Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler la décision du 25 février 2021 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Seine-Eure a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle est atteinte, d'autre part, d'enjoindre à la communauté d'agglomération Seine-Eure de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ayant donné lieu aux arrêts de travail du 17 février 2014 au 17 mai 2017 ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation. Enfin, Mme A... a demandé au tribunal de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Seine-Eure, outre les entiers dépens, une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2101527 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2022 et le 2 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Languil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 25 février 2021 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Seine-Eure a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle est atteinte ;
3°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération Seine-Eure de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ayant donné lieu aux arrêts de travail du 17 février 2014 au 17 mai 2017 ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Seine-Eure, une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision refusant sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ;
- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne le lien entre sa maladie et le service et méconnaît l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, la communauté d'agglomération Seine-Eure, représentée par Me Enard-Bazire, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée étant purement confirmative de la décision implicite de rejet de la demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts du 14 février 2014 au 17 mai 2017, la requête est irrecevable ;
- intentée au-delà du délai raisonnable d'un an suivant la date à laquelle Mme A... a eu connaissance du rejet implicite de sa demande, la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 24 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 26 juin 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., fonctionnaire titulaire du grade d'attachée territoriale, a intégré les services de la communauté d'agglomération Seine-Eure (CASE) par voie de mutation le 1er octobre 2010, en qualité d'adjointe au directeur des finances. Du 23 août 2013 au 31 janvier 2014, elle a été placée en congé de maladie après avoir subi une intervention chirurgicale. Ayant repris ses fonctions le 3 février 2014 à temps partiel, elle a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail à compter du 17 février 2014, puis a été placée en congé de longue durée du 17 février 2014 au 16 mai 2017. Elle a été ensuite placée, à sa demande, en disponibilité pour convenance personnelle pour une durée de trois ans à compter du 17 mai 2017. Par un courrier du 26 décembre 2017, Mme A... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une pathologie dépressive diagnostiquée le 17 février 2014. A la suite d'un avis défavorable rendu le 7 février 2019 par la commission de réforme, le président de la CASE a, par un arrêté du 20 mars 2019, refusé de reconnaître comme imputable au service la pathologie de Mme A.... Par un jugement n° 1900834 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen, saisi par la requérante, a prononcé le non-lieu à statuer sur ses conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du 20 mars 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, cet arrêté ayant été retiré par un arrêté du 11 octobre 2019 la plaçant en congé de longue durée. Consultée à nouveau le 6 décembre 2019, la commission de réforme a donné un avis favorable à la reconnaissance du lien entre la pathologie de Mme A... et le service. Par un arrêté pris le 25 février 2021, le président de la CASE a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie. Par une requête, enregistrée sous le n° 2101527, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler cette dernière décision. Le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête par un jugement du 20 septembre 2022. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, Mme A... réitère, devant la cour, le moyen, déjà soulevé devant les premiers juges, tiré de ce que l'arrêté du 25 février 2021 aurait été signé par une autorité incompétente. Toutefois, Mme A... ne produit, en appel, aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Rouen sur ce moyen. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 5 du jugement attaqué.
3. En second lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à la situation de Mme A... : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
5. Pour demander que soit reconnu le lien direct avec l'exercice de ses fonctions du syndrome dépressif qu'elle a déclaré auprès de son employeur le 26 décembre 2017, Mme A... invoque un contexte professionnel à l'origine de la dégradation de son état de santé ayant débuté à compter du mois de février 2014, correspondant à sa reprise d'activité, à la suite d'une interruption pour cause de maladie ordinaire depuis le 23 août 2013.
6. Il ressort d'une expertise médicale réalisée en juin 2014 par un médecin psychiatre agréé que l'état de santé de l'intéressée révèle des critères d'un épisode dépressif majeur en lien avec une souffrance au travail. Pour relier la maladie à l'exercice professionnel, ce praticien a constaté, chez Mme A..., " un état dépressif d'intensité moyenne à sévère, révélé ayant une double origine, la maladie cancéreuse survenant sur un terrain fragilisé par des conditions d'exercice professionnel préjudiciables et néfastes à son équilibre psychique " ainsi qu'" un certain degré de rupture avec sa personnalité antérieure, en lien avec perte de confiance en soi sous la pression de la hiérarchie, renforcée par une pathologie somatique des plus redoutables ".
