Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016.
Par un jugement n° 1905498 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 septembre 2022 et 6 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Joalland et Me Marchand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée et subsidiairement de prononcer la réduction de l'imposition en litige en retenant les frais kilométriques entre la ville de Pleucadeuc (Morbihan) et celle de Cordemais ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le service n'a pas retenu comme lieu de son domicile la commune de D... ;
- elle justifie de sa domiciliation en produisant, un avis d'imposition, des factures et un certificat de scolarité du 24 novembre 2017 attestant que son enfant E... âgé de de six ans était scolarisé à D... pour les années scolaires 2015/2016 et 2016/2017.
- elle justifie par des circonstances particulières ses frais réels de déplacement correspondant à 78 115 kilomètres parcourus entre son domicile à D... et Cordemais, son lieu de travail, ainsi que ses frais de restauration ; ces circonstances sont la précarité de son emploi à Cordemais, la difficulté de trouver un emploi proche de son domicile depuis l'obtention de son diplôme en 2014, la scolarisation de son fils à D... et son état de santé ;
- elle a contesté les éléments factuels retenus par l'administration ; c'est à tort que le service a écarté les éléments complémentaires qu'elle a produit ;
- elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 paragraphes 50 et 150 ;
- c'est donc à tort que le service a remis en cause la déduction des montants de frais réels sur ses traitements et salaires.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 mars et 12 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,
- et les observations de Me Joalland, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., directrice d'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), a déduit des frais réels de déplacement du montant de ses traitements et salaires, correspondant à un total de 78 115 kilomètres parcourus entre son domicile à D... (Ille-et-Vilaine) et Cordemais (Loire-Atlantique) ainsi que des frais de restauration au titre de l'année 2016. L'administration a remis en cause le lieu de son domicile et a fixé les frais de déplacement dans la limite de quarante kilomètres et en application d'un barème d'indemnité kilométrique. Mme A..., relève appel du jugement du 6 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2016.
2. Aux termes de l'article 83 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) / 3° (...) / Les frais de déplacement de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Lorsque la distance est supérieure, la déduction admise porte sur les quarante premiers kilomètres, sauf circonstances particulières notamment liées à l'emploi justifiant une prise en compte complète. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, pour être admis à déduire des frais réels, le contribuable est tenu de fournir des éléments justificatifs suffisamment précis pour permettre d'apprécier le montant des frais effectivement exposés par lui à l'occasion de l'exercice de sa profession et qu'il ne peut, dès lors, ni se borner à présenter un calcul théorique de ces frais, ni faire état de dépenses réelles sans établir qu'elles constituent une charge inhérente à son activité professionnelle. Revêtent, notamment, le caractère de frais professionnels, déductibles en vertu de ces dispositions, les dépenses qu'un contribuable occupant un emploi salarié dans une localité éloignée de celle où la résidence de son foyer est établie doit exposer, tant pour se loger à proximité du lieu de son travail que pour effectuer périodiquement les trajets entre l'une et l'autre localités, dès lors que la double résidence ne résulte pas d'un choix de simple convenance personnelle, mais est justifiée par une circonstance particulière.
4. Mme A... a déclaré à l'administration fiscale avoir fixé sa résidence à D..., dans le département d'Ille-et-Vilaine, à 165 kilomètres de son lieu de travail situé à Cordemais (Loire-Atlantique) et avoir effectué des allers-retours quotidiens en 2016. Le service estime que Mme A... résidait à Pleucadeuc (Morbihan) au cours de l'année 2016. Il ressort des pièces au dossier que dans la réponse aux observations du contribuable du 25 avril 2018 qui a maintenu le redressement pour la seule année 2016, l'administration a relevé que la domiciliation à D... de Mme A... répondait à des convenances personnelles ne permettant pas de justifier de la déduction des frais au-delà de 40 kilomètres sans faire référence à un changement de situation intervenu en 2016 ou auparavant qui aurait motivé le transfert du domicile de Mme A... à Pleucadeuc (Morbihan). En outre, pour établir qu'elle résidait en 2016 sur le territoire de la commune de D..., Mme A... produit une attestation de scolarisation tout au long des années scolaires 2015/2016 et 2016/2017 de son fils né le 28 juillet 2010 dont elle a la garde exclusive, dans une école de la commune de D... et fait valoir que sa mère, résidant à proximité de D..., s'occupait également de son fils en son absence. Mme A... a aussi produit des avis d'imposition à la taxe d'habitation au titre des années de 2015 à 2017 et un avis d'imposition à l'impôt sur le revenu sur les revenus de 2017 tous établis à son nom à l'adresse de D..., différentes photographies du logement situé à D..., ainsi qu'une facture de consommation d'eau en date du mois de juin 20 juin 2016 et trois factures internet-téléphonie mobile datant des 28 janvier, 29 septembre et 29 décembre 2016 pour ce logement. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, c'est à tort que l'administration a estimé que la résidence de Mme A... n'était pas située à D... en 2016 mais à Pleucadeuc (Morbihan).
5. Mme A... a été embauchée par l'EHPAD la résidence du Prieuré à Cordemais le 1er septembre 2015. Il résulte de l'instruction qu'en faisant valoir d'une part, l'état de santé de son enfant E... qui bénéficie d'un suivi médical régulier et adapté à son état de santé depuis le 4 août 2015 par des pédiatres du CHU de Rennes comme en atteste un certificat du docteur C... établi le18 juillet 2018, d'autre part, le lieu de la scolarisation de l'enfant à l'école Saint Joseph à D... tout au long de l'année en classes de grande section puis de CP et les conditions de l'exercice de ses fonctions de directrice d'EPHAD qui s'accompagne notamment de fréquentes mutations, Mme A... justifie alors que sa période d'essai dans l'établissement de Cordemais s'est seulement terminée le 1er mars 2016, de circonstances particulières permettant le maintien en 2016 de son domicile à une distance aussi éloignée de lieu de travail.
6. Enfin, en produisant un ensemble de tickets de caisse, au nombre de 84 pour 2016, relatifs à des dépenses de carburant, un relevé de compte bancaire indiquant que la majorité des transactions de Mme A... relatives aux frais de carburant concernent le trajet effectué par elle depuis D... jusqu'à Cordemais, ainsi que des avis de contraventions pour des infractions au code de la route commises sur le trajet de D... à Cordemais au cours notamment de l'année 2016, Mme A... apporte, dans les circonstances très particulières de l'espèce, des justificatifs suffisants de la réalité de trajets quotidiens depuis son domicile situé à D... jusqu'à son lieu de travail à Cordemais.
7. Ainsi, compte tenu de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'application de la doctrine administrative, les frais de déplacement au-delà de la limite de quarante kilomètres mentionnée au 3° de l'article 83 du code général des impôts rappelé au point 2, exposés par Mme A... en 2016 ont le caractère de frais réels déductibles. Il suit de là que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Mme A... est déchargée, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016.
Article 2 : Le jugement n°1905498 du tribunal administratif de Rennes du 6 juillet 2022 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.
Le rapporteur
J.E. GEFFRAYLe président de chambre
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT0290702