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23/11/2023 | FRANCE | N°22LY03597

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 23 novembre 2023, 22LY03597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Par deux demandes, M. C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2022 de la préfète de l'Allier refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui interdisant tout retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même préfète l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.





Par jugement n° 2202340, 2202341 du 8 novembre 2022, la magistrate désignée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes, M. C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2022 de la préfète de l'Allier refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui interdisant tout retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même préfète l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par jugement n° 2202340, 2202341 du 8 novembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 1er, admis provisoirement l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, dans un article 2, rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 décembre 2022 et 2 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Jauvat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2022 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation des décisions du 4 octobre 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois ainsi que ses conclusions à fin d'injonction ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- la décision portant refus de séjour aurait dû être précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est fondé à se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur en raison de la scolarisation de ses enfants ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision refusant de lui octroyer tout délai de départ volontaire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français édictée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant de lui octroyer tout délai de départ volontaire et de la décision fixant le pays de renvoi ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il se prévaut de circonstances humanitaires faisant obstacle à son édiction ;

- elle est disproportionnée.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 30 octobre 2023 et 6 novembre 2023 (non communiqué), la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant vénézuélien né le 16 avril 1979, est entré le 22 février 2018 en France. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 29 août 2019. Il a fait l'objet le 18 octobre 2019 d'un arrêté du préfet de la Savoie portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, dont la légalité a été confirmée par un arrêt n°20LY00274, 20LY00275 de la cour du 18 décembre 2020, arrêté qu'il n'a pas exécuté. Le 23 septembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 4 octobre 2022, la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois. Par arrêté du même jour, la préfète de l'Allier l'a également assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 novembre 2022 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui octroyer tout délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

Sur l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour dirigée contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Il ressort des pièces du dossier que, par son avis du 11 août 2021, le collège de médecins de l'OFII a indiqué que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Venezuela, il pourra y bénéficier d'un traitement approprié et voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cet avis dont la préfète de l'Allier s'est appropriée le contenu, M. B... soutient souffrir d'un diabète de type 2 dont le traitement médicamenteux prescrit n'est pas disponible dans son pays d'origine. Toutefois, il ne produit aucun élément de nature à établir que le traitement qui lui est administré y serait indisponible et se borne à ce titre à produire une attestation de l'ambassade de la République bolivarienne du Venezuela en France du 3 novembre 2022 mentionnant de façon non circonstanciée que " tous les médicaments " ne sont pas " à disposition ". Les coupures de presse dont il se prévaut ne permettent pas davantage de démontrer que les médicaments qui lui sont personnellement prescrits seraient indisponibles dans son pays d'origine. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour aux motifs que la préfète de la Loire aurait méconnu les dispositions précitées ou entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... résidait en France depuis un peu plus de quatre ans à la date de la décision attaquée avec son épouse et leurs deux enfants, période qui inclut l'instruction de sa demande d'asile. Ainsi qu'il a été rappelé, l'intéressé n'a pas exécuté une précédente obligation de quitter le territoire français qui lui avait été notifiée le 18 octobre 2019. S'il se prévaut de la présence régulière en France d'un cousin de son épouse et produit de nombreuses attestations de connaissances, il conserve nécessairement dans son pays d'origine, pays où il a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans, des attaches privées et notamment familiales qu'il n'a pas en France. Y demeurent notamment ses parents ainsi que ses cinq frères et sœurs. Il ne justifie d'aucune insertion professionnelle particulière en se bornant à produire une promesse d'embauche non datée en qualité de jardinier et aide à domicile. Son épouse est également en situation irrégulière sur le territoire français et rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue au Venezuela, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité, et où les enfants de l'intéressé pourront être scolarisés. En conséquence, eu égard aux conditions de l'entrée et du séjour de l'intéressé sur le territoire français, la préfète de l'Allier n'a pas, en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour aux motifs que la préfète de la Loire aurait méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 précitées et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions précitées, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il a été exposé au point précédent, M. B... ne remplit pas les conditions posées par les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est donc pas fondé à se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-13 du même code en soutenant que la saisine de la commission du titre de séjour est prévue notamment lorsque le préfet envisage de délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 précité.

8. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. "

9. Le requérant, qui n'a pas demandé de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code précité, ne peut utilement soutenir qu'il remplirait les conditions pour obtenir un tel titre de séjour. Le moyen tiré de ce que la décision susvisée serait illégale en raison de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées entachant le refus de séjour ne peut qu'être écarté.

10. En instituant le mécanisme de garantie de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, le législateur n'a pas permis de se prévaloir d'orientations générales dès lors que celles-ci sont définies pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit, alors même qu'elles ont été publiées sur l'un des sites mentionnés à l'article D. 312-11 du même code. S'agissant des lignes directrices, le législateur n'a pas subordonné à leur publication sur l'un de ces sites la possibilité pour toute personne de s'en prévaloir, à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif. Dès lors que l'intéressé ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Contrairement à ce que soutient le requérant, la décision susvisée n'est pas fondée sur le 2°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais sur le 3°) du même article, en raison de l'édiction de la décision portant refus de séjour. En vertu de l'article L. 613-1 du code précité, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dès lors que, comme en l'espèce, cette décision a été prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1. A ce titre, la décision portant refus de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en sont le soutien. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision susvisée doit être écarté.

13. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

14. Pour les motifs exposés au point 4, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.

15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales également dirigé contre la décision susvisée et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire :

16. Compte tenu de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français opposée au requérant, ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire.

17. Le requérant n'apporte aucune précision à l'appui de son allégation tirée de ce que la décision susvisée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. S'il se prévaut de l'ancienneté de son séjour, de la présence en France de son épouse et leurs enfants et de son intégration, il était présent en France depuis 4 ans à la date de l'arrêté en litige et son épouse est dans la même situation administrative que lui. La décision attaquée ne saurait, eu égard à ces éléments, être entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Le moyen doit, par suite, être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

18. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroyer un délai de départ volontaire opposées au requérant n'étant pas illégales, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

19. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

20. Si M. B... se prévaut de menaces des autorités étatiques et des milices en cas de retour dans son pays d'origine, il n'établit pas, par son récit et les pièces produites, la réalité des faits allégués et l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour au Venezuela. Il n'est donc pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants et méconnaîtrait à ce titre les dispositions et stipulations précitées.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois :

21. En raison de la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroyer un délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi opposées au requérant, ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

22. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

23. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

24. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

25. En l'espèce, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois prononcée à l'encontre du requérant, comporte, contrairement à ce qui est soutenu, toutes les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, au regard notamment des quatre critères prévus par les dispositions précitées. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté.

26. Pour prononcer une interdiction de retour d'une durée de dix-huit mois, la préfète de l'Allier a tenu compte de la durée de présence de M. B... en France, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, ainsi que de l'absence d'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et de l'absence de menace à l'ordre public. Eu égard aux éléments, rappelés notamment au point 6, caractérisant la situation de l'intéressé, la préfète de l'Allier n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en prononçant une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de dix-huit mois à l'encontre de l'intéressé.

27. Si le requérant soutient que les circonstances précitées tirées de son état de santé et des menaces existantes en cas de retour dans son pays d'origine constituent des circonstances humanitaires s'opposant à ce qu'il fasse l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, les éléments précédemment évoqués afférents à sa situation personnelle ne permettent de caractériser aucune circonstance humanitaire au sens des dispositions de l'article L. 612-6 précité.

28. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions prises à son encontre portant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence et en tout état de cause, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03597

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03597
Date de la décision : 23/11/2023

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS W. HILLAIRAUD - A. JAUVAT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;22ly03597 ?
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