La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2023 | FRANCE | N°22MA00554

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 24 novembre 2023, 22MA00554


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.



Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 13 novembre 2023.
<

br>



Considérant ce qui suit :



1. Mme B..., qui exerce la profession d'infirmière libérale et a déclaré, à ce titre, avoir im...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 13 novembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., qui exerce la profession d'infirmière libérale et a déclaré, à ce titre, avoir implanté son activité dans une zone franche urbaine (ZFU) située à La Seyne-sur-Mer, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. A l'issue de cette procédure, l'administration lui a notifié une proposition de rectification datée du 19 décembre 2016 dans lesquelles elle a remis en cause le bénéfice du régime d'exonération prévu par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts en faveur des contribuables créant ou exerçant une activité dans une ZFU, rejeté un certain nombre de charges déduites du résultat fiscal et appliqué une majoration de 80 %. Par un jugement n° 2000867 du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, déchargé Mme B... des pénalités afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 dans la limite correspondant à la différence entre la majoration de 80 % prévue par le c de l'article 1729 du code général des impôts et la majoration de 40 % prévue par le a de cet article, et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande. Elle relève appel du jugement en tant seulement qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Si Mme B... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé au motif qu'il s'est fondé à tort sur l'article 44 octies A du code général des impôts, au lieu de l'article 44 octies du même code, pour apprécier si son activité entrait ou non dans le champ d'application de l'exonération d'impôt sur le revenu, elle conteste en réalité le bien-fondé de l'appréciation portée par le tribunal sur son droit à bénéficier de ce régime d'exonération. Le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation du jugement doit donc être écarté.

4. Le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'un défaut de base légale relève du bien-fondé du jugement et demeure sans incidence sur sa régularité.

5. La circonstance que le tribunal a estimé que les attestations produites par Mme B... avaient été établies tardivement et pour les besoins de la cause traduit l'exercice par les premiers juges du pouvoir d'appréciation des éléments qui leur sont soumis et n'est pas de nature à établir que celui-ci aurait été exercé en méconnaissance du principe général d'équité du procès et du principe d'égalité des armes. Par suite, les premiers juges n'ont pas entaché d'irrégularité le jugement attaqué.

6. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Toulon, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens que comportaient les mémoires produits par Mme B.... En particulier, le tribunal administratif n'a pas omis de répondre, notamment au point 12 du jugement attaqué, au moyen tiré de ce que l'administration a estimé à tort que l'activité de la requérante n'est pas effectivement implantée dans une zone franche urbaine, eu égard notamment aux modalités de jouissance du local et à son partage avec d'autres infirmiers locataires. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur la procédure d'imposition :

7. La circonstance que l'état contradictoire des constatations matérielles effectuées dans le local loué par Mme B... au sein de la zone franche urbaine, daté du 18 octobre 2016 et signé par cette dernière, ne comporte pas d'heure de remise du document et que la mention prenant acte d'un éventuel " refus " de réception du procès-verbal ait été conservée ne saurait révéler une méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et n'a, en tout état de cause, aucune influence sur la régularité de la procédure d'imposition.

8. Aux termes de l'article L. 212 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Peuvent être constatées par procès-verbal : / a) (Abrogé) ; / b) Les infractions en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et de taxes assimilées ; / c) Les infractions aux dispositions du 2 des articles 119 bis et 1672 du code général des impôts en matière de retenue à la source afférente aux revenus de capitaux mobiliers et à celles qui fixent les modalités et conditions d'application de ces articles ; / d) Les infractions aux dispositions du code général des impôts relatives aux ventes publiques de meubles et par enchères, aux droits de timbre à l'exception de celles relatives aux droits de timbre perçus sur états ou sur déclarations ; / e) Les infractions relatives au récépissé de consignation prévu par l'article 302 octies du code précité. ". Aux termes de l'article L. 213 du même livre : " Les procès-verbaux sont établis par les agents de l'administration, dans les conditions prévues à l'article 429 du code de procédure pénale. Toutefois en matière de contributions indirectes les procès-verbaux sont nuls s'ils n'ont pas été rédigés par les seuls agents ayant pris une part personnelle et directe à la constatation des faits qui constituent l'infraction. (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que l'inspecteur des finances publiques, à l'occasion de la vérification de la comptabilité de l'activité de Mme B..., a procédé à deux états contradictoires des constatations matérielles, donnant lieu à des procès-verbaux établis les 18 octobre 2016 et 14 décembre 2016. Ces procès-verbaux, contresignés par Mme B..., qui décrivent les conditions de location et d'utilisation du local loué par elle et le matériel utilisé pour la réalisation de son activité, n'ont pas eu pour objet de constater une infraction de nature pénale au sens et dans les conditions prévues aux articles L. 212 et L. 213 du livre des procédures fiscales. Mme B... ne peut dès lors utilement invoquer ces dispositions pour se prévaloir de l'irrégularité des procès-verbaux dont il n'est au demeurant pas établi, au vu des éléments exposés au point 23, qu'ils contiendraient de fausses informations.

