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28/11/2023 | FRANCE | N°21BX02890

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 28 novembre 2023, 21BX02890


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Sénior Aassistance SALP a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 10 octobre 2018 par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Charente-Maritime pour un montant de 330 euros, correspondant à des frais d'intervention, ainsi que la décision du 14 mars 2019 par laquelle le bureau du conseil d'administration du SDIS de la Charente-Maritime a rejeté son recours gracieux, et de la décharge

r de l'obligation de payer cette somme.



Par un jugement n° 1901465 du 6 mai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sénior Aassistance SALP a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 10 octobre 2018 par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Charente-Maritime pour un montant de 330 euros, correspondant à des frais d'intervention, ainsi que la décision du 14 mars 2019 par laquelle le bureau du conseil d'administration du SDIS de la Charente-Maritime a rejeté son recours gracieux, et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 1901465 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 juillet 2021, 16 septembre 2022 et 10 octobre 2023, la société Sénior Assistance SALP, représentée par Me Luttringer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 mai 2021 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 10 octobre 2018 par SDIS de la Charente-Maritime pour un montant de 330 euros et la décision du 14 mars 2019 par laquelle le conseil d'administration du SDIS de la Charente-Maritime a rejeté son recours gracieux ;

3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 330 euros ;

4°) de mettre à la charge du SDIS de la Charente-Maritime une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intervention litigieuse du 17 juillet 2018 fait partie des missions de service public dévolues au service départemental d'incendie et de secours en application des articles L. 1424-2 alinéa 2 et L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales, de sorte que le SDIS ne pouvait lui demander une participation aux frais d'intervention ;

- l'appel au SDIS étaient justifié en l'espèce ; le SDIS est intervenu spontanément ; l'inutilité de l'intervention, découverte a posteriori, ne remet pas en cause le caractère justifié de l'appel au SDIS ;

- elle n'est pas la bénéficiaire de l'intervention du SDIS et était dans l'obligation d'avertir le SDIS ;

- le forfait appliqué par le SDIS est illégal dès lors que l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales ne prévoit pas la possibilité d'appliquer un forfait, qui s'assimile à une sanction pécuniaire.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 juin 2022 et 10 octobre 2023, le SDIS de la Charente-Maritime, représenté par Me Ruffie, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Sénior Aassistance SALP d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de justice ainsi qu'une somme de 13 euros correspondant au droit de plaidoirie.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Sénior assistance SALP ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 octobre 2023 à 12h00.

Un mémoire a été présenté pour le SDIS de la Charente-Maritime le 2 novembre 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Marie-Pierre Beuve-Dupuy,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Worbe, représentant le SDIS de la Charente-Maritime.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 24 septembre 2018, le directeur départemental adjoint du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Charente-Maritime a informé la société Sénior Assistance SALP que l'intervention réalisée le 19 juillet 2018 au domicile d'une personne âgée ayant conclu un contrat de téléassistance avec cette société et qui avait déclenché par inadvertance son alarme de téléassistance lui seraient facturée à hauteur de 330 euros. Le SDIS de la Charente-Maritime a émis, le 10 octobre 2018, un titre exécutoire, d'un montant de 330 euros, à l'encontre de la société Sénior Assistance SALP, correspondant à cette intervention. La société Sénior Assistance SALP relève appel du jugement du 6 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et de la décision du 14 mars 2019 par laquelle le bureau du conseil d'administration du SDIS a rejeté sa demande tendant à être déchargée de l'obligation du paiement de la somme en cause.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, alors applicable : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Il résulte de ces dernières dispositions, d'une part, que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, préciser laquelle et, d'autre part, qu'une mention portée sur un titre exécutoire indiquant au débiteur d'une créance qu'il peut la contester devant le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de cette créance, suivie d'une liste d'exemples ne comportant pas celui de la créance en litige, ne peut faire courir les délais de recours.

3. Il ressort des pièces du dossier que le titre exécutoire émis le 10 octobre 2018, s'il mentionne les délais de recours contentieux, indique seulement " vous pouvez contester la somme mentionnée en saisissant directement le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de la créance ", sans préciser quelle est la juridiction compétente. Ce titre exécutoire cite cependant plusieurs exemples de créances pour lesquelles est précisée la juridiction compétente, et indique notamment que le recours contentieux doit être présenté devant le tribunal administratif s'agissant, comme en l'espèce, de la " facturation d'intervention à caractère payant ". Cette notification, qui doit ainsi être regardée comme comportant l'indication des voies de recours requise par les dispositions précitées de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, a fait courir le délai de recours contentieux.

