ses redevances et qu'il ressort des courriers des 24 février et
25 mai 2020 que la société RATP Travel Retail a tacitement renouvelé l'autorisation d'occupation de l'emplacement en cause, la société RATP Travel Retail était tenue, en application des dispositions du 4° de l'article L. 2122-1-2 du code général de la propriété des personnes publiques, de lui proposer la prolongation de son autorisation d'occupation temporaire, comme elle l'a d'ailleurs fait pour les conventions de nombreux autres commerçants.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 octobre 2022, les sociétés RATP et RATP Travel Retail, représentées par Me Le Goff, concluent au rejet de la requête et à ce que l'appelante leur verse chacune la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.
- et les observations de Me Lamandé, représentant la société Aya.
Une note en délibéré, enregistrée le 16 novembre 2023, a été présentée pour la société Aya par Me Fellous.
Considérant ce qui suit :
1. La société Promo Métro, devenue la société RATP Travel Retail, chargée de la gestion des locaux commerciaux créés sur les réseaux de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), a signé le 25 avril 2012 une convention d'occupation temporaire du domaine public avec la SARL Aya, relativement à un emplacement n° 16.0005.99.0002 situé dans les dépendances de la gare de Noisy-Champs du réseau express régional, pour une période allant du 1er mai 2012 au 30 avril 2017. Cette convention a été reconduite, par avenants du
17 octobre 2017 puis du 21 février 2018, jusqu'au 17 juillet 2018, compte tenu du délai d'engagement d'une procédure de mise en concurrence concernant cet emplacement. La candidature déposée le 13 février 2018 par M. A..., gérant de la SARL Aya, au nom et pour le compte du " Groupement des combattants ", a été rejetée par décision du 15 mai 2018 en raison de sa non-conformité et le recours formé par l'intéressée à l'encontre de cette décision a été rejeté en raison de son irrecevabilité par une ordonnance du 26 janvier 2021 du Tribunal administratif de Paris. Par une lettre recommandée du 21 juin 2018, la société Promo Métro a rappelé à la société Aya que sa convention d'occupation prenait fin le 17 juillet 2018 et convoquait son dirigeant pour un état des lieux le 18 juillet 2018. Les locaux n'ayant pas été libérés, la société Promo Métro a adressé à la société une nouvelle lettre recommandée le
24 juillet 2018, en réitérant sa demande de libération des lieux. Elle convoquait son dirigeant pour un nouvel état des lieux de sortie le 1er août 2018. En l'absence de diligences de la part de l'intéressée, la société Promo Métro l'a informée, par une lettre recommandée du 1er août 2018, qu'elle saisissait la juridiction compétente en vue de demander son expulsion. Par un jugement du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a enjoint à la SARL Aya de libérer sans délai l'emplacement n° 16.0005.99.0002 qu'elle occupe sans droit ni titre dans les dépendances de la gare de Noisy-Champs sur le domaine public du réseau express régional. La société Aya relève appel de ce jugement en demandant outre son annulation, d'ordonner la désignation d'un expert judiciaire aux fins de constater la régularité ou l'irrégularité de la procédure d'appel d'offres-mise en concurrence et l'attribution des lots.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la société Aya soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne se prononce pas sur l'irrégularité manifeste de la procédure de mise en concurrence. Toutefois, le tribunal a jugé au point 7 du jugement attaqué que les moyens tirés de l'illégalité et de l'irrégularité de la procédure de mise en concurrence en vue d'attribuer l'emplacement n°16.0005.99.0002 étaient inopérants dans le cadre du litige qui lui était soumis.
3. En second lieu, si la société Aya soutient que le jugement ne se prononce pas sur la demande d'expertise qu'elle avait formulée, il ne ressort ni de son mémoire en défense ni de son mémoire en réplique de première instance qu'elle aurait présenté de telles conclusions.
