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24/11/2023 | FRANCE | N°22NT00557

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 24 novembre 2023, 22NT00557


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... E... D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale du jeune B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 février 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision de l'autorité consulaire française à New Delhi (Inde) refusant de délivrer au jeune B... un visa d'entrée et de long séjour, en qualité de membres

de famille de réfugiée.



Par un jugement n° 2101146 du 9 juillet 2021, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale du jeune B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 février 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision de l'autorité consulaire française à New Delhi (Inde) refusant de délivrer au jeune B... un visa d'entrée et de long séjour, en qualité de membres de famille de réfugiée.

Par un jugement n° 2101146 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 février et 16 novembre 2022, Mme D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale du jeune B... D..., représentée par Me Pollono, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 27 février 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer les demandes de visa, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ou, à lui verser directement, si l'aide juridictionnelle lui est refusée.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier ; les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la commission, en ne tenant pas compte des éléments de possession d'état produits à l'appui du recours, a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- la commission en n'examinant pas les éléments de possession d'état qui lui ont été adressés a entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux et d'une erreur de droit ;

- la décision contestée est entachée d'erreur de droit et méconnaît l'article 11 de la directive 2003/86/CE ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dias,

- et les observations de Me Pollono, représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 27 février 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à New Delhi (Inde) refusant de délivrer le visa de long séjour sollicité par le jeune B... en qualité de membre de famille de réfugié. Mme D... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur: " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint (...) / (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ".

3. Pour refuser de délivrer le visa sollicité par le jeune B... en qualité de membre de famille de réfugié, la commission de recours s'est fondée sur ce que l'intéressé n'avait produit ni carte d'identité, ni passeport chinois, ni Ho Kou permettant d'établir son identité et, partant, son lien familial allégué avec Mme D....

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de l'identité du demandeur de visa, Mme D... a produit la copie du livret vert remis au jeune B..., le 19 avril 2018, plus d'un an avant sa demande de visa. Si ce document ne comporte aucune indication sur la filiation, il contient les éléments relatifs à l'identité de son titulaire et est revêtu de sa photographie. Par suite, il est de nature à justifier de l'identité du demandeur de visa. Pour justifier du lien de filiation l'unissant au jeune B..., Mme D... a produit une attestation, établie le 20 mai 2019, par le bureau du Dalaï Lama à New Delhi ainsi qu'une attestation de la représentation du Tibet à Paris, du 24 novembre 2020, indiquant que le jeune B... est bien son fils. Si le ministre de l'intérieur soutient que ces documents ont été rédigés sur la base de simples déclarations, les mentions figurant dans l'attestation du bureau du Tibet à Paris, et à laquelle se réfère une attestation ultérieure émanant du bureau du Dalaï Lama en Inde, indiquent au contraire que le document été établi après vérification auprès de l'administration locale. Le contenu de ces documents est corroboré par les déclarations constantes à l'administration de Mme D... qui a mentionné l'existence de son fils dès le dépôt de sa demande d'asile, le 24 octobre 2017. La requérante verse aussi au débat plusieurs photographies qui la montrent en compagnie de l'enfant, à différentes périodes de sa vie, ainsi qu'un courrier explicatif adressé le 24 juillet 2019 au bureau des familles de refugiés (BFR) expliquant les circonstances précises de temps et de lieux dans lesquelles les clichés ont été pris. Il ressort enfin des différents justificatifs versés au dossier qu'à deux reprises, en 2019, Mme D... s'est rendue en Inde, où le jeune B... est scolarisé et qu'entre 2018 et 2020 elle a envoyé des sommes d'argent à plusieurs compatriotes résidant dans ce pays, dont trois au moins attestent les avoir remises à l'enfant. Compte tenu de leur nombre, de leur nature et de leur caractère concordant, ces différents éléments doivent être regardés comme établissant, par la possession d'état, le lien de filiation qui unit Mme D... et le jeune B.... En estimant que ce lien n'était pas établi, et en refusant, pour ce motif, de délivrer le visa sollicité par ce dernier, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué et sur les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa d'entrée et de long séjour soit délivré au jeune B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pollono de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 27 février 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer au jeune B... un visa d'entrée et de long séjour en France dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Pollono une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme D... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2023.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00557
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-24;22nt00557 ?
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