10. Le moyen tiré de ce que les précédents contrôles fiscaux de l'activité de Mme B... n'auraient donné lieu à aucune rectification ne saurait davantage établir une irrégularité de la procédure d'imposition en litige et ne peut être utilement invoqué.

11. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée.".

12. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs. Par ailleurs, l'administration respecte l'obligation de motivation prévue par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales lorsque, pour répondre aux observations du contribuable, elle donne les informations qui lui permettent de comprendre sa décision, quel que soit le bien-fondé de la position qu'elle prend.

13. La proposition de rectification comporte la mention de l'impôt, en l'espèce l'impôt sur le revenu, le montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les années d'imposition concernées. Elle précise le fondement légal des rectifications et indique de manière précise les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée pour établir ces impositions supplémentaires, en explicitant le détail du calcul de l'impôt dû. Dès lors, le service a explicité, dans sa proposition de rectification, les raisons pour lesquelles il a considéré que Mme B... ne justifiait pas l'implantation réelle de son activité d'infirmière libérale dans la zone franche urbaine située à La Seyne-sur-Mer. Dans la réponse aux observations du contribuable du 29 mars 2017, le service a explicité, avec une précision suffisante, sa position et confirmé, sans remettre en cause la condition liée à la réalisation d'un chiffre d'affaires d'au moins 25 % auprès de clients situés en zone franche urbaine, que l'intéressée ne remplissait pas la condition tenant à l'exercice d'une activité dans cette zone, avec les moyens d'exploitation nécessaires. Dès lors, l'administration fiscale, qui n'était pas tenue d'adresser une nouvelle proposition de rectification à la requérante, n'a pas méconnu son obligation de motivation de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces actes de la procédure d'imposition ne peut, par suite, qu'être écarté.

14. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

15. L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus de tiers qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé. Toutefois, la méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie. Par ailleurs, lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

16. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 19 décembre 2016, qu'en application des articles L. 81 et L. 85 du livre des procédures fiscales, l'administration a exercé son droit de communication auprès d'un prestataire de services assurant pour le compte de Mme B... des tâches administratives et de secrétariat. La teneur de sa réponse datée du 10 novembre 2016 est retranscrite en intégralité dans la proposition de rectification. Il est constant que Mme B... n'a pas sollicité, avant la mise en recouvrement des impositions, la communication de ce document. Il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale aurait obtenu auprès de tiers des informations ou des documents concernant le local loué par Mme B... partagé avec d'autres infirmiers, une telle information ressortant de l'état contradictoire des constatations matérielles effectuées sur place entre le vérificateur et l'intéressée, remis en mains propres à cette dernière qui l'a signé sans émettre de réserves ou d'observations. Si la réponse aux observations du contribuable mentionne, en précisant leur identité, un nombre plus important d'infirmiers locataires que celui indiqué dans l'état contradictoire, cette circonstance ne suffit pas à démontrer que l'administration aurait obtenu ces renseignements auprès de tiers. A supposer même que cela soit le cas, ces informations, eu égard à leur teneur, étaient nécessairement connues de Mme B..., qui partageait avec les infirmiers concernés le local qu'elle louait, ainsi qu'il est dit au point 23. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B doit être écarté en toutes ses branches.

