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09/11/2023 | FRANCE | N°21LY03707

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 09 novembre 2023, 21LY03707


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Le syndicat Solidaire, Unitaire et Démocratique de l'Éducation en Bourgogne (syndicat SUD Éducation Bourgogne) a demandé au tribunal administratif de Dijon, sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, d'annuler la décision de la rectrice de l'académie de Dijon du 26 septembre 2019 rejetant sa réclamation préalable relative à la détermination de la quotité de travail des agents contractuels recrutés en qualité d'accompagnant d'élèves en si

tuation de handicap (AESH) ou, à défaut, de la déclarer illégale et de reconnaître le droit pou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat Solidaire, Unitaire et Démocratique de l'Éducation en Bourgogne (syndicat SUD Éducation Bourgogne) a demandé au tribunal administratif de Dijon, sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, d'annuler la décision de la rectrice de l'académie de Dijon du 26 septembre 2019 rejetant sa réclamation préalable relative à la détermination de la quotité de travail des agents contractuels recrutés en qualité d'accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) ou, à défaut, de la déclarer illégale et de reconnaître le droit pour ces agents de voir leur quotité de service calculée, et par voie de conséquence leur rémunération, conformément à la circulaire ministérielle n° 2019-090 du 5 juin 2019 relative au cadre de gestion des personnels exerçant des missions d'accompagnement d'élèves en situation de handicap.

Par un jugement n° 2000927 du 16 septembre 2021, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 novembre 2021 et 15 décembre 2022, le syndicat SUD Éducation Bourgogne, représenté par Me Grenier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de reconnaître le droit, pour les agents contractuels recrutés en qualité d'AESH, que la quotité de service qui détermine leur rémunération, soit exclusivement calculée sur quarante et une semaines minimum, sur la base d'heures d'accompagnement, selon la formule " nombre d'heures d'accompagnement X 41 semaines / 1607 heures ", et que la rémunération de l'agent [suivant la formule : Rémunération mensuelle brute = indice de rémunération x valeur du point d'indice x quotité travaillée (temps de service annuel de l'agent / 1 607 heures) (...)], soit calculée en fonction de la même quotité obtenue, et ce, à titre principal, sur l'ensemble du territoire et sans condition de date de conclusion de contrat, pour les contrats conclus indifféremment antérieurement et postérieurement au 5 octobre 2019, ou à titre subsidiaire, pour les contrats conclus avant le 5 octobre 2019, que cette quotité soit calculée sur quarante et une semaines dans les mêmes conditions ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son action en reconnaissance de droits est recevable au regard des dispositions des articles L. 77-12-1 et R. 77-12-4 du code de justice administrative, compte tenu de son objet statutaire, du sens et du contenu de sa demande préalable et du rejet de celle-ci ;

- sa demande de première instance était recevable, compte tenu de sa représentation régulière en vertu de ses statuts ;

- à titre principal, son action en reconnaissance de droits est fondée au regard des énonciations des paragraphes 2.6.1 et 3.4 de la circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019, constituant une interprétation des dispositions fixant un cadre général et ne déterminant pas de possibilité de modulation en fonction de critères, des articles 7 du décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 et, par renvoi, à l'article 1er du décret n° 2000-815 du 25 août 2000, s'agissant de la détermination de la quotité de service et de la rémunération des AESH, selon lesquelles le temps de service annuel d'un agent, comprenant le temps de présence avec l'élève et les activités connexes et complémentaires, doit être calculé en multipliant la durée de service d'accompagnement hebdomadaire attendue par quarante et une semaines, sans aucune autre modulation possible ; ces énonciations, prises par le ministre compétent et légales, sont invocables et opposables à l'administration, constituant soit une interprétation des dispositions générales précitées du décret, soit des dispositions règlementaires régulières visant à préciser de telles dispositions générales, ayant été prises dans ce dernier cas par cette autorité dans le cadre de son pouvoir d'organisation du service, soit alors une instruction ou une directive, consistant à déterminer, sans édicter pour autant de conditions nouvelles, des critères permettant d'attribuer un avantage prévu par un texte qui n'en définit pas toutes les conditions ; si ces énonciations étaient regardées comme seulement interprétatives, elles seraient invocables au regard des dispositions des articles L. 312-3 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration, cette circulaire étant publiée sur le site internet " education.gouv.fr ", au Bulletin officiel du ministère de l'éducation nationale, ou encore au regard des articles R. 312-8 et R. 312-9 de ce code, celle-ci bien que non publiée sur le site internet " Legifrance " relevant du premier ministre, étant expressément mentionnée et rappelée par la circulaire n° 2019-088 du 5 juin 2019, laquelle est publiée sur ce site et renvoie expressément, notamment en son paragraphe 5, en s'en appropriant les énonciations ; en toute hypothèse, s'il était estimé que si cette circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019 n'est pas invocable, et aurait été abrogée à l'expiration d'un délai de quatre mois, à défaut d'avoir été publiée conformément aux dispositions de l'article R. 312-8 précité, il devrait être estimé que ses dispositions étaient invocables avant l'expiration de ce délai, soit avant le 5 octobre 2019, et ainsi applicables aux demandes préalables intervenues avant cette date et aux contrats conclus antérieurement ;

