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23/11/2023 | FRANCE | N°23LY01094

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 23 novembre 2023, 23LY01094


Vu les procédures suivantes :

I- Procédure contentieuse antérieure



Mme D... G... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés des 18 octobre et 28 novembre 2022 par lesquels le préfet de l'Ardèche lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et l'a assignée à résidence, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ainsi qu'une attestation de demande d'asile jusqu'au réexamen de sa situati

on, et à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligati...

Vu les procédures suivantes :

I- Procédure contentieuse antérieure

Mme D... G... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés des 18 octobre et 28 novembre 2022 par lesquels le préfet de l'Ardèche lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et l'a assignée à résidence, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ainsi qu'une attestation de demande d'asile jusqu'au réexamen de sa situation, et à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

Par un jugement n°s 2208199-2208938 du 7 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 mars 2023, sous le n° 23LY01094, Mme G..., représentée par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et ces arrêtés ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ainsi qu'une attestation de demande d'asile jusqu'au réexamen de sa situation ;

3°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 1 300 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne des droits de la défense et du droit d'être entendu qui constitue une garantie de procédure substantielle et est entachée d'un vice de procédure à ce titre ; elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une erreur de droit, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie conséquence compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne des droits de la défense et du droit d'être entendu ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- à titre subsidiaire, elle est fondée à obtenir la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; la mise à exécution de cette mesure méconnait le principe de non-refoulement prévu par l'article 33 de la convention de Genève de 1951 et par l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du droit à un recours effectif prévu à l'article 47 de cette charte compte tenu des éléments qu'elle fait valoir de nature à justifier l'existence d'un doute sérieux sur le bien-fondé du refus de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et Apatrides (OFPRA), tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance de l'article 19 précité, et de l'erreur manifeste d'appréciation, et par voie de conséquence, son maintien sur le territoire français pendant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale par voie conséquence compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle est insuffisamment motivée en droit ; elle méconnait l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de perspective raisonnable d'éloignement justifiant une telle mesure compte tenu du principe de non-refoulement prévu par l'article 33 de la convention de Genève de 1951 et par l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du droit à un recours effectif prévu à l'article 47 de cette charte et garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet de l'Ardèche qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 1er mars 2023, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à Mme G....

II- Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés des 18 octobre et 28 novembre 2022 par lesquels le préfet de l'Ardèche lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et l'a assigné à résidence, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ainsi qu'une attestation de demande d'asile jusqu'au réexamen de sa situation, et à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à la décision de la CNDA.

Par un jugement n°s 2208196-2208937 du 7 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 mars 2023, sous le n° 23LY01095, M. E..., représenté par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et ces arrêtés ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ainsi qu'une attestation de demande d'asile jusqu'au réexamen de sa situation ;

3°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 1 300 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne des droits de la défense et du droit d'être entendu qui constitue une garantie de procédure substantielle et est entachée d'un vice de procédure à ce titre ; elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une erreur de droit, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie conséquence compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne des droits de la défense et du droit d'être entendu ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- à titre subsidiaire, il est fondé à obtenir la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; la mise à exécution de cette mesure méconnait le principe de non-refoulement prévu par l'article 33 de la convention de Genève de 1951 et par l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du droit à un recours effectif prévu à l'article 47 de cette charte compte tenu des éléments qu'il fait valoir de nature à justifier l'existence d'un doute sérieux sur le bien-fondé du refus de sa demande d'asile par l'OFPRA, tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance de l'article 19 précité, et de l'erreur manifeste d'appréciation, et par voie de conséquence, son maintien sur le territoire français pendant l'examen de son recours par la CNDA ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale par voie conséquence compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle est insuffisamment motivée en droit ; elle méconnait l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de perspective raisonnable d'éloignement justifiant une telle mesure ; elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet de l'Ardèche qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 1er mars 2023, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à M. E....

III- Procédure contentieuse antérieure

Mme C... F... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés des 18 octobre et 28 novembre 2022 par lesquels le préfet de l'Ardèche lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et l'a assignée à résidence, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ainsi qu'une attestation de demande d'asile jusqu'au réexamen de sa situation, et à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à la décision de la CNDA.

Par un jugement n°s 2208195-2208939 du 7 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 mars 2023 sous le n° 23LY01096, Mme F... épouse E..., représentée par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et ces arrêtés ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ainsi qu'une attestation de demande d'asile jusqu'au réexamen de sa situation ;

3°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 1 300 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne des droits de la défense et du droit d'être entendu qui constitue une garantie de procédure substantielle et est entachée d'un vice de procédure à ce titre ; elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une erreur de droit, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie conséquence compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne des droits de la défense et du droit d'être entendu ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- à titre subsidiaire, elle est fondée à obtenir la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; la mise à exécution de cette mesure méconnait le principe de non-refoulement prévu par l'article 33 de la convention de Genève de 1951 et par l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du droit à un recours effectif prévu à l'article 47 de cette charte compte tenu des éléments qu'elle fait valoir de nature à justifier l'existence d'un doute sérieux sur le bien-fondé du refus de sa demande d'asile par l'OFPRA, tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance de l'article 19 précité, et de l'erreur manifeste d'appréciation, et par voie de conséquence, son maintien sur le territoire français pendant l'examen de son recours par la CNDA ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale par voie conséquence compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle est insuffisamment motivée en droit ; elle méconnait l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de perspective raisonnable d'éloignement justifiant une telle mesure ; elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet de l'Ardèche qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 1er mars 202,3 le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à Mme F... épouse E....

