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23/11/2023 | FRANCE | N°21LY03312

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 23 novembre 2023, 21LY03312


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SCEA Ferme de la Puce a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions implicites et expresses du 12 août 2021 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande tendant à ce que la SASU EDPR France Holding soit mise en demeure de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement dans le cadre de l'arrêté délivré le 29 mai 2019 l'autorisant à exploite

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCEA Ferme de la Puce a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions implicites et expresses du 12 août 2021 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande tendant à ce que la SASU EDPR France Holding soit mise en demeure de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement dans le cadre de l'arrêté délivré le 29 mai 2019 l'autorisant à exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune d'Oigny et d'enjoindre au préfet de prendre une telle mesure dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par une ordonnance n° 2102637 du 12 octobre 2021, le président du tribunal administratif de Dijon a transmis cette demande à la cour administrative d'appel de Lyon en application des articles R. 311-5 et R. 351-3 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2021, la SCEA Ferme de la Puce, représentée par Me Ghaye, demande à la cour :

1°) d'annuler ces décisions implicites et expresses du 12 août 2021 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de mettre demeure la SASU EDPR France Holding de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable, du fait de son intérêt pour agir et du délai de recours ;

- les décisions attaquées méconnaissent les dispositions des articles L. 411-1 (I 1°,3° et 4°), R. 411-1 et L. 411-2 (I 4°) du code de l'environnement et de l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection.

Par des mémoires enregistrés le 22 décembre 2021 (non communiqué - mémoire de constitution) et le 28 mars 2022 (deux mémoires), la SASU EDPR Holding France, représentée par Me Gossement, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SCEA Ferme de la Puce en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de la SCEA Ferme de la Puce est irrecevable au regard des dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 auquel ont succédé celles du 5° du I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement, des articles R. 181-50 de ce code, R. 611-7-2 et R. 311-5 du code de justice administrative, ainsi que de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 16 décembre 2021 n° 19LY04358 ; les conclusions sont similaires à celles qui ont été rejetées par la cour en ce qui concerne l'autorisation unique délivrée le 29 mai 2019, alors que le moyen tiré de l'absence de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées avait déjà été écarté comme irrecevable ; elle conteste en réalité cette autorisation unique, alors que le recours dirigé contre cet arrêté a déjà été rejeté par l'arrêt précité, devenu définitif et l'autorité de chose jugée s'y attachant y fait obstacle ; la demande présentée auprès du préfet de la Côte-d'Or par un courrier du 26 mai 2021 est tardive pour contester l'arrêté 29 mai 2019 ;

- elle est également irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir au regard des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement ; l'intéressée ne justifie pas d'un intérêt en lien direct avec l'objectif de protection des espèces protégées concernées qui serait susceptible d'être affecté par la décision attaquée, alors que son objet ne concerne pas la protection de la faune et de la flore, et que cette décision a un objet spécifique et distinct de l'autorisation unique ; elle ne peut pas se prévaloir du permis de construire tacite qu'elle a obtenu, sur lequel la décision contestée n'aurait aucune incidence et qui, ayant été annulé par jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 avril 2021, est réputé ne jamais être intervenu ; elle ne peut se prévaloir utilement de sa qualité d'exploitant agricole, alors qu'elle ne justifie par ailleurs pas être propriétaire d'un terrain de 15 hectares situé sur le territoire de la commune d'Oigny ;

- le moyen soulevé par la SCEA Ferme de la Puce est soit inopérant, soit infondé.

Par un mémoire enregistré le 12 mai 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête de la SCEA Ferme de la Puce est irrecevable, au regard des dispositions du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement et des articles R. 181-50, R. 181-52 et L. 181-14 et R. 181-48 de ce code, ainsi que de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, compte tenu de l'exception de recours parallèle ; la contestation d'une autorisation unique devenue une autorisation environnementale par des tiers intéressés, en tant qu'elle ne comporte pas une dérogation à l'interdiction de porter atteinte aux espèces protégées, ne peut être exercée que dans le cadre d'un recours dirigé contre une telle autorisation dans le délai prévu, sauf le cas d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit passé ce délai, mais alors en phase d'exécution dans les limites prévues par les dispositions précitées de l'article R. 181-52, réserve faite du cas où une évolution des circonstances de fait et de droit viendrait remettre en cause les effets du projet sur l'état de conservation d'une espèce ; au cas présent, l'intéressée cherche à obtenir une solution identique à celle que lui aurait procuré son recours contre l'autorisation unique du 29 mai 2019, si elle avait soulevé un moyen tiré de l'absence de demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées, alors que la cour a écarté ce moyen pour ce motif dans le cadre de son arrêt n° 19LY04358, sans justifier d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit ;