- à titre subsidiaire, cette action est fondée, indépendamment de la question de l'invocabilité des énonciations des paragraphes 2.6.1 et 3.4 de la circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019, au regard du principe d'égalité de traitement, tous les agents sur le territoire national et dans toutes les académies devant bénéficier de son application sans intervention d'une modulation visant à déterminer la proportion du temps d'accompagnement, laquelle n'est prévue par aucun texte, aucune différence de traitement en raison de l'intérêt du service ou une différence de situation des agents n'étant justifiée en l'espèce.

Par un mémoire enregistré le 7 novembre 2022, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de première instance du syndicat était irrecevable, en l'absence de justification de sa représentation régulière en vertu de ses statuts ;

- le moyen soulevé à titre principal est infondé ;

- celui soulevé à titre subsidiaire est inopérant, ou en tout état de cause, infondé.

Par un mémoire en intervention enregistré le 2 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Grenier, demande que la cour fasse droit aux conclusions de la requête du syndicat SUD Éducation Bourgogne.

Par un mémoire en intervention enregistré le 2 octobre 2023, Mme D..., représentée par Me Grenier, demande que la cour fasse droit aux conclusions de la requête du syndicat SUD Éducation Bourgogne.

Par un mémoire en intervention enregistré le 2 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Grenier, demande que la cour fasse droit aux conclusions de la requête du syndicat SUD Éducation Bourgogne.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé des moyens relevés d'office tirés, d'abord, de ce que les conclusions présentées en appel par le syndicat SUD Éducation Bourgogne en tant qu'elles portent à titre principal sur l'ensemble du territoire et sur tous les contrats conclus sans condition de date, ou subsidiairement sur les contrats conclus avant le 5 octobre 2019, étaient nouvelles en appel et donc irrecevables, ensuite, de l'irrégularité du jugement attaqué faute pour les premiers juges, compte tenu de la régularisation des contrats de tous les agents concernés, d'avoir constaté un non-lieu à statuer sur la demande présentée par le syndicat SUD Éducation Bourgogne et enfin, de ce qu'un non-lieu à statuer devait être constaté sur cette demande.

Le syndicat SUD Éducation Bourgogne a produit un mémoire en réponse à cette information, enregistré le 16 octobre 2023, qui a été communiqué.

Par une ordonnance du 17 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 octobre 2023 à 14 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 ;

- la circulaire du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse n° 2019-090 du 5 juin 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Grenier, pour le syndicat SUD Education Bourgogne, Mmes A..., D... et B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat Solidaire, Unitaire et Démocratique (SUD) Éducation Bourgogne relève appel du jugement du 16 septembre 2021 du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande tendant, sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, à la reconnaissance du droit pour les agents contractuels recrutés en qualité d'accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) de voir leur quotité de service calculée conformément à la circulaire ministérielle n° 2019-090 du 5 juin 2019 relative au cadre de gestion des personnels exerçant des missions d'accompagnement d'élèves en situation de handicap soit, sur quarante et une semaines, sur la base d'heures d'accompagnement, selon la formule : nombre d'heures d'accompagnement x quarante et une semaines / mille-six-cent-sept heures, et de voir leur rémunération calculée en fonction de la quotité obtenue selon cette formule.

