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28/11/2023 | FRANCE | N°22NT02905

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 novembre 2023, 22NT02905


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Sédiment Isotope Origine (Sedisor) a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer le remboursement d'une créance de crédit d'impôt " recherche " d'un montant de 44 755 euros au titre de l'année 2018.



Par un jugement n° 1906060 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 septembre 202

2 et 2 octobre 2023, la SARL Sedisor, représentée par Me Peters, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Sédiment Isotope Origine (Sedisor) a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer le remboursement d'une créance de crédit d'impôt " recherche " d'un montant de 44 755 euros au titre de l'année 2018.

Par un jugement n° 1906060 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 septembre 2022 et 2 octobre 2023, la SARL Sedisor, représentée par Me Peters, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer le remboursement sollicité ;

3°) à titre subsidiaire de nommer un expert afin de valider le décompte proposé par la société par un arrêt avant dire-droit ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contrat de collaboration conclu avec la SAS Total EetP Recherche Développement, entré en vigueur le 1er juin 2018, lui permet de disposer de travaux de recherche de façon autonome ;

- l'ensemble des travaux d'interprétation et de recherche ont été effectués en son nom propre, l'ensemble des conclusions scientifiques des études n'a pas été rétrocédé à la société Total ; ces études ont été publiées conjointement, les résultats étant par ailleurs détenus à parts égales par les parties ;

- en conséquence, elle a effectué des travaux de recherche en son nom propre ;

- elle a justifié des heures de son personnel consacrées aux travaux en cause ;

- avant d'avoir pu contractualiser le contrat de collaboration avec la société Total, elle a effectué des phases de recherche en amont qui représentent plus qu'une analyse bibliographique réalisée pour une simple mise à l'état de l'art ;

- elle a suivi les commentaires administratifs publiés jusqu'au 13 juillet 2021 au paragraphe 220 du BOI-BIC-RICI-10-10-20-30.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 février et 4 octobre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Sedisor ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision n° 440523 du Conseil d'Etat du 9 septembre 2020 statuant au contentieux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me de Larminat, représentant la SARL Sedisor.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Sedisor, qui exerce une activité d'ingénierie et d'études techniques d'analyse et d'expertise en géochimie élémentaire et isotopique en utilisant des techniques de " spectométrie de masse ", notamment pour l'industrie minière et pétrolière, relève appel du jugement du 6 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant au remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche d'un montant de 44 755 euros au titre de l'année 2018.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa version applicable en 2018 : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 sexdecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. Le premier de ces deux taux est porté à 50 % pour les dépenses de recherche exposées à compter du 1er janvier 2015 dans des exploitations situées dans un département d'outre-mer. Pour les dépenses mentionnées au k du II, le taux du crédit d'impôt est de 20 %. (...) / II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes. Toutefois, les dotations aux amortissements des immeubles acquis ou achevés avant le 1er janvier 1991 ainsi que celles des immeubles dont le permis de construire a été délivré avant le 1er janvier 1991 ne sont pas prises en compte ; / (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. Lorsque ces dépenses se rapportent à des personnes titulaires d'un doctorat, au sens de l'article L. 612-7 du code de l'éducation, ou d'un diplôme équivalent, elles sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois suivant leur premier recrutement à condition que le contrat de travail de ces personnes soit à durée indéterminée et que l'effectif du personnel de recherche salarié de l'entreprise ne soit pas inférieur à celui de l'année précédente ; / (...) /. c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à la somme de 75 % des dotations aux amortissements mentionnées au a et de 50 % des dépenses de personnel mentionnées à la première phrase du b et au b bis ; / d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions (...) / j) Les dépenses de veille technologique exposées lors de la réalisation d'opérations de recherche, dans la limite de 60 000 € par an. (...) / III. - Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les entreprises, organismes ou experts mentionnés au d, au d bis ou au 6° du k du II, pour le calcul de leur propre crédit d'impôt. (...)". Aux termes du I de l'article 49 septies F de l'annexe III audit code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérés comme des opérations de recherche scientifique ou technique : a) les activités ayant un caractère de recherche fondamentale (...) b) les activités de recherche appliquées (...) c) les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions combinées que les sommes reçues par les organismes de recherche privés agréés mentionnés au d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts pour la réalisation d'opérations de recherche qui leur sont confiées par des entreprises entrant elles-mêmes dans le champ des bénéficiaires du crédit d'impôt recherche constituent, pour ces entreprises donneuses d'ordre, des dépenses éligibles à ce crédit. S'agissant des organismes de recherche sous-traitants, ils ne peuvent inclure les dépenses exposées pour réaliser de telles opérations dans la base de calcul de leur crédit d'impôt recherche.

