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28/11/2023 | FRANCE | N°22NC02699

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 28 novembre 2023, 22NC02699


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite du préfet de Meurthe-et-Moselle refusant de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour et l'arrêté en date du 13 juillet 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.





Par un jugement n° 2102495 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite du préfet de Meurthe-et-Moselle refusant de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour et l'arrêté en date du 13 juillet 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2102495 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé le refus de délivrance de récépissé de demande de titre de séjour et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 octobre 2022, M. B... A..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite de refus de délivrance de récépissé de titre de séjour et l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 13 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans le même délai, et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision portant refus implicite de récépissé :

- le refus de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles R. 311-4 et R. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

en ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'a pas répondu à tous les fondements de la demande de titre de séjour, aucun examen n'ayant été fait s'agissant des considérations humanitaires et des motifs exceptionnels au titre de la vie privée et familiale et les motifs invoqués ne sont pas de nature à justifier un refus de séjour sur ce fondement ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision sera annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008, dès lors que le préfet s'est cru tenu d'édicter une mesure d'éloignement, sans vérifier les conséquences de cette décision sur sa situation ;

- la mesure d'éloignement porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et emporte des conséquences manifestement excessives.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé et se réfère à ses écritures de première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2022.

Les parties ont été informées le 25 octobre 2023, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. A... tendant à l'annulation du refus de récépissé de demande de titre de séjour et contestant le jugement en tant qu'il statue sur ses conclusions dirigées contre cette décision, dès lors que le jugement attaqué a annulé cette décision, de sorte qu'il n'a pas intérêt à agir contre le jugement sur ce point et que les conclusions tendant à l'annulation d'un acte déjà annulé sont dépourvues d'objet. Les parties ont également été informées qu'il y a lieu de substituer, comme base légale du rejet de la demande d'admission exceptionnelle au séjour à titre professionnel de M. A..., le pouvoir général de régularisation du préfet aux dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces dernières n'étant pas applicables à un ressortissant tunisien.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 2 juillet 1969, est entré régulièrement sur le territoire français le 2 décembre 2016, sous couvert d'un visa de court séjour. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour mais, par un arrêté du 13 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. A... avait contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Nancy, tout en demandant également l'annulation du refus tacitement opposé de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour. Par un jugement du 2 décembre 2021, ce tribunal a annulé ce refus de récépissé et rejeté le surplus des conclusions présentées par M. A.... Ce dernier relève appel du jugement, dans toutes ses dispositions.

Sur la recevabilité des conclusions relatives au refus de récépissé :

2. Ainsi qu'il vient d'être dit, le refus de récépissé a été annulé par le tribunal, à la demande de M. A.... Ce dernier n'a donc pas intérêt à contester le jugement sur ce point, dès lors qu'il a fait droit à ses conclusions. En outre, la décision en question ayant été annulée, les conclusions présentées devant la cour tendant à ce qu'elle soit annulée sont dépourvues d'objet, dès leur introduction. Ces conclusions doivent donc être rejetées comme irrecevables.

Sur la légalité de l'arrêté du 13 juillet 2021 :

3. En premier lieu, le refus de séjour expose, de manière suffisante, les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement, qu'il s'agisse de la situation professionnelle de l'intéressé ou de sa vie privée et familiale. Le préfet indique en particulier que, si M. A... déclare être entré en France dans le but de rejoindre sa compagne française, avec laquelle il disait résider en Tunisie depuis 2006, il n'a pas produit d'autres documents que des attestations pour justifier de leur vie commune, que ce soit en Tunisie ou en France. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision ne peut donc qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru tenu d'édicter une mesure d'éloignement à l'encontre de M. A.... Le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire français doit donc être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

6. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixe notamment les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien. Toutefois, bien que cet accord ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ces stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. En l'espèce, si le préfet ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour sous l'angle professionnel présentée par l'intéressé, ressortissant tunisien, en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a lieu de substituer à cette base légale erronée celle tirée du pouvoir, dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le requérant ne peut donc pas utilement se prévaloir de ce que le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour, sous l'angle professionnel, à l'aune de ces dispositions, qui sont inapplicables à cet égard aux ressortissants tunisiens, ou qu'il en aurait fait une inexacte application.

8. Si M. A... fait grief au préfet de lui avoir opposé un défaut de visa de long séjour, alors que cette condition ne lui aurait pas été opposable au regard du fondement de sa demande, il ressort de l'arrêté litigieux que le préfet a examiné cette dernière également à l'aune de l'article 3 de l'accord franco-tunisien. L'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonne de manière générale la délivrance de toute carte de séjour à la production par l'étranger d'un visa de long séjour, n'étant pas incompatible avec l'article 3 de l'accord franco-tunisien, le préfet peut légalement refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié à un ressortissant tunisien au motif qu'il ne justifie pas d'un visa de long séjour. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur de droit en relevant que M. A... était dépourvu de visa de long séjour doit donc être écarté.

9. Par ailleurs, il ressort de la rédaction même de l'arrêté contesté que le préfet a examiné la demande de titre de séjour de M. A... au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous l'angle de la vie privée et familiale, puisqu'il a recherché l'existence, notamment, de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels. Le moyen tiré de l'absence d'un tel examen doit donc être écarté.

10. En quatrième lieu, le requérant vit en France depuis 2016 sans avoir été titulaire d'un titre de séjour. Il fait valoir qu'il y a exercé une activité professionnelle en qualité de coiffeur, ayant créé sa société, et qu'il est à jour de ses charges et cotisations sociales. Il soutient également qu'il est le concubin d'une ressortissante française, avec laquelle il a vécu en Tunisie à compter de 2006. Toutefois, il n'apporte pas d'éléments établissant l'existence et l'ancienneté de son concubinage allégué avec une ressortissante française, les pièces produites en appel portant toutes sur des déclarations réalisées à compter de 2022, soit postérieurement à l'arrêté litigieux, alors qu'aucun élément antérieur ne fait apparaitre d'adresse identique pour les intéressés, les témoignages de proches étant pour leur part insuffisamment probants. Le requérant ne saurait donc faire grief au préfet d'avoir entaché sa décision d'une erreur de fait s'agissant de la consistance de ses attaches en France. M. A... ne se prévaut d'aucune autre attache en France et ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'il retourne dans son pays d'origine. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français litigieux auraient porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces mesures ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, invoqué à l'encontre de ces deux décisions, doit donc être écarté. Il en va de même s'agissant de celui tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaitrait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Enfin, les circonstances précédemment rappelées ne suffisent pas à établir que le refus du préfet de faire usage de son pouvoir de régularisation et l'obligation de quitter le territoire français seraient entachés d'erreurs manifestes d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle du requérant. Ces circonstances ne caractérisant pas de considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous l'angle de la vie privée et familiale, le refus de régularisation, au titre de la vie privée et familiale, n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

12. Aucun des moyens invoqués à l'encontre du refus de séjour n'étant fondé, le requérant n'est pas fondé à demander que cette décision soit annulée, ou à solliciter l'annulation par voie de conséquence de la mesure d'éloignement.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre du rejet de sa demande par les premiers juges et que la requête de M. A... doit être rejetée, dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Jeannot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023

La rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 22NC02699


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02699
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;22nc02699 ?
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