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24/11/2023 | FRANCE | N°22MA00148

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 24 novembre 2023, 22MA00148


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'ordonner la désignation d'un expert, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'accident de service survenu le 13 août 2010 et de l'aggravation de son état de santé, et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1

du code de justice administrative.



Par un jugement n° 1903698 du 9 novembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'ordonner la désignation d'un expert, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'accident de service survenu le 13 août 2010 et de l'aggravation de son état de santé, et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1903698 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Moumni, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 22 000 euros, sous réserve du déficit fonctionnel permanent, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il est fondé, sur le terrain de la responsabilité sans faute, à solliciter l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique permanent et du préjudice d'agrément subis du fait de l'accident de service dont il a été victime le 13 août 2010 et de l'aggravation postérieure de son état de santé.

La requête a été communiquée à la ministre des armées qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., quartier maître de 2ème classe, a été victime, le 13 août 2010, tandis qu'il était en service sur un navire en escale à la Réunion, d'une chute sur le barreau d'une échappée verticale à l'origine d'une entorse du ligament latéral externe de la cheville gauche. Cet accident a été reconnu comme étant imputable au service. Par une lettre en date du 28 décembre 2017, M. A... a demandé à son administration, sur le fondement de la responsabilité sans faute, une indemnisation au titre de différents préjudices consécutifs à l'accident du 13 août 2010 et à l'aggravation de son état, non couverts par la pension militaire d'invalidité. Par une décision du 27 décembre 2018, sa demande a été rejetée comme étant prescrite. M. A... a alors exercé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires. La ministre des armées a, par une décision du 22 juillet 2019, estimé que la prescription n'était pas acquise mais a rejeté au fond la demande de l'intéressé. M. A... interjette appel du jugement du 9 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices précités.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article L.121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ".

3. Eu égard à la finalité qui lui est assignée et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. Lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 133-1 du code, la pension a également pour objet la prise en charge des frais afférents à l'assistance par une tierce personne.

4. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires peuvent prétendre, au titre des préjudices mentionnés ci-dessus, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Cependant, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. En outre, dans l'hypothèse où le dommage engage la responsabilité de l'Etat à un autre titre que la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, et notamment lorsqu'il trouve sa cause dans des soins défectueux dispensés dans un hôpital militaire, l'intéressé peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une réparation intégrale. Lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif.

S'agissant du lien de causalité :

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise établi par le Dr B..., médecin en chef des armées, que la consolidation de l'accident de service du 13 août 2010 doit être fixée au 9 février 2011, date à laquelle le médecin de bord ayant examiné le requérant, a pu constater l'absence de séquelles de la blessure, l'intéressé ayant, au demeurant, repris normalement son activité professionnelle ainsi que ses activités sportives et couru, le 21 janvier 2011, le marathon de Dubaï. Si M. A... se plaint de l'aggravation postérieure de son état de santé et notamment de douleurs invalidantes, d'une boiterie et d'un état dépressif, le lien direct et certain entre l'accident du 13 août 2010 et l'aggravation de son état de santé n'est pas établi par les pièces versées au dossier. Si M. A... se prévaut notamment d'un rapport établi par le Dr C..., chirurgien orthopédique, celui-ci ne permet pas, et alors que le rapport précité du Dr B... exclut formellement tout lien entre l'accident initial et l'aggravation de l'état de l'intéressé, de caractériser ledit lien. Il suit de là, M. A... n'établissant pas ni même d'ailleurs n'alléguant qu'il aurait été victime d'un deuxième accident de service qui se serait produit le 5 septembre ou le 5 décembre 2011, que l'appelant est seulement fondé à prétendre à l'indemnisation des préjudices directement consécutifs à l'accident du 13 août 2010.

S'agissant des préjudices :

6. Il résulte de l'expertise du Dr B..., que M. A... a, du fait de l'accident du 13 août 2010, enduré des souffrances avant consolidation évaluées à 0,5/7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'estimant à la somme de 500 euros.

7. En revanche, le préjudice esthétique permanent dont est victime le requérant du fait d'une boiterie, le préjudice d'agrément lié à la diminution de ses activités sportives ainsi qu'en tout état de cause, le déficit fonctionnel permanent de l'intéressé, lequel a vocation à être réparé par la pension militaire d'invalidité, ne présentent pas de lien direct et certain avec l'accident du 13 août 2010 et ne peuvent, dès lors, donner lieu à indemnisation.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulon a rejeté l'intégralité de ses prétentions indemnitaires. Il y a lieu, dès lors d'annuler ledit jugement et de condamner l'Etat à verser à M. A... la somme de 500 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de réception, par l'administration, de la demande indemnitaire adressée le 28 décembre 2017.

Sur les frais d'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros qui sera versée à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1903698 du tribunal administratif de Toulon du 9 novembre 2021 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de 500 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'accident de service survenu le 13 août 2010. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande indemnitaire adressée le 28 décembre 2017 par M. A....

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel et de première instance de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 novembre 2023.

N° 22MA00148 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00148
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : MDMH - MAUMONT MOUMNI AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-24;22ma00148 ?
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