Sur les interventions :

2. Mmes A..., D... et B..., agents contractuels recrutés en qualité d'AESH auxquelles la rectrice de l'académie de Dijon a refusé le 7 janvier 2020 la modification de leur contrat de travail en fonction notamment des conditions de calcul de leur rémunération selon la formule prévue par la circulaire ministérielle du 5 juin 2019, qui ont été informées de l'existence de l'action en reconnaissance de droits du syndicat SUD Éducation Bourgogne et de leur droit à former une intervention au soutien de celle-ci en application des dispositions de l'article R. 77-12-3 du code de justice administrative, et qui par ailleurs appartiennent au groupe d'intérêt en faveur duquel l'action en reconnaissance de droits a été introduite, ont présenté des requêtes individuelles pendantes devant la cour. Elles justifient ainsi d'un intérêt à intervenir au soutien de la présente action. Leur intervention doit donc être admise.

Sur l'action en reconnaissance de droits de SUD Éducation Bourgogne :

3. Aux termes de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative : " L'action en reconnaissance de droits permet à (...) un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. Elle peut tendre au bénéfice d'une somme d'argent légalement due ou à la décharge d'une somme d'argent illégalement réclamée. Elle ne peut tendre à la reconnaissance d'un préjudice. / Le groupe d'intérêt en faveur duquel l'action est présentée est caractérisé par l'identité de la situation juridique de ses membres. Il est nécessairement délimité par les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public mis en cause. / (...). ".

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 917-1 du code de l'éducation : " Des accompagnants des élèves en situation de handicap peuvent être recrutés pour exercer des fonctions d'aide à l'inclusion scolaire de ces élèves, y compris en dehors du temps scolaire. / (...) / Les accompagnants des élèves en situation de handicap sont régis par les dispositions réglementaires générales applicables aux agents contractuels de l'État prises pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, sous réserve de dérogations prévues par le décret mentionné au dernier alinéa du présent article. / (...). ".

5. Aux termes de l'article 4 du décret du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi des accompagnants d'élèves en situation de handicap : " Les accompagnants des élèves en situation de handicap peuvent être recrutés à temps complet ou incomplet ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " Le travail des accompagnants des élèves en situation de handicap se répartit, dans le respect de la durée annuelle de référence prévue à l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé, sur une période d'une durée de trente-neuf à quarante-cinq semaines. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'État et dans la magistrature, dans sa rédaction applicable : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'État ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. / (...). ".

