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24/11/2023 | FRANCE | N°22NT00737

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 24 novembre 2023, 22NT00737


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... E... B... et M. A... C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 mai 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 8 mars 2021 par laquelle l'autorité consulaire française en Haïti a refusé de délivrer au jeune A... C... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.



Par un jugement n

2107426 du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... B... et M. A... C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 mai 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 8 mars 2021 par laquelle l'autorité consulaire française en Haïti a refusé de délivrer au jeune A... C... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2107426 du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés les 10 mars et 13 avril 2022, MM. B..., représentés par Me Pronost, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 janvier 2022 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à leur conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et dans le cas où ils ne bénéficieraient pas de l'aide juridictionnelle de mettre à la charge de l'Etat la même somme à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier ; le tribunal administratif n'a pas pris en compte le fait que l'acte de naissance de M. A... C... B... a été enregistré aux archives nationales haïtiennes et qu'il s'est vu délivrer un passeport ;

- en estimant que le lien de filiation n'était pas établi, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ; ce lien est démontré par l'acte de naissance produit et par la possession d'état ;

- le nouveau motif invoqué par le ministre de l'intérieur dans ses écritures de première instance, et tiré de ce qu'aucun jugement de délégation parentale n'a été produit ne peut fonder la décision contestée ; ce motif est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- et renvoie pour le reste à ses écritures de première instance.

Par une décision du 4 avril 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Nantes a accordé à M. A... C... B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dias,

- et les observations de Me Pronost représentant MM. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de MM. B... tendant à l'annulation de la décision du 19 mai 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 8 mars 2021 par laquelle l'autorité consulaire française en Haïti a refusé de délivrer à M. A... C... B... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial, en qualité d'enfant de M. A... E... B.... Ils relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Pour écarter le moyen invoqué, devant lui, tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise la commission de recours en estimant que l'acte de naissance de M. B... était apocryphe, le tribunal administratif de Nantes a jugé que cet acte a été dressé sur déclaration d'un temoin mineur, en méconnaissance de l'article 38 du code civil haïtien, qu'il mentionne à tort que le déclarant était majeur, que, bien que n'étant pas signé par les comparants ni par les témoins, il ne comporte pas mention de la cause qui a empêché ces derniers de le signer, en méconnaissance de l'article 40 du code civil haïtien et que ces anomalies, prises dans leur ensemble, étaient de nature à remettre en cause l'authenticité des documents d'état civil produits par les intéressés. Au regard de ces énonciations précises et circonstanciées, le jugement attaqué est suffisamment motivé, quand bien même il ne mentionne ni l'existence du passeport de M. B..., ni l'attestation des archives nationales d'Haïti attestant que son acte de naissance figure dans les registres d'état civil. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 434-3 du même code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ".

5. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre le refus de visa de long séjour sollicité par M. B... au motif que les documents d'état civil produits à l'appui de la demande présentent des incohérences qui leur ôtent tout caractère probant et ne permettent pas d'établir le lien familial l'unissant au regroupant.

7. Pour justifier du lien de filiation qui les unit, les requérants ont produit un acte de naissance n°144956, dressé le 5 décembre 2003 par l'officier de l'état civil de la commune de Desdunes (Haïti), un extrait du registre délivré par les archives nationales de ce pays, ainsi qu'une attestation de l'officier de l'état civil de la commune certifiant le caractère authentique de l'acte de naissance. L'acte en cause indique que l'enfant a été déclaré sur place, par M. A... D..., père de l'enfant, le 5 décembre 2003. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à cette date, ce dernier vivait depuis trois mois en France où il avait été admis au séjour, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial. Si les requérants se prévalent des dispositions de l'article 37 du code civil haïtien en vertu desquelles " Dans les actes où les parties intéressées ne seront pas obligées de comparaître en personne, elles pourront se faire représenter par un fondé de procuration spéciale et authentique. ", l'acte de naissance litigieux ne mentionne aucune procuration et indique, au contraire, que M. B..., résidant à Desdunes (Haïti), a comparu devant l'officier de l'état civil. Par suite, et alors même que cet acte figure dans un registre aujourd'hui versé aux archives nationales d'Haïti, il doit être regardé comme dépourvu de valeur probante.

8. Les requérants produisent aussi des justificatifs d'envoi, à partir de l'été 2017, d'importantes sommes d'argent à une tierce personne mentionnée comme témoin dans l'acte de naissance de M. B... et présentée comme son parrain, des justificatifs de voyage de son père allégué en Haïti et à Saint-Domingue, entre 2020 et 2022, ainsi que des captures d'écran d'une application de messagerie instantanée justifiant de leurs conversations au cours de l'année 2021. Toutefois, ces éléments, tous postérieurs à l'engagement de la demande de regroupement familial, elle-même présentée plus de treize ans après l'entrée en France de M. B..., présentent un caractère très récent et ne permettent pas d'établir, par possession d'état, le lien de filiation invoqué par les requérants. Il suit de là qu'en estimant que ce lien n'était pas établi et en refusant, pour ce motif de délivrer le visa sollicité, la commission de recours n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par les requérants, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par ces derniers doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil des requérants de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de MM. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... B..., à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2023.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00737


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00737
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : PRONOST

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-24;22nt00737 ?
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