4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, si la société Aya invoque à nouveau en appel l'irrégularité de la procédure de mise en concurrence initiée le 13 décembre 2017 tant en ce qui concerne la composition des lots, que des mesures de publicité ou de notification du courrier de demande d'information qui lui a été adressé, ces moyens sont inopérants dans le cadre du présent litige.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la convention d'occupation temporaire signée entre la société Aya et la société Promo Métro le 25 avril 2012 prévoit à son article 7 qu'elle est accordée pour une durée ferme de cinq ans, à compter du 1er mai 2012 et jusqu'au 30 avril 2017, et qu'elle ne peut se prolonger par tacite reconduction et qu'au terme de sa durée, la convention prendra fin automatiquement et de plein droit, " la société AYA ne pouvant en aucun cas se prévaloir d'un droit au maintien dans les lieux ", que le premier avenant, signé le 17 octobre 2017, prévoit que la durée de la convention est prorogée pour une durée ferme à compter du 1er mai 2017 pour se terminer le 31 décembre 2017, et que le second avenant, signé le 21 février 2018, rappelle que l'emplacement visé fait l'objet d'une procédure de mise en concurrence et que compte tenu des délais d'aboutissement de cette procédure, la convention d'occupation du 25 avril est prorogée une nouvelle fois pour une durée ferme à compter du 1er janvier 2018 pour se terminer le 17 juillet 2018. La société Aya ne saurait dès lors soutenir que la convention aurait été reconduite tacitement au-delà du 17 juillet 2018, nonobstant la circonstance que la société RATP Travel Retail lui aurait adressé divers courriers postérieurement à cette date et sans qu'elle puisse de prévaloir de ce qu'elle aurait toujours réglé ses redevances.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l'article L. 2122-1 permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. / Lorsque l'occupation ou l'utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre d'autorisations disponibles pour l'exercice de l'activité économique projetée n'est pas limité, l'autorité compétente n'est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la manifestation d'un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d'attribution ". Et aux termes de l'article L. 2122-1-2 du même code : " L'article L. 2122-1-1 n'est pas applicable : / (...) / 4° Sans préjudice des dispositions figurant aux 1° à 5° de l'article L. 2122-1-3, lorsque le titre a pour seul objet de prolonger une autorisation existante, sans que sa durée totale ne puisse excéder celle prévue à l'article L.2122-2 ou que cette prolongation excède la durée nécessaire au dénouement, dans des conditions acceptables notamment d'un point de vue économique, des relations entre l'occupant et l'autorité compétente ".
8. La société Aya ne saurait se prévaloir des dispositions du 4° de l'article
L. 2122-1-2 du code général de la propriété des personnes publiques qui dispense l'autorité compétente dans certaines hypothèses de l'obligation de recourir à la procédure de sélection préalable des candidats potentiels à une occupation du domaine public en vue d'une exploitation économique pour soutenir que la société RATP Travel Retail aurait dû lui proposer une prolongation de son autorisation temporaire, alors qu'en tout état de cause, la durée de sa convention a été prorogée jusqu'au 17 juillet 2018, pour la période correspondant au déroulement de la procédure de mise en concurrence.
9. Enfin, le moyen tiré de ce que la société RATP Travel Retail aurait renouvelé les conventions de nombreux autres commerçants est inopérant.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Aya n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil lui a enjoint de libérer sans délai l'emplacement n° 16.0005.99.0002, situé sur les dépendances de la gare de Noisy-Champs du réseau express régional.
11. Il résulte également de ce qui précède, en particulier du point 5 du présent arrêt, que les conclusions de la requête tendant à la désignation d'un expert judiciaire aux fins de constater la régularité ou l'irrégularité de la procédure d'appel d'offres-mise en concurrence et l'attribution des lots, au demeurant nouvelles en appel, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que la société RATP Travel Retail, qui n'est pas la partie perdante, verse à la SARL Aya la somme qu'elle demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 750 euros chacune à verser aux sociétés RATP Travel Retail et RATP sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Aya est rejetée.
Article 2 : La SARL Aya versera une somme de 750 euros à la société RATP Travel Retail et une somme de 750 euros à la société RATP sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Aya, à la société RATP Travel Retail et à la société RATP.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.
La présidente-rapporteure,
M. JULLIARD
L'assesseure la plus ancienne,
M-I LABETOULLE
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
N° 22PA00299 2