17. Enfin, Mme B... ne peut pas davantage utilement se prévaloir, en appel, de l'instruction administrative référencée BOI-CF-IOR-10-40, dès lors que cette instruction est relative à la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

18. Aux termes de l'article 44 octies du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : I. Les contribuables qui exercent ou créent des activités avant le 31 décembre 2001 dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs définies au B du 3 de l'article 42 modifié de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et dont la liste figure au I de l'annexe à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de la délimitation de la zone pour les contribuables qui y exercent déjà leur activité ou, dans le cas contraire, celui de leur début d'activité dans l'une de ces zones. / (...) Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine-territoire entrepreneur mais exercée en tout ou partie en dehors des zones franches urbaines-territoires entrepreneurs, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein, ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs. / (...) V.-Les dispositions des I à IV sont applicables aux contribuables qui créent des activités entre le 1er janvier 2002 et la date de publication de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs visées au premier alinéa du I. Toutefois, pour les contribuables qui créent des activités dans ces zones en 2002, le point de départ de la période d'application des allégements est fixé au 1er janvier 2003. ".

19. Aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I.-Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre (...), créent des activités dans les zones franches urbaines (...) définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines (...) définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. (...). / Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine (...) mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines (...) ".

20. L'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition.

21. En l'espèce, la requérante, dont l'activité professionnelle d'infirmière libérale a été créée le 1er août 2005, soutient que le tribunal administratif et l'administration fiscale se sont fondés à tort sur l'article 44 octies A du code général des impôts dès lors que ces dispositions ne s'appliquent qu'aux activités créées dans les zones franches urbaines à compter du 1er janvier 2006. Toutefois, l'administration demande à la cour de substituer à la base légale erronée de l'article 44 octies A du code général des impôts les dispositions de l'article 44 octies du même code. Cette substitution peut être effectuée dans la mesure où Mme B... n'a été privée d'aucune des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition. Il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande de substitution de base légale.

22. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application de l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés prévue par les dispositions précitées. L'implantation d'une activité en zone franche urbaine, en l'absence de salarié, s'apprécie, pour le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 44 octies du code général des impôts, au regard de tous éléments pertinents, notamment de la situation des locaux et des moyens d'exploitation utiles à cette activité et de son lieu d'exercice effectif, sans que fasse obstacle à l'application de cet article la seule circonstance qu'une partie de l'activité, en raison de sa nature, doive s'exercer chez les clients de ce contribuable.

23. Pour remettre en cause l'exonération d'impôt sur le revenu dont Mme B... a bénéficié au titre des années 2013 à 2015, l'administration a considéré que l'intéressée ne justifiait pas de l'implantation matérielle de son activité, accompagnée des moyens d'exploitation nécessaires, dans la zone franche urbaine de la Seyne-sur-Mer. Il ressort de la proposition de rectification du 19 décembre 2016 que le vérificateur a constaté notamment que Mme B... exerce son activité exclusivement au domicile de ses patients, que le local loué, situé au sein d'un cabinet de kinésithérapie, est partagé avec d'autres infirmiers sans qu'aucune modalité de partage des locaux n'existe et que les tâches administratives afférentes à son activité ne sont pas réalisées sur place mais sont confiées à un prestataire de services extérieur. Le vérificateur s'est appuyé notamment sur les deux procès-verbaux qu'il a dressés les 18 octobre 2016 et 14 décembre 2016 lors de ses interventions sur place. Aucun élément ne permet de démontrer que ces procès-verbaux n'auraient pas été établis contradictoirement sur la base des éléments fournis par Mme B... qui était présente, ainsi que son expert-comptable chargé de la représenter, lors des visites des lieux, et qui a signé sans réserve les documents. La circonstance que le premier procès-verbal du 18 octobre 2016 mentionne " Je prends acte de son refus et lui précise que le double du présent procès-verbal sera adressé au siège de l'entreprise par lettre recommandée avec accusé de réception " constitue une simple erreur matérielle figurant sur le document-type de l'administration fiscale, Mme B... ayant accusé réception du document et l'ayant signé, ainsi qu'il vient d'être dit, sans réserves avec la mention manuscrite " original reçu en mains propres ". S'il ressort de ces procès-verbaux que le nom de Mme B... figure sur une plaque à l'extérieur du cabinet et que les tarifs et honoraires sont affichés à l'intérieur du local, la pièce que la requérante a déclaré occuper, louée entre 2013 et 2015 pour un montant d'environ 175 euros, n'est que d'une surface de 10 mètres carrés et n'est équipée que d'un évier avec plan de travail et d'une table de soin réglable avec deux tabourets. Le local ne dispose pas de bureau, d'armoire fermée à clé, de matériel informatique, de récupérateur de déchets et de réfrigérateur permettant de conserver certains produits. Ainsi que l'administration le fait valoir en défense, la requérante ne produit aucune attestation d'assurance pour l'exercice d'une activité professionnelle à cette adresse. Son compte bancaire professionnel est domicilié à son adresse personnelle. Elle ne justifie pas que le local serait pourvu d'une ligne téléphonique fixe ou d'une connexion internet et qu'elle disposerait d'un contrat de consommation d'eau, d'électricité ou de chauffage pour ce local. La circonstance, d'une part, que le local disposerait par ailleurs d'une salle d'attente et de sanitaires, d'autre part, qu'il serait conforme à la règlementation en matière d'hygiène, de sécurité ou de confidentialité prévue par le code de la santé publique, ne sauraient suffire à justifier que l'activité de Mme B... serait implantée dans ce local et que ce dernier disposerait des moyens nécessaires à l'activité d'infirmier. De surcroît, la constatation faite par le service, dans la proposition de rectification et les procès-verbaux précités, sur le partage du local avec quatre infirmiers n'est pas remise en cause par la réponse aux observations du contribuable qui confirme une telle occupation avec un nombre plus important de huit infirmiers. Enfin, les différentes attestations produites, pour la plupart postérieures aux opérations de contrôle, ne permettent pas d'établir, au vu des éléments précités, que l'implantation effective de l'activité de Mme B... se situait dans ce local.