4. En revanche, lorsqu'un tel organisme engage des dépenses de recherche pour son propre compte, y compris dans l'hypothèse où elles sont suscitées par l'exécution de prestations pour le compte d'un tiers dont l'objet ne porte pas sur la réalisation d'opérations de recherche, cet organisme peut inclure ces dépenses dans la base de calcul de son crédit d'impôt si elles satisfont aux exigences posées par l'article 244 quater B du code général des impôts, sans que ces dispositions ne lui imposent de déduire de cette assiette les sommes facturées au bénéficiaire des prestations, qui ne constituent pas, pour ce dernier, des dépenses éligibles à ce crédit d'impôt.

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.

6. Il résulte de l'instruction qu'un contrat a été signé le 23 juillet 2018 entre la société Total EetP Recherche et Développement, l'Université de Bretagne Occidentale et la SARL Sedisor, avec effet à compter du 1er juin 2018 pour l'élaboration d'une étude par la SARL des marges passives volcaniques de l'Atlantique Sud dans le but d'améliorer la compréhension des conditions favorables à la formation des réservoirs pétroliers et de découvrir de nouveaux gisements pétroliers dans la zone géographique namibienne.

7. Au cours de l'instruction de la demande de remboursement du crédit d'impôt recherche, un rapport d'expertise daté du 9 octobre 2020 concernant la demande de la société requérante pour l'année 2018 a été transmis par la direction régionale de la recherche et des technologies le 19 octobre 2020. Si l'expert a estimé que les actions pouvaient être regardées comme des travaux de recherche, il a relevé deux difficultés, l'une sur l'absence de fiches détaillées concernant les heures réellement consacrées au développement, et, l'autre sur l'impossibilité de déterminer si ces actions étaient propres à l'entreprise.

8. S'agissant de l'absence de fiches détaillées concernant les heures réellement consacrées au développement, une telle absence ne permet pas de vérifier la cohérence des données. Les tableaux des horaires de travail, qui ont été communiqués par la société requérante, sont insuffisamment détaillés quant à l'activité des chercheurs dans la mesure où le temps de travail passé à la recherche et au développement est mentionné forfaitairement et n'est pas détaillé tâche par tâche. Ainsi, il y a une impossibilité de déterminer avec exactitude le coût du temps passé. En outre, les feuilles de saisies mensuelles de M. A... se bornent à indiquer forfaitairement sept heures quotidiennes, durant 193 jours, sans aucune autre précision. Une telle détermination forfaitaire est insuffisante au regard des dispositions du 2° du k de l'article 244 quater B du code général des impôts, qui imposent que les entreprises doivent pouvoir établir avec précision le temps réellement et exclusivement passé à la réalisation d'opérations de recherche.

9. S'agissant de l'impossibilité de déterminer si les actions de recherche étaient propres à l'entreprise, l'expert a souligné que les six premiers mois du projet étaient consacrés à de l'analyse bibliographique, qui n'était pas éligible. De plus, la société requérante ne contredit pas l'expert qui a affirmé qu'il n'est pas possible de déterminer si les travaux ont bien été réalisés pour son propre compte.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. La société requérante a entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 220 de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-20-30 selon lequel " Le d bis du II de l'article 244 quater B du CGI permet à une entreprise de prendre en compte dans la base de calcul de son crédit d'impôt recherche les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de recherche confiées à des organismes de recherche privés agréés mentionnés au d bis de l'article 244 quater B du CGI dans la limite des plafonds prévus aux d bis et d ter du II de l'article 244 quater B du CGI. / L'organisme agréé doit alors déduire de la base de calcul de son propre crédit d'impôt recherche les sommes reçues des organismes pour lesquels les opérations de recherche sont réalisées et facturées (CGI, art. 244 quater B, III). Cette disposition a pour objet d'éviter que les mêmes opérations de recherche ouvrent droit deux fois au crédit d'impôt. ". Toutefois, le premier aliéna ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de la loi fiscale dont il a été fait application. Le deuxième alinéa et l'illustration chiffrée figurant à la suite de cet alinéa sous la dénomination " Exemple " ont été annulés par une décision n° 440523 du Conseil d'Etat du 9 septembre 2020, statuant au contentieux.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Sedisor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquences, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL SEDISOR est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Sedisor et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT0290502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02905
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL BRETLIM FORTUNY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;22nt02905 ?
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