4. Toutefois, si la société indique avoir reçu le titre exécutoire " quelques jours " après la lettre du 24 septembre 2018 l'informant qu'elle était redevable d'une somme de 330 euros, la date exacte de notification de ce titre exécutoire ne ressort d'aucune pièce du dossier. Dans ces conditions, elle doit être regardée comme ayant eu connaissance du titre au plus tard le 8 février 2019, date à laquelle elle a présenté un recours gracieux tendant à " l'annulation de la participation aux frais d'intervention ". La société a été informée du rejet de son recours gracieux par un courrier du 19 avril 2019, reçu le 24 avril suivant selon ses déclarations, qui ne comportait au demeurant pas la mention des voies et délais de recours. Dans ces conditions, son recours contentieux, enregistré devant le tribunal administratif le 18 juin 2019, a été présenté avant l'expiration du délai de recours de deux mois prorogé par l'exercice du recours gracieux du 8 février 2019. La fin de non-recevoir opposée par le SDIS de la Charente Maritime, tirée de la tardiveté de la demande de première instance, doit donc être écartée.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que la société Sénior Assistance SALP a notamment produit, à l'appui de sa requête de première instance, la délibération du 14 mars 2019 par laquelle le bureau du conseil d'administration du SDIS a refusé d'accueillir sa demande d'exonération au titre de l'intervention réalisée le 19 juillet 2018. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le SDIS aux conclusions dirigées contre cette décision, tirée du défaut de production de la décision attaquée, ne peut qu'être écartée.

Sur le bien-fondé de la créance :

6. Aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : / 1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ; / 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; / 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation. " Aux termes de l'article L. 1424-42 du même code : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. (...) ".

7. Il résulte des dispositions combinées citées au point 6 que les services d'incendie et de secours ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, au nombre desquelles figurent les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, qui ne sauraient être facturées à ces dernières. Les interventions ne relevant pas directement de l'exercice de leurs missions de service public peuvent en revanche donner lieu à une participation aux frais des personnes qui en sont bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours.

8. Il ressort des pièces du dossier que, le 19 juillet 2018, le dispositif personnel d'alarme d'une cliente de la société Sénior Assistance SALP a émis un signal d'alerte à 13h58. Selon les mentions claires d'un " récapitulatif d'alarmes " produit par la société, celle-ci, après avoir tenté à plusieurs reprises, en vain, de joindre sa cliente par l'interphone du dispositif de téléassistance et par téléphone, puis joint une " personne de confiance " désignée par sa cliente, qui a toutefois refusé de se rendre au domicile de celle-ci, et enfin tenté de contacter, sans succès, les autres " personnes de confiance " désignées par sa cliente, a finalement alerté à 14h04 la régulation médicale d'urgence, qui a décidé de faire intervenir le SDIS de la Charente-Maritime au domicile de cette personne. Lors de son intervention, le SDIS de la Charente-Maritime a constaté que la personne avait déclenché son alarme par inadvertance et ne nécessitait aucun secours.

9. Eu égard aux circonstances rappelées ci-dessus, au moment de lancer l'intervention, le SDIS de la Charente-Maritime a agi au titre de sa mission de service public de secours aux personnes, au sens de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. La circonstance que cette intervention se soit finalement révélée inutile ne permet pas de la regarder, a posteriori, comme ne relevant pas de cette mission. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le SDIS de la Charente-Maritime ne pouvait légalement lui facturer cette intervention.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la société Sénior Assistance SALP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à l'annulation du titre exécutoire du 10 octobre 2018 et de la délibération du 14 mars 2019 du bureau du conseil d'administration du SDIS de la Charente Maritime et à la décharge de l'obligation de payer la somme litigieuse de 330 euros.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Sénior Assistance SALP, qui n'a pas la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par le SDIS de la Charente-Maritime et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS de la Charente-Maritime la somme de 1 000 euros à verser à la société Sénior Assistance SALP au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n°1901465 du 6 mai 2021 est annulé.

Article 2 : Le titre exécutoire émis le 10 octobre 2018 par le SDIS de la Charente-Maritime, ensemble la délibération du 14 mars 2019 du bureau du conseil d'administration du SDIS de la Charente-Maritime, sont annulés.

Article 3 : La société Sénior Assistance SALP est déchargée de l'obligation de payer la somme de 330 euros.

Article 4 : Le SDIS de la Charente-Maritime versera à la société Sénior Assistance SALP une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par le SDIS de la Charente-Maritime au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sénior Assistance SALP et au service départemental d'incendie de secours de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy

Le président,

Laurent Pouget La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02890
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CABINET LEXIA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;21bx02890 ?
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