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28/11/2023 | FRANCE | N°21VE03310

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 novembre 2023, 21VE03310


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Medissimo a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer le rétablissement du crédit d'impôt recherche dont elle a bénéficié au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise portant sur l'éligibilité au crédit d'impôt recherche de ses dépenses exposées dans le cadre du projet " iMedipac ".



Par un jugement n° 1908864 du 12 oc

tobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Medissimo a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer le rétablissement du crédit d'impôt recherche dont elle a bénéficié au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise portant sur l'éligibilité au crédit d'impôt recherche de ses dépenses exposées dans le cadre du projet " iMedipac ".

Par un jugement n° 1908864 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 décembre 2021, la SAS Medissimo représentée par la SELARL Onelaw, société d'avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de prononcer la décharge de la somme de 962 369 euros mise à sa charge par un avis de mise en recouvrement du 15 février 2019, au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, à raison de la remise en cause des crédits d'impôt recherche dont elle avait bénéficié pour son projet " iMedipac " ;

3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le service vérificateur lui a, à tort, demandé d'actualiser son dossier technique selon le modèle du guide applicable en 2018 ;

- l'administration fiscale a refusé de prendre en compte son dossier technique complémentaire, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- l'ensemble du projet iMedipac est éligible au crédit d'impôt recherche ; la position de l'administration est incohérente, dès lors qu'elle rejette l'ensemble des dépenses du projet tout en admettant que le projet et les dépenses y afférentes sont partiellement éligibles au crédit d'impôt ; dans son rapport du 20 juillet 2014, l'expert désigné avait conclu à l'éligibilité du même projet au titre de l'année 2011 ;

- l'expert a rejeté à tort des dépenses de personnel sur les seules considérations de fonction et de diplômes en méconnaissance des dispositions de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts et de la jurisprudence en vigueur ; compte tenu de l'implication de ses salariés et de leur contribution au projet, ces dépenses de personnel doivent être admises ;

- les opérations de sous-traitance réalisées par la société 2IM sont constitutives par nature d'une activité de recherche ; elles sont indispensables au projet et doivent de ce fait être admises en application des dispositions du d du II de l'article 244 quater B du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de la SAS Medissimo.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Medissimo ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 juillet 2023, l'instruction a été close au 4 août 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Medissimo, qui exerce son activité dans le domaine du conditionnement de médicaments en piluliers individuels, a bénéficié du crédit d'impôt recherche au titre des années 2013, 2014 et 2015 à raison de dépenses de recherche exposées pour son projet de conception d'un pilulier électronique connecté " iMedipac ". Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015, à l'issue de laquelle l'administration a, par une proposition de rectification du 12 juin 2017, admis partiellement certaines dépenses de sous-traitance et remis en cause le crédit d'impôt recherche déclaré par la société, à hauteur d'un montant total de 962 369 euros sur les trois années vérifiées. La société Medissimo relève appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de rétablissement de ce crédit d'impôt.

Sur la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, si le vérificateur a demandé la remise de pièces justificatives et des dossiers techniques par messages électroniques en date des 21 avril 2016, 19 mai 2016 et 4 juillet 2016, il ne résulte pas de l'instruction que le service vérificateur ait demandé à la société requérante d'actualiser son dossier technique selon un modèle de guide particulier, postérieur aux années vérifiées. Ce moyen d'irrégularité ne peut qu'être écarté.

3. En second lieu, la société Medissimo soutient que la procédure contradictoire n'aurait pas été respectée dans la mesure où l'administration fiscale aurait refusé de tenir compte du dossier technique complémentaire qu'elle a produit en cours de procédure. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce dossier a été porté à la connaissance de l'administration fiscale à l'appui des observations présentées par la contribuable, le 31 juillet 2017, sur la proposition de rectification du 12 juin 2017. Il s'ensuit qu'à supposer que la société requérante ait entendu faire valoir qu'elle a été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, le moyen est inopérant, dès lors que cette garantie s'achève avec la notification de la proposition de rectification. Par ailleurs, si l'avis du 4 juillet 2018 du comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche institué par l'article 1653 F du code général des impôts ne vise pas expressément ce dossier technique complémentaire, il résulte des termes mêmes de cet avis que le comité s'est prononcé " aux termes des échanges en séance et de l'examen des documents produits ". Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, le dossier technique complémentaire a été pris en compte par le comité. En tout état de cause, l'irrégularité de cet avis serait sans incidence sur le bien-fondé de la demande de restitution en litige.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I.- Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ; II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) ; / d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) ". Aux termes de 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale (...) ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée (...) ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. ".

5. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts. S'il se prononce au vu des éléments avancés par l'une et l'autre partie, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.

6. Pour remettre en cause le crédit d'impôt déclaré par la société Medissimo, l'administration fiscale, qui a suivi l'avis du 7 avril 2017 émis par l'expert du ministère de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche, a retenu que, si le projet de pilulier connecté iMédipac présente un caractère innovant, la persistance de verrous scientifiques, techniques ou technologiques n'était pas toujours systématiquement démontrée, et que les pièces transmises par la société ne permettaient pas d'identifier et de préciser clairement la nature des travaux menés, leur date de réalisation et le type de contribution apportée par les personnels et sous-traitants. L'administration fiscale a admis l'éligibilité au crédit d'impôt recherche des dépenses de sous-traitance pour les travaux confiés aux sociétés BSE, Madopa et Cen Stimco et remis en cause les autres dépenses de sous-traitance ainsi que les dépenses relatives au personnel affecté aux travaux de recherche et développement, les justificatifs produits étant insuffisants. La société soutient que l'ensemble du projet " iMedipac " est éligible au crédit d'impôt recherche. Selon elle, le verrou technique consistant à parvenir à développer un dispositif médical suffisamment fiable indiquant au patient le moment d'une prise du médicament afin d'aboutir à la modification de son comportement en augmentant substantiellement l'observance médicamenteuse quelle que soit sa pathologie ou son traitement constitue une réelle incertitude scientifique, ainsi qu'il ressort du dossier technique complémentaire qu'elle a produit à l'appui de ses observations. Toutefois, la circonstance que l'expert et l'administration ont reconnu le caractère innovant du projet ne suffit pas à conférer la qualité d'opérations de recherche scientifique ou technique aux activités de la société s'y rapportant. Est par ailleurs sans incidence à cet égard la circonstance que, dans un rapport du 20 juillet 2014, l'expert désigné avait conclu à l'éligibilité du même projet au titre de l'année 2011, dès lors que ce rapport d'expertise porte sur une autre année d'imposition, à l'issue de laquelle la société requérante a d'ailleurs déposé un brevet en décembre 2012. S'agissant de ses dépenses de personnel, la société a déclaré un volume de recherche et développement interne de plus de 5 000 jours, soit 80 à 100 % du taux horaire de son personnel. L'administration a rejeté ces dépenses au motif que la société n'a produit aucun justificatif du nombre d'heures déclarées comme éligibles au crédit d'impôt recherche et peu de détails techniques factuels permettant d'apprécier la nature et le volume du travail réalisé par ses salariés en lien avec le projet iMedipac, malgré les demandes de l'expert. Si la société requérante détaille davantage les tâches réalisées et les salariés affectés dans un tableau joint à son dossier technique complémentaire, la ventilation demeure générale, sans lien explicite et systématique avec l'activité de recherche et développement, et sans préciser davantage le nombre d'heures consacrées à chaque tâche. Le comité consultatif a d'ailleurs considéré que le dossier technique complémentaire de la société ne remettait pas en cause l'analyse de l'expert, et la société ne produit aucun élément nouveau en première instance et en appel permettant de remettre en cause l'analyse de l'administration. Les pièces transmises ne permettent pas notamment d'identifier précisément la nature des travaux de recherche et développement menés par la société, leur date de réalisation ainsi que le type de contribution apporté par ses personnels. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a rejeté l'ensemble des dépenses de personnel. S'agissant de ses dépenses de sous-traitance, la société requérante ne revendique plus le bénéfice du crédit d'impôt qu'en ce qui concerne les opérations de sous-traitance réalisées par la société 2IM. Elle soutient sans l'établir qu'elle a fait appel à la société 2IM pour le développement de la carte électronique des prototypes à défaut de disposer de ces compétences en interne. Cependant, il ressort du rapport de l'expert qu'elle a eu recours aux services de la société 2IM à deux reprises, en 2014 et 2015, dans le cadre de " réunions pour évaluation, de l'industrialisation et la commercialisation, des actions techniques et du déploiement territorial ", sans qu'il soit possible d'établir que de telles prestations étaient nécessaires à la réalisation des opérations de recherche menées par la requérante. Si celle-ci se prévaut du dossier technique complémentaire produit à l'appui de ses observations, ce dernier ne précise pas davantage la nature des missions confiées à la société 2IM. Par suite, la SAS Medissimo n'est pas fondée à soutenir que ces dépenses de sous-traitance, au demeurant non justifiées, devaient être comprises dans la base des dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la société Medissimo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Medissimo est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Medissimo et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2023.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE03310


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03310
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SELARL ONELAW

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;21ve03310 ?
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