- elle est également irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir ; son objet social est sans rapport avec celui de la décision contestée, et elle ne justifie pas que cette décision l'affecterait dans des conditions certaines et directes ; de même, du fait de l'effet de l'annulation de la décision du 19 mars 2018 retirant un permis de construire tacite du 21 février 2018, par un jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 juin 2019, l'intéressée ne justifiait pas du bénéfice d'un tel permis tacite à la date de l'autorisation unique et ne peut donc se prévaloir de cette circonstance ; à supposer qu'elle puisse se prévaloir d'une telle autorisation, elle ne justifie pas de l'existence d'une construction à usage d'habitation à la date de l'autorisation unique en application de l'article L. 515-44 du code de l'environnement, et ne pourrait se prévaloir d'un intérêt protégé au sens de l'article L. 511-1 du même code ;

- le moyen soulevé par la SCEA Ferme de la Puce est infondé.

Par une ordonnance du 29 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 juin 2022.

Un mémoire, présenté pour la SASU EDPR Holding France, a été enregistré le 31 janvier 2023, postérieurement à la clôture d'instruction.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le préfet de la Côte-d'Or était en situation de compétence liée pour rejeter la demande de la SCEA Ferme de la Puce tendant à ce que la SASU EDPR France Holding soit mise en demeure de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement dans le cadre de la mise en œuvre de l'arrêté du 29 mai 2019 portant autorisation d'exploitation d'un parc éolien, compte tenu notamment des dispositions de l'article L. 171-7 du même code, en l'absence de toute mise à exécution, passée ou actuelle, de cet arrêté.

La SASU EDPR Holding France a produit un mémoire en réponse à cette information, enregistré le 3 novembre 2023, qui a été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public,

- et les observations de Me Ferjoux, substituant Me Gossement, pour la SASU EDPR France Holding.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 29 mai 2019, le préfet de la Côte-d'Or a accordé à la SASU EDPR France Holding une autorisation unique d'exploitation d'un parc éolien de cinq aérogénérateurs, avec deux postes de livraison, sur le territoire de la commune d'Oigny (21450). Par un arrêt du 16 décembre 2021, rendu sous le n° 19LY04358, la cour a rejeté la requête présentée par la SCEA Ferme de la Puce contre cet arrêté. Par ailleurs, la SCEA Ferme de la Puce a demandé au préfet de la Côte-d'Or, par un courrier du 26 mai 2021, complété le 22 juillet suivant, d'ordonner à la SASU EDPR France Holding de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, rejetée implicitement et expressément le 12 août 2021. La SCEA Ferme de la Puce demande à la cour d'annuler chacune de ces deux dernières décisions.

2. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées (...) au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / (...). ". Aux termes de l'article L. 181-16 du code de l'environnement, qui figure au chapitre unique du titre VIII du livre 1er de ce code, dans sa rédaction applicable : " I. - Pour l'application du présent chapitre, les contrôles administratifs sont exercés et les mesures de police administratives sont prises dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre VII du présent livre (...) et par les législations auxquelles ces contrôles et ces mesures se rapportent. (...). ".

3. Aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I.-Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. (...) / Elle peut, par le même acte ou par un acte distinct, suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs ou la poursuite des travaux, opérations, activités ou aménagements jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent. / L'autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure. / (...). ".

4. Aux termes de l'article L. 181-2 du même code : " I.- L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : / (...) 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2 ; / (...). ". Aux termes de l'article L. 181-12 de ce code : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. / Ces prescriptions portent, sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-1-1, sur les mesures et moyens à mettre en œuvre lors de la réalisation du projet, au cours de son exploitation, au moment de sa cessation et après celle-ci, notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l'environnement et la santé. / Elles peuvent également porter sur les équipements et installations déjà exploités et les activités déjà exercées par le pétitionnaire ou autorisés à son profit lorsque leur connexité les rend nécessaires aux activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients. ". Aux termes de l'article L. 181-14 de ce code : " (...) / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale (...) / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées. ".

5. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; / (...). ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment, " (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / (...). ".

6. Aux termes de l'article R. 411-6 du code de l'environnement : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité administrative sur une demande de dérogation vaut décision de rejet. / Toutefois, lorsque la dérogation est sollicitée pour un projet entrant dans le champ d'application de l'article L. 181-1, l'autorisation environnementale prévue par cet article tient lieu de la dérogation définie par le 4° de l'article L. 411-2. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour l'autorisation environnementale et les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables. ".

7. Une autorisation environnementale ou devant être regardée comme telle est réputée inclure les autres décisions que le projet nécessitait ou dont il a pu éventuellement justifier l'édiction, avec lesquelles elle doit être considérée comme formant un même acte. Une telle autorisation peut être contestée en tant qu'elle ne comporte pas, notamment, une dérogation " espèces protégées ", l'exploitant pouvant alors être contraint de solliciter une telle dérogation. Dans le cas où sa mise en œuvre porte une atteinte suffisamment caractérisée à des animaux protégés, il appartient à l'administration, de sa propre initiative ou sur demande, de mettre en demeure l'exploitant, sur le fondement de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, de compléter son autorisation par le dépôt d'une demande à l'effet d'obtenir une telle dérogation. En revanche, en dehors de ces hypothèses, aucun texte ni principe ne permet d'exiger d'un exploitant qu'il forme une demande de dérogation " espèces protégées ", une telle mesure ne relevant pas des prescriptions complémentaires qu'il est dans les pouvoirs de l'administration de lui imposer.

8. Pour justifier de l'obligation pour le préfet de mettre en demeure la SASU EDPR France Holding de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées sur le fondement de l'article L. 411-2 précité, la SCEA Ferme de la Puce fait seulement état des atteintes que le " futur parc éolien " générerait pour des animaux protégés, qu'il s'agisse d'oiseaux, dont en particulier le milan royal, la cigogne noire, la tourterelle des bois, l'aigle botté ou la chouette de Tengmalm, de chiroptères, notamment la barbastelle d'Europe, et même d'insectes, non spécifiés, s'appuyant uniquement à cet égard sur l'insuffisance de l'étude d'impact et l'absence d'efficacité des mesures d'évitement, de réduction et de compensation (ERC) envisagées pour limiter ou supprimer les risques que le projet comporterait pour ces espèces. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, et alors que les conditions de mise en œuvre de l'autorisation du 29 mai 2019 ne sont pas en cause, le préfet de la Côte-d'Or ne pouvait que refuser de faire droit à la demande de la SCEA Ferme de la Puce tendant à ce qu'il ordonne à la SASU EDPR France Holding de déposer une demande de dérogation " espèces protégées ". Le moyen invoqué à l'appui des conclusions à fin d'annulation de ce refus, tiré de la violation des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement et de l'arrêté du 29 octobre 2009, qui est inopérant, ne peut, en conséquence, qu'être écarté.

9. De toutes les façons, et en admettant même que la SCEA Ferme de la Puce aurait entendu contester les décisions en litige en tant qu'elles vaudraient refus du préfet de la Côte-d'Or d'exercer les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, aucun des éléments dont elle se prévaut, qui se bornent à mettre en cause, comme il vient d'être vu, l'insuffisance du dossier de demande d'autorisation à l'origine de l'arrêté du 29 mai 2019, et spécialement de son étude d'impact, ne suffit à montrer que la mise en œuvre du parc éolien d'Oigny qui, ainsi qu'il résulte de l'instruction, est désormais construit et en phase de test, aurait engendré une atteinte telle à des populations d'espèces protégées que l'existence de risques suffisamment caractérisés pour ces populations ou leurs habitats serait, à ce jour, avérée. Ce moyen ne saurait donc être davantage retenu.

10. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, la requête de la SCEA Ferme de la Puce doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit aux conclusions de la SASU EDPR France Holding en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCEA Ferme de la Puce est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SASU EDPR France Holding au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Ferme de la puce, à la SASU EDPR France Holding et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or et à la ministre de la transition énergétique.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre,

Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure,

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe 23 novembre 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V-M. Picard La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03312

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03312
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SELARL GOSSEMENT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;21ly03312 ?
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