7. Pour soutenir que sa pathologie anxio-dépressive résulte du contexte professionnel auquel elle s'est trouvée confrontée lors de sa reprise d'activité le 3 février 2014, Mme A... rapporte qu'en qualité d'attachée territoriale responsable adjointe de la direction des finances, elle était censée occuper un poste d'encadrement intermédiaire mais s'est en réalité trouvée privée de cette fonction. Il est constant que le retour de congé de maladie de Mme A... s'est effectué dans un contexte de réorganisation des services de la communauté d'agglomération Seine-Eure, se traduisant à la fois par une installation dans les nouveaux locaux hébergeant les services communautaires et une réorganisation de ces derniers en vue d'une mutualisation des tâches. S'il ressort de plusieurs procès-verbaux de comités techniques ayant eu lieu au cours de l'année 2014, que la validation de la réorganisation du service des finances avait été retardée, il n'est pas pour autant établi que l'existence même du poste occupé par Mme A... aurait été mise en cause, ni que le périmètre de ses missions de responsable adjointe aurait été modifié. A cet égard, s'il est constant qu'aucune fiche de poste correspondante n'avait été établie dans le cadre de la réorganisation, cette circonstance n'est pas de nature à révéler une telle modification de ses tâches, alors qu'il ressort du procès-verbal du comité technique du 7 juillet 2014, que cette absence de fiche de poste concernait tous les agents. Si Mme A... soutient qu'elle s'est vu confier des tâches complexes, impliquant notamment une expertise en informatique, l'unique courriel daté du 12 février 2014 faisant état de recherches effectuées sur internet à propos du langage " XML " ne permet pas d'établir qu'il lui aurait été demandé d'accomplir un travail ne relevant pas de ses compétences. En outre, compte tenu du parti pris architectural adopté pour le parement des façades du nouveau bâtiment accueillant les services communautaires, il était inévitable que certains agents, dont Mme A..., aient été placés dans des bureaux aux fenêtres équipées de tasseaux verticaux obstruant partiellement la vue sur l'extérieur. Si, au-delà de la perturbation occasionnée par ce changement de localisation du lieu de travail, Mme A... a par ailleurs été contrainte de s'adapter aux nouveaux modes d'organisation de son activité professionnelle, induits notamment par la mutualisation des tâches, cette situation inhérente à la réorganisation des services, était partagée par les autres agents concernés. Dans ces conditions, dès lors que les modifications de l'environnement professionnel susceptibles d'avoir pu affecter les conditions de reprise d'activité professionnelle de Mme A... résultent des nécessités de la réorganisation matérielle et organisationnelle des services de la CASE, elles ne peuvent être regardées comme procédant d'une altération anormale de ses conditions de travail. Par suite, alors même, d'une part, qu'un médecin psychiatre agréé a estimé établi le lien entre la pathologie dépressive de Mme A... et l'exercice de son activité professionnelle et, d'autre part, que la commission de réforme s'est prononcée en faveur de la reconnaissance d'un tel lien, le contexte professionnel ne permet aucunement de caractériser des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie dépressive de Mme A....
8. Dans ces conditions, le président de la communauté d'agglomération Seine-Eure n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dépressive déclarée par Mme A....
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la communauté d'agglomération Seine-Eure, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Seine-Eure, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme A... au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées par la communauté d'agglomération Seine-Eure sur ce même fondement et de mettre à la charge de Mme A..., le versement à cette collectivité, d'une somme de 1 800 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à la communauté d'agglomération Seine-Eure la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la communauté d'agglomération Seine-Eure.
Délibéré après l'audience publique du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : M-P. Viard
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
N. Roméro
N° 22DA02420 2