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23/11/2023 | FRANCE | N°22MA01321

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 23 novembre 2023, 22MA01321


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.



Par un jugement no 2104864 du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 6 mai 2022, M. A..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Par un jugement no 2104864 du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2022, M. A..., représenté par Me Vincensini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre demandé, ou, à défaut de réexaminer sa demande, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros à verser à Me Vincensini sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges n'ont pas indiqué les pathologies exactes dont il souffre ;

- le principe du contradictoire a été méconnu ;

- l'auteur du rapport médical n'est pas inscrit sur la liste arrêtée par la décision du 28 janvier 2021 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- il n'appartient pas au service médical de l'OFII ;

- certaines rubriques du modèle de rapport médical n'ont pas été renseignées, ou comporte des mentions erronées ;

- l'avis du collège de médecins de l'OFII est irrégulièrement signé ;

- le refus de séjour méconnaît les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- il est entaché d'erreur manifeste quant à sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur de droit, dès lors qu'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour

de plein droit ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste quant à sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Mérenne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, fait appel du jugement du 22 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'article L. 5 du code de justice administrative rappelle que : " L'instruction des affaires est contradictoire. "

3. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif s'est fondé sur des éléments de fait relatifs à la situation médicale du demandeur qui, s'ils avaient été mentionnés dans un précédent jugement du tribunal concernant la même personne, n'avaient pas été évoqués dans le cadre de l'instruction de l'affaire dont il était saisi. En procédant ainsi, sans communiquer aux parties les décisions de justice et, le cas échéant, les autres documents sur lesquels il entendait s'appuyer pour établir certains éléments de fait, le tribunal administratif a méconnu le caractère contradictoire de l'instruction.

4. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation invoquée, il convient d'annuler le jugement attaqué et d'évoquer immédiatement le litige pour statuer sur la demande présentée par M. A....

Sur la légalité externe :

5. En premier lieu, si l'article 5 de l'arrêté interministériel du 27 décembre 2016 prévoit que l'auteur du rapport médical prévu au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne puisse appartenir au collège de médecins du service médical de l'OFII chargé d'émettre l'avis sur la situation médicale de l'étranger demandant un titre de séjour, ces dispositions ne peuvent être interprétées, contrairement à ce que soutient M. A..., comme imposant que l'auteur du rapport soit préalablement désigné pour siéger au sein du collège de médecins du service médical de l'OFII.

6. En deuxième lieu, le deuxième alinéa de l'article R. 313-22 prévoit que l'auteur du rapport médical est soit un médecin agréé, soit un praticien hospitalier. En l'espèce, l'OFII a fait appel à un médecin ayant la qualité de praticien hospitalier, comme le reconnaît d'ailleurs M. A.... Il avait donc qualité pour établir le rapport en question, sans avoir eu besoin d'appartenir de façon permanente au service médical de l'OFII.

7. En troisième lieu, le rapport médical a été établi sur un formulaire correspondant au modèle figurant à l'annexe B de l'arrêté interministériel du 27 décembre 2016. Le caractère incomplet ou erroné des mentions figurant dans ce rapport est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie.

8. En quatrième lieu, le dernier alinéa de l'article 6 de l'arrêté interministériel du 27 décembre 2016 prévoit que : " L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. " Contrairement à ce que soutient M. A..., l'article R. 4127-76 du code de la santé publique, relatif aux conditions d'établissements des documents délivrés par les médecins, n'est pas applicable à l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'OFII à destination du préfet. Les dispositions du code civil relatives au régime de la preuve en droit des obligations ne sont pas davantage applicables aux avis émis par une autorité administrative. Au cas présent, l'apposition de la signature des médecins du collège sous la forme de fac-similés permet d'identifier les auteurs de l'avis, et atteste que l'ensemble des informations qui y sont rapportées ont été enregistrées sous l'autorité et le contrôle de l'OFII dans les conditions prévues par les textes. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que cet avis serait irrégulier du fait du procédé de signature utilisé.

9. En cinquième lieu, si M. A... et le préfet produisent deux versions de l'avis rendu le 15 mars 2021, qui diffèrent par la renumérotation des textes mentionnés, ces deux versions ne diffèrent pas en ce qui concerne le sens de l'avis et l'identité de ses auteurs. Cette circonstance n'a, en tout état de cause, ni privé M. A... d'une garantie, ni exercé une influence sur le sens de la décision prise.

10. En sixième lieu, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A.... L'arrêté est suffisamment motivé, conformément aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

Sur la légalité interne :

11. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 22 octobre 2021 que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à l'examen particulier de la situation de M. A....

12. En deuxième lieu, le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 prévoit qu'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit " au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., âgé de soixante-dix-sept ans à la date de l'arrêté, souffre d'une maladie de Parkinson, d'une cardiopathie avec fibrillation auriculaire et d'un syndrome dépressif. M. A... se réfère à une liste établie par le ministère algérien de l'industrie pharmaceutique sur les médicaments disponibles en officine pour faire valoir que les principes actifs des médicaments composant son traitement ne sont pas disponibles en Algérie. A s'en tenir à cette liste, des médicaments ayant pour principe actif l'atovarstatine calcique trihydratée, le bisoprolol, l'irbesartan, l'hydrocholorothiazide, la paroxetine et le lercanidipine chlorhydrate sont disponibles en Algérie. L'apixaban, destiné à la prévention des accidents cardio-vasculaires en cas de fibrillation auriculaire, ne figure pas sur cette liste. Cependant, d'autres anti-coagulants le sont. Le dernier médicament évoqué, qui a pour principes actifs le lévodopa et le benserazide base, ne figure pas sur la liste. Cependant celle-ci comprend d'autres médicaments destinés à traiter les troubles de la maladie de Parkinson, avec notamment le lévodopa pour principe actif. Il ressort ainsi des pièces du dossier que M. A... peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, quand bien même celui-ci ne serait pas équivalent à celui qu'il reçoit en France. Le moyen doit donc être écarté.

14. M. A... n'invoque pas d'autres éléments relatifs à sa situation personnelle que ceux relatifs à son état de santé. L'erreur manifeste d'appréciation doit être écartée pour les mêmes motifs que ceux vus au point précédent.

15. Enfin, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour et du fait que M. A... pouvait se voir délivrer un titre de séjour de plein droit, et de la méconnaissance du 11° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux vus au point 13.

16. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 22 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Vincensini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président-assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.

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No 22MA01321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01321
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : VINCENSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;22ma01321 ?
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