24. Dans ces conditions, dès lors que la réalité de l'implantation matérielle de Mme B... en zone franche urbaine ne peut être regardée comme établie et nonobstant la circonstance, non contestée par l'administration, que la condition relative au seuil de chiffre d'affaires d'au moins 25 % réalisée auprès de patients localisés en zone franche urbaine soit remplie, la requérante ne satisfait pas à l'une des conditions auxquelles les dispositions précitées du code général des impôts subordonnent le bénéfice de l'exonération prévue en faveur de certaines activités implantées dans une telle zone. Par suite, Mme B... ne peut être regardée comme ayant implanté son activité professionnelle en zone franche urbaine pour les années 2013 à 2015 au sens des dispositions de l'article 44 octies du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

25. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) ". Selon l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) ".

26. En précisant que Mme B... est titulaire d'un bail commercial pour le local en cause et en indiquant que celle-ci ne pouvait ignorer qu'elle devait disposer, s'agissant de son activité, d'une implantation matérielle et de moyens d'exploitation dans une zone franche urbaine pour bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu, l'administration fiscale n'a pas entendu reconnaître, par sa proposition de rectification, qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier de cette exonération d'impôt. Par suite, Mme B... n'est, par suite et en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de ce que l'administration fiscale aurait pris une position formelle sur une situation de fait dont elle pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

27. Mme B... se prévaut enfin de l'interprétation administrative de la loi fiscale telle qu'elle ressort de l'instruction du 6 octobre 2004 référencée 4 A-8-04, et de l'instruction BOI-BIC-CHAMP-80-10-20-20 du 25 juin 2014. Il ne résulte cependant pas de ces instructions une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application dont le requérant pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur les pénalités :

28. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

29. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que la réalité de l'implantation matérielle de l'activité d'infirmière libérale de Mme B... en zone franche urbaine n'est pas établie. Compte tenu de l'importance des manquements constatés et de la répétition de l'infraction sur les trois années contrôlées, qui représentent des montants de 61 000 euros en 2013 et 2014 et 53 019 euros en 2015, soit des sommes représentant plus de 58 %, 54 % et 52 % du résultat imposable, l'administration fiscale établit que la requérante a volontairement cherché à éluder une partie de l'impôt dû au titre de ces trois années. Par suite, et sans qu'ait d'incidence la circonstance que la requérante aurait précédemment fait l'objet de contrôles fiscaux qui n'auraient donné lieu à aucune rectification, c'est à bon droit que les premiers juges ont substitué à la pénalité infligée pour manœuvres frauduleuses la majoration prévue en cas de manquement délibéré.

30. Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir du paragraphe n° 200 de l'instruction BOI-BIC-CHAMP-80-10-20-20 du 25 juin 2014, dès lors que ce paragraphe ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

31. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à Mme B... une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 novembre 2023.

2

N° 22MA00554

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00554
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-01-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Personnes et activités imposables. - Exonération de certaines entreprises nouvelles (art. 44 bis et suivants du CGI).


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : RIGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-24;22ma00554 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award