La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/2023 | FRANCE | N°22DA01135

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 23 novembre 2023, 22DA01135


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A..., Mme B... A..., Mme E... A... et Mme D... F... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 14 novembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes de Desvres-Samer a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi).



Par un jugement du 29 mars 2022, sous le n° 2000329, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour : <

br>


Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 31 mai 2022, 9 et 15 mai 2023 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A..., Mme B... A..., Mme E... A... et Mme D... F... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 14 novembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes de Desvres-Samer a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi).

Par un jugement du 29 mars 2022, sous le n° 2000329, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 31 mai 2022, 9 et 15 mai 2023 et 3 novembre 2023, Mme C... A..., Mme B... A..., Mme E... A... et Mme D... F..., représentées par Me Jean-François Rouhaud, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 mars 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du 14 novembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Desvres-Samer la somme de 3 000 euros à leur verser au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'erreur de fait et est donc affecté d'un défaut de motivation ;

- la cour doit constater l'acquiescement aux faits qu'elles allèguent, en l'absence de défense de la communauté de communes ;

- la décision contestée est affectée d'un vice de procédure dans la mesure où la consultation du conseil de développement prévue à l'article L. 5211-10-1 du code général des collectivités territoriales n'a pas été effectuée ;

- le classement en zone N supportant un espace boisé classé de la parcelle cadastrée section B 392, située sur le territoire de la commune de Wirwignes, est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2023, la communauté de communes de Desvres-Samer, représentée par Me Juliette Delgorgue, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des appelantes en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérantes tant en ce qui concerne la régularité du jugement que la légalité de la délibération du 14 novembre 2019 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;

- la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public ;

- les observations de Me Rodolphe Piret, substituant Me Jean-François Rouhaud, représentant les appelantes et de Me Juliette Delgorgue, représentant la communauté de communes de Desvres-Samer.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil communautaire de la communauté de communes de Desvres-Samer a approuvé le 14 novembre 2019 le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). Ce plan maintient notamment le classement en zone naturelle N, avec un espace boisé classé, d'un terrain situé rue de la Lombarderie sur le territoire de la commune de Wirwignes (Pas-de-Calais) cadastré section B 392 et appartenant à Mme C... A..., Mme B... A..., Mme E... A... et Mme D... F.... Ces propriétaires ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 14 novembre 2019. Le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 29 mars 2022. Par la présente requête, Mme C... A... et autres demandent l'annulation de ce jugement et de cette délibération.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille a expressément répondu au moyen tiré de l'erreur de fait soulevé par Mme C... A... et autres. En particulier, le tribunal, après avoir cité l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme, a motivé précisément, au point 13 du jugement, son refus de retenir une erreur de fait dans le classement en zone naturelle de leur propriété. Par suite, les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que le jugement est entaché d'une omission à statuer et n'est pas motivé conformément aux prescriptions de l'article L. 9 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.

Sur la légalité de la délibération du 14 novembre 2019 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5211-10-1 du code général des collectivités territoriales, créé par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République : " (...) IV. - Le conseil de développement est consulté sur l'élaboration du projet de territoire, sur les documents de prospective et de planification résultant de ce projet, ainsi que sur la conception et l'évaluation des politiques locales de promotion du développement durable du périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale. (...) ". Aux termes de l'article L. 153-16 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan [local d'urbanisme] arrêté est soumis pour avis : /1° Aux personnes publiques associées à son élaboration, mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 ; /2° A la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (...) ; /3° Au comité régional de l'habitat et de l'hébergement (...) ; /4° A la formation spécialisée de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (...) ".

4. Les dispositions précitées de l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales n'imposent pas la consultation du conseil de développement sur l'approbation d'un PLU. En outre, le conseil de développement n'est pas cité par l'article L. 153-16 du code de l'urbanisme, ni par les articles L. 132-7 et L. 132-9 parmi les instances consultées pour avis sur le projet de PLU. Dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation de ce conseil doit être écarté comme inopérant.

