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28/11/2023 | FRANCE | N°20NC02474

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 28 novembre 2023, 20NC02474


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'EARL de l'Orphée a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 22 février 2018 par lequel le préfet de la Meuse lui a infligé une amende de 15 000 euros en application du 4° de l'article L. 171-8 du code de l'environnement.



Par un jugement n° 1801040 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée

le 24 août 2020, l'EARL de l'Orphée, représentée par la Selarl Guyot et De Campos, demande à la cour :



1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL de l'Orphée a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 22 février 2018 par lequel le préfet de la Meuse lui a infligé une amende de 15 000 euros en application du 4° de l'article L. 171-8 du code de l'environnement.

Par un jugement n° 1801040 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2020, l'EARL de l'Orphée, représentée par la Selarl Guyot et De Campos, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 25 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2018 par lequel le préfet de la Meuse lui a infligé une amende de 15 000 euros en application du 4° de l'article L. 171-8 du code de l'environnement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'auteur de la décision litigieuse du 22 février 2018 était incompétent pour la signer ;

- la procédure contradictoire prescrite à l'article L. 171-8 du code de l'environnement a été méconnue : alors que l'administration a modifié la sanction en substituant la consignation d'une somme correspondant au montant des travaux par une amende administrative, elle n'a pas précédé cette substitution d'un courrier ayant pour objet de recueillir ses observations dans un délai déterminé ;

- l'administration a méconnu les articles L. 112-2, L. 341-6, L. 341-9 et L. 341-10 du code forestier ; seul le propriétaire de la parcelle défrichée peut être sanctionné au visa des dispositions combinées des articles L. 341-10 du code forestier et L. 171-8 du code de l'environnement ; or, elle bénéfice uniquement d'une autorisation d'exploiter les terres agricoles et n'est pas propriétaire de la parcelle qui appartient à M. E... D... et à Mme A... C..., épouse D... ;

- elle a également méconnu les dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement ; alors que le procès-verbal du 18 janvier 2016 a constaté les manquements, l'amende n'a pas été prononcée dans le délai d'un an fixé par les dispositions du 4° du II de cet article, dans sa version applicable au litige, soit avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-124 du 2 février 2017 ;

- l'amende infligée qui correspond au quantum maximum fixé par le 4° de l'article L. 171-8 précité est disproportionnée par rapport à la gravité des manquements et de l'absence de trouble causé à l'environnement :

. le devis de reboisement des parcelles ZB6b et ZK33 tel que prévu dans les mesures compensatoires est de 4 134,06 euros ;

. les mesures compensatoires, qui comprennent une haie arbustive de 540 mètres sur la parcelle défrichée ZB 7, sont hors de toute proportion par rapport au manquement constaté ;

. elle est toujours en redressement judiciaire et l'imputation d'une amende la conduira à la liquidation judiciaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 février 2018, le préfet de la Meuse a infligé à l'EARL (exploitation agricole à responsabilité limitée) de l'Orphée une amende d'un montant de 15 000 euros sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 171-8 du code de l'environnement au motif qu'elle n'avait pas procédé, dans le délai prescrit après mise en demeure, aux mesures compensatoires de reboisement qui lui avaient été prescrites concomitamment à l'autorisation qui lui avait été accordée le 22 juillet 2013, pour le défrichement de la parcelle cadastrée section ZB n° 7 au lieudit " les Ogons " située dans la commune de Nantillois. L'EARL de l'Orphée a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler cet arrêté du préfet de la Meuse du 22 février 2018. L'EARL de l'Orphée relève appel du jugement du tribunal administratif de Nancy du 25 juin 2020 qui a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 13 février 2018, régulièrement publié, la préfète de la Meuse a donné délégation à M. B..., directeur départemental des Territoires de la Meuse, à l'effet de signer, dans le cadre de ses attributions et compétences " les décisions relatives aux autorisations de coupe dans les bois et forêts ne présentant pas de garantie de gestion durable (code forestier, L. 124-5), au régime forestier dans les forêts des collectivités et autres personnes morales (code forestier, L. 214-3, L. 214-5, L. 214-13), au régime forestier dans les bois et forêts des particuliers (code forestier L. 312-9, L. 312-12 et L. 341-3) (...) ". Cet arrêté ne donne délégation que pour les décisions relatives aux articles du code forestier qui sont énoncés au titre du régime forestier. Il ne prévoit pas de délégation pour le prononcé de l'amende litigieuse telle que prévue par les dispositions combinées des articles L. 341-10 du code forestier et L. 171-8 du code de l'environnement. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte est fondé.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 341-10 du code forestier : " L'article L. 171-8 du code de l'environnement est applicable au propriétaire qui n'a pas exécuté les obligations prévues aux articles L. 341-6, L. 341-8 et L. 341-9 du présent code, dans le délai prescrit par la décision administrative. ". Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. II. - Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes (...) 4° Ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 15 000 € et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure. (...) ".

4. Il ressort des termes mêmes de l'article L. 341-10 précité que la sanction administrative pécuniaire d'amende prévue par l'article L. 171-8 du code de l'environnement ne peut être prononcée sur le fondement du code forestier qu'à l'encontre du seul propriétaire.

5. Il résulte de l'instruction que la sanction en litige a été prononcée à l'encontre de l'EARL de l'Orphée. Or, la parcelle cadastrée section ZB n° 7 lieudit " Les Ogons ", pour laquelle l'autorisation de défrichement a été délivrée sous réserve de la réalisation de mesures compensatoires qui n'ont pas été réalisées, a été acquise par M. E... D... et Mme A... D... née C... par un acte de vente du 30 juillet 1999. Cette parcelle, ainsi qu'il ressort des statuts de l'EARL de l'Orphée, n'a par ailleurs pas fait l'objet de la part de ces derniers, respectivement associé et associé-gérant de l'exploitation, d'un apport en nature en pleine propriété au capital de l'EARL, qui n'en est donc pas propriétaire. Par suite, la décision en litige prononçant la sanction administrative d'amende pécuniaire à l'encontre de l'EARL de l'Orphée, alors qu'elle n'est pas propriétaire de la parcelle, a méconnu les dispositions de l'article L. 341-10 du code forestier.

6. Il résulte de ce qui précède que l'EARL de l'Orphée est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 février 2018 par lequel le préfet de la Meuse lui a infligé une amende de 15 000 euros.

Sur les frais d'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'EARL de l'Orphée et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 22 février 2018 du préfet de la Meuse et le jugement n°1801040 du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Nancy sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à l'EARL de l'Orphée une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL de l'Orphée et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 20NC02474


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02474
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GUYOT & DE CAMPOS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;20nc02474 ?
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