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que les arrêts sont susceptibles d'être fondés sur des moyens relevés d'office, tirés de ce que les conclusions présentées à titre subsidiaire tendant à la suspension de l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français en litige, ont perdu leur objet en cours d'instance, la CNDA ayant, par des décisions du 1er juin 2023, rejeté les recours formés contre les décisions de l'OFPRA concernées.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le traité sur l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Le rapport A... Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., né le 15 novembre 1970 à Grojan, Mme F... épouse E..., née le 24 septembre 1976 à Satarovac, et Mme G..., née le 3 janvier 2000 à Loznica, fille de cette dernière, sont ressortissants de la République de Serbie. Ils déclarent être entrés sur le territoire français le 25 mars 2022 accompagnés des trois enfants A... et Mme E..., l'un étant majeur. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 29 août 2022, dans le cadre de la procédure accélérée. Le préfet de l'Ardèche, par des arrêtés du 18 octobre 2022, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, puis par des arrêtés du 28 novembre suivant a prononcé leur assignation à résidence. Par trois requêtes qu'il convient de joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt, Mme G... M. E... et Mme F... épouse E... relèvent chacun appel des jugements du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon portant rejet de leurs demandes d'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des arrêtés contestés :

2. En premier lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient insuffisamment motivées, entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation et d'erreur de droit, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée, de ce que les décisions portant assignation à résidence seraient insuffisamment motivées, entachées d'un défaut d'examen particulier de leurs situations et entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

3. En deuxième lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

4. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

5. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.

6. Il ressort des pièces des dossiers que Mme G..., M. E... et Mme F... épouse E... ont saisi les 4 et 9 mai 2022 l'OFPRA de demandes d'asile, qui ont été rejetées par décisions 19 août 2022, dans le cadre de la procédure accélérée sur le fondement du 1° de l'article L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les intéressés étant ressortissants d'un pays d'origine sûr. Le préfet de l'Ardèche s'est fondé sur ces rejets pour prendre les arrêtés contestés du 18 octobre 2022 sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du même code, les intéressés n'ayant plus le droit de se maintenir sur le territoire français compte tenu des dispositions du d) du 1° de l'article L. 542-2 de ce code. Il n'apparait pas Mme G..., M. E... et Mme F... épouse E..., préalablement à ces arrêtés, auraient été, à un moment de la procédure, informés de ce qu'ils étaient susceptibles de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou mis à même de présenter des observations, la procédure de demande d'asile n'ayant pas une telle finalité, ni que le préfet les aurait mis à même de présenter des observations écrites voire à faire valoir des observations orales. Toutefois, dès lors que les intéressés se prévalent des mêmes éléments que ceux qu'ils ont fait valoir devant l'OFPRA et qui n'ont pas été regardés comme justifiant que leur soit accordé l'asile, concernant les menaces et violences dont ils auraient précisément fait l'objet et plus globalement les discriminations et persécutions qu'ils subiraient du fait de leur appartenance à la communauté Rom, il n'apparait pas que la procédure administrative en cause aurait pu aboutir à un résultat différent. De surcroît, les circonstances tirées de ce qu'un certificat médical établi le 23 novembre 2022 par un médecin de l'organisme " Médecine et droit d'asile " concernant Mme E... fait état de ce qu'elle porte une cicatrice concordante avec le récit de son agression et présente un état de stress post-traumatique, et de ce que la Cour nationale du droit d'Asile (CNDA), qu'ils ont saisie de recours contre les décisions de l'OFPRA, les a informés le 16 février 2023 du renvoi de leurs affaires devant une formation collégiale de jugement, qui sont intervenues postérieurement aux arrêtés contestés, ne sont pas davantage de nature, en toute hypothèse, à le laisser penser. Dès lors, la méconnaissance de leur droit à être entendu reste ici sans incidence sur la légalité des décisions en cause. Les moyens doivent donc être écartés.

7. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les décisions fixant le pays de renvoi et portant assignation à résidence ne sont pas illégales par voie conséquence de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Les moyens ne sauraient donc être admis.

8. En dernier lieu, la seule circonstance tirée de ce que la CNDA les a informés le 16 février 2023, que leurs affaires relatives aux recours dirigés contre les décisions de l'OFPRA vont être jugées par une formation collégiale de jugement ne saurait suffire à démontrer que les décisions contestées fixant le pays de destination méconnaîtraient les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en toute hypothèse, l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui a le même objet que ces stipulations. Par suite, et pour le surplus par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et dispositions doivent être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme G..., M. E... et Mme F... épouse E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes en ce qu'elles tendaient à l'annulation des arrêtés contestés. Leurs requêtes doivent donc, dans cette mesure, ainsi que leurs conclusions à fin d'injonction, être rejetées.

Sur la suspension de l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

10. Il apparait que, par décisions du 1er juin 2023, rendues en cours d'instance d'appel, la CNDA a rejeté les recours formés par les intéressés contre les décisions de l'OFPRA. Par suite, les conclusions présentées à titre subsidiaire par Mme G..., M. E... et Mme F... épouse E..., tendant à la suspension de l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français, en application des dispositions des articles L. 752-5 et L. 752-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, durant l'examen de leurs recours par la CNDA, ont perdu leur objet en cours d'instance. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme G..., M. E... et Mme F... épouse E... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes en ce qu'elles tendaient à la suspension de l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français.

12. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes de Mme G..., M. E... et Mme F... épouse E... tendant à la suspension de l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mme G..., M. E... et Mme F... épouse E... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... G..., M. B... E... et Mme C... F... épouse E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre,

Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V-M. Picard La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière.

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N°s 23LY01094-23LY01095-23LY01096

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01094
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;23ly01094 ?
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