5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ". Aux termes de l'article L.113-1 du même code : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction. A cet effet, ils peuvent être amenés à classer en zone naturelle et en espace boisé, pour les motifs énoncés par les dispositions précitées, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation et dont ils entendent favoriser le boisement. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

6. D'autre part, le règlement du PLUi dispose que " Les zones urbaines UB correspondent aux hameaux des communes, anciens ou récents, de plus de 10 habitations ", tandis que " les zones naturelles N sont des espaces naturels, boisés ou non, à protéger en raison de leur valeur biologique et/ou paysagère. Leur vocation est prioritairement orientée sur le maintien et la valorisation de ces fonctionnalités, en particulier pour des entités forestières, des zones humides ou de captages ou des ensembles cohérents (réseaux des corridors biologiques selon les " écosystèmes ") associés aux emprises Natura 2000 ".

7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'huissier dressé le 19 mai 2022 et produit pour la première fois en appel par les appelantes, que la parcelle cadastrée section B 392, d'une superficie de 6 755 m², supporte une " ancienne construction en plain-pied " d'environ 120 m2, dont " le sol est composé d'une vieille dalle béton " et dont la toiture est constituée par une " ancienne charpente en bois qui est recouverte par une couverture vétuste, très ancienne (...) partiellement recouverte de bâches afin de parer aux infiltrations actuelles ". S'il relève la présence d'un " chemin parfaitement carrossable à l'intérieur de la parcelle ", de " murs en parpaings présentant pour certains une épaisseur d'environ 35 cm ", " d'ouvertures, de porte de garage et d'équipements électriques " et si les appelantes font état d'un permis de construire obtenu en 1973 auquel la construction actuelle correspondrait partiellement, ainsi que de la desserte de la parcelle par les réseaux d'eau, d'électricité et de voirie, ces éléments ne sont pas suffisants pour considérer que la parcelle est " bâtie " et supporte une " construction existante " au sens du code de l'urbanisme, alors au demeurant que les appelantes n'établissent, ni même n'allèguent, être imposées sur cette parcelle au titre des propriétés bâties et avoir déclaré cette construction, absente des plans cadastraux. Par ailleurs, si la parcelle est entourée sur deux de ses côtés de parcelles bâties qui forment le hameau de la Lombarderie et sont, à ce titre, classées en zone UB de l'actuel PLUi et si la construction qu'elle supporte se situe à moins de 50 mètres des constructions existant sur trois de ces parcelles, les appelantes ne sont pas fondées à se prévaloir de son inclusion au sein de ce hameau, dans la mesure où leur construction ne saurait être assimilée à une " habitation " alors qu'elle abrite essentiellement une remise. En outre, il ressort du procès-verbal d'huissier que " la parcelle est composée d'herbes fauchées et a des allures de prairie " et qu'une partie de la parcelle est " bordée par la forêt domaniale " de Boulogne-sur-Mer, qui fait partie intégrante d'une zone Natura 2000. Compte tenu de sa superficie et de sa localisation dans le prolongement de cette forêt, le classement de leur parcelle en zone naturelle ne saurait aboutir à la formation d'une " dent creuse " au sein d'un espace urbanisé, alors, au surplus, que cette parcelle était déjà classée en zone naturelle dans le PLU de la commune de Wirwignes de juin 2010, ainsi que cela résulte du certificat d'urbanisme négatif délivré le 7 mars 2019, qui note également que le terrain est grevé de plusieurs servitudes d'utilité publique dont celles relatives au " parc naturel régional des caps et marais d'Opale ", " zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique 1 Forêt de Boulogne-sur-Mer et ses lisières et 2 Complexe bocager ". Enfin, la circonstance que la parcelle ne serait pas actuellement boisée ne fait pas obstacle à son classement en espace boisé. Dans ces conditions, la délibération du 14 novembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes de Desvres-Samer a approuvé le PLUi n'est pas entachée d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation au regard du classement de la parcelle B 392 en zone naturelle supportant un espace boisé classé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... A... et autres ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en première instance, leur requête doit donc être rejetée en toutes ses conclusions à fin d'annulation comme au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

9. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge des appelantes la somme globale de 2 000 euros à verser à la communauté de communes de Desvres-Samer en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... A... et autres est rejetée.

Article 2 : Mme C... A..., Mme B... A..., Mme E... A... et Mme D... F... verseront à la communauté de communes de Desvres-Samer la somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à Mme B... A..., à Mme E... A..., à Mme D... F... et à la communauté de communes de Desvres-Samer.

Délibéré après l'audience publique du 9 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22DA01135


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01135
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL LEXCAP

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;22da01135 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award