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23/11/2023 | FRANCE | N°22LY02638

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 23 novembre 2023, 22LY02638


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2102292 du 17 février 2022, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enreg

istrée le 29 août 2022, M. A..., représenté par Me Gauché, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102292 du 17 février 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 août 2022, M. A..., représenté par Me Gauché, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer sa demande dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt en lui délivrant dans l'attente sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance par l'obligation de quitter le territoire français de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente puisque le préfet ne justifie pas de l'absence ou de l'empêchement de Mme C... ;

- constatant l'absence de demande d'autorisation de travail émanant de l'employeur, le préfet aurait dû l'inviter à régulariser sa demande, conformément à l'article L. 114-5 du code du travail ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles R. 5221-20 et R. 5221-21 du code du travail ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

Le préfet du Puy-de-Dôme auquel la requête a été communiquée n'a pas présenté d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 3 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant chinois né le 3 février 1990, est arrivé en France le 12 février 2010 muni d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant. Il a obtenu un titre de séjour en cette même qualité le 25 février 2011 qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 4 décembre 2017. Il a, le 10 décembre 2019, sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. M. A... relève appel du jugement du 17 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur la régularité du jugement :

2. Alors que M. A... avait soutenu que l'obligation de quitter le territoire français méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement est irrégulier en tant qu'il a statué sur l'obligation de quitter le territoire français et sur la décision fixant le pays de destination et doit, pour ce motif et dans cette mesure, être annulé.

3. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. A... dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination et par la voie de l'effet dévolutif de l'appel en ce qui concerne le refus de titre de séjour.

Sur la légalité des décisions :

4. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par M. B..., sous-préfet d'Issoire, qui disposait, en vertu d'un arrêté du 4 décembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, produit par le préfet devant le tribunal, d'une délégation à l'effet de signer pendant ses périodes de permanence toute décision dans le domaine de la législation et de la réglementation relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France. Si l'arrêté mentionne qu'il a été signé par M. B... compétent en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Béatrice Steffan, secrétaire générale de la préfecture du Puy-de-Dôme, cette mention est sans incidence sur la légalité de l'arrêté, tout comme la circonstance que Mme C... n'aurait pas été absente ou empêchée dès lors que M. B... disposait, en vertu de l'arrêté précité, d'une délégation de signature régulière et qu'il n'est pas contesté que l'arrêté a été adopté pendant sa période de permanence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur (...) ". Selon l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail ".

6. Pour refuser de délivrer un titre de séjour en qualité de salarié à M. A..., le préfet du Puy-de-Dôme s'est notamment fondé sur le motif tiré de ce qu'il ne présentait pas à l'appui de sa demande de titre de séjour d'autorisation de travail délivrée par la DIRRECTE. En opposant un tel motif, le préfet n'a pas entendu lui opposer l'incomplétude de son dossier de demande de titre de séjour, mais constater qu'il ne détenait pas une autorisation de travail à la date de l'arrêté en litige, qui est une des conditions pour obtenir un titre de séjour en tant que salarié. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû l'inviter à régulariser sa demande sur le fondement de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration avant de la rejeter, doit être écarté.

7. En troisième lieu, le refus de titre de séjour en qualité de salarié est également motivé par la circonstance que l'emploi de M. A... n'est pas en adéquation avec ses études universitaires. Le requérant fait grief au préfet d'avoir opposé ce motif à sa demande de titre de séjour, sans avoir recherché, par application des articles R. 5221-20 et R. 5221-21 du code du travail, si son emploi faisait partie de la liste des métiers en tension ou s'il n'avait pu y être pourvu après une mise en publicité. Toutefois, le motif litigieux étant un motif du refus de délivrance du titre de séjour et non un motif du refus de l'autorisation de travail, à laquelle s'appliquent les articles R. 5221-20 et R. 5221-21, ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

8. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (..). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., après avoir fait ses études en France entre 2010 et 2017 sous couvert d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, s'y est maintenu de façon irrégulière. Si l'intéressé fait valoir qu'il vit en France avec une compatriote qui dispose d'un titre de séjour temporaire " recherche d'emploi ", valable jusqu'au 31 décembre 2022, il ne justifie pas de l'ancienneté et de la stabilité de cette relation avec cette compatriote qui ne dispose pas d'un droit de séjour pérenne en France. Dès lors, malgré sa durée de séjour en France et la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet du Puy-de-Dôme n'a, ainsi, en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, par méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de destination n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande dirigée contre le refus de titre de séjour et qu'il n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 19 juillet 2021 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt rejetant la demande d'annulation présentée par M. A..., il n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. A... la somme qu'il réclame au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2102292 du 17 février 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il a statué sur l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et sur la décision fixant le pays de destination.

Article 2 : La demande de M. A... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la décision fixant le pays de destination ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre,

Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure,

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY02638

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02638
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;22ly02638 ?
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