6. La circulaire du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse n° 2019-090 du 5 juin 2019, dont se prévaut le syndicat SUD Éducation Bourgogne, prévoit que : " 2.6.1 Détermination de la rémunération / L'arrêté relatif à la rémunération des AESH détermine l'espace indiciaire à l'intérieur duquel est fixée la rémunération de l'AESH. La rémunération est versée mensuellement tout au long de la durée du contrat. La rémunération mensuelle de l'AESH s'obtient ainsi : / Rémunération mensuelle brute = indice de rémunération x valeur du point d'indice / x quotité travaillée (temps de service annuel de l'agent / 1 607 heures) / Exemple : un AESH nouvellement recruté est rémunéré au cours de sa première année d'exercice à l'indice majoré 325 (IB 347). Son contrat de travail prévoit qu'il réalise une durée hebdomadaire d'accompagnement d'élèves de 24 heures et que sa durée de service est répartie sur 41 semaines. / Sa rémunération mensuelle brute est ainsi calculée : / 325 x 4,69 € [1] x (24 heures x 41 semaines / 1 607 heures) = 933,33 € / Lors de son premier engagement en CDD en tant qu'AESH, l'indice de rémunération correspond à l'indice plancher (cf. annexe 4). Pour déterminer le niveau de rémunération au regard de la grille jointe en annexe, tout nouveau contrat tient compte de l'expérience professionnelle acquise par l'agent en tant qu'AESH. Il revient alors à l'agent de rapporter la preuve d'une telle expérience, en fournissant notamment un exemplaire de ses contrats de travail. " et " 3.4 Temps et quotité de service / Les missions des AESH s'exercent dans le cadre de la durée annuelle de travail fixée en référence à la durée légale, soit 1 607 heures pour un temps complet. Les AESH peuvent être engagés à temps complet ou à temps incomplet. / Le temps de service est calculé en multipliant la durée de service d'accompagnement hebdomadaire attendue de l'AESH par 41 semaines. Ce temps de service inclut l'ensemble des activités réalisées par l'AESH au titre du plein exercice de ses missions : / - l'accompagnement du ou des élèves ; / - les activités préparatoires connexes pendant ou hors la période scolaire ; / - les réunions et formations suivies pendant et hors temps scolaire. / Dès lors que l'AESH est amené à suivre des formations longues en dehors de la période scolaire, il est préconisé que l'employeur prévoit dans le contrat, pour la période concernée, un nombre de semaines supérieur à 41, dans la limite de 45 semaines. / Les semaines en sus des 36 semaines de temps scolaire permettent de tenir compte des missions que l'AESH effectue en lien avec l'exercice de ses fonctions en dehors du temps scolaire. Le temps d'accompagnement de ou des élèves ne peut être lissé sur la période de référence des 41 semaines. / Dès lors, le temps de service hebdomadaire d'accompagnement du ou des élèves sert de référence pour la détermination du temps de service. / Comme précisé à la section 2.6.1. de la présente circulaire, la quotité travaillée de l'agent est calculée selon la formule suivante : / Quotité travaillée = (temps de service hebdomadaire d'accompagnement x nombre de semaines compris en 41 et 45) / 1 607 heures / Ainsi, pour exercer à temps plein (1 607 heures annuelles), un AESH dont le contrat prévoirait une période de 45 semaines, devra effectuer un temps de service hebdomadaire de 35 heures 40 minutes. Sur une période de 41 semaines, ce temps de service hebdomadaire devra être de 39 heures 10 minutes. ".

7. Cette circulaire, en ce qu'elle retient, pour le calcul de la durée de temps de travail figurant au contrat des AESH, dans la limite maximale de 1 607 heures annuelles pour un temps de travail complet, quarante et une semaines sans possibilité de modulation mais également, pour un maximum arrêté à quarante-cinq semaines, un minimum de quarante et une semaines, alors que, selon les dispositions rappelées plus haut de l'article 7 du décret du 27 juin 2014 le travail des accompagnants " se répartit sur une période de trente-neuf à quarante-cinq semaines ", ajoute à ce décret, ne s'analysant donc de toutes les façons pas, faute de se borner à orienter l'exercice par l'administration de son pouvoir d'appréciation, comme des lignes directrices. Le ministre en charge de l'éducation nationale ne tenait pas de son pouvoir règlementaire général d'organisation des services ni d'ailleurs d'aucun autre texte le pouvoir de modifier ainsi les conditions de fixation de la durée de travail des AESH telles que prévues par l'article 7 du décret du 27 juin 2014. Par suite, et contrairement à ce que soutient le syndicat appelant, les énonciations ci-dessus de la circulaire du 5 juin 2019 sont illégales, et il ne peut donc s'en prévaloir directement.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret. / (....) ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'État et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée. / Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. ".

9. Aux termes de l'article R. 312-3-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2 émanant des administrations centrales de l'État sont, sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, publiés dans des bulletins ayant une périodicité au moins trimestrielle et comportant dans leur titre la mention " Bulletin officiel ". / Des arrêtés ministériels déterminent, pour chaque administration, le titre exact du ou des bulletins la concernant, la matière couverte par ce ou ces bulletins ainsi que le lieu ou le site internet où le public peut les consulter ou s'en procurer copie. ".

10. Aux termes l'article R. 312-8 de ce code relatif aux règles particulières applicables aux circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l'État : " Par dérogation à l'article R. 312-3-1, les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l'État sont publiées sur un site relevant du Premier ministre. Elles sont classées et répertoriées de manière à faciliter leur consultation. ". Aux termes de l'article R 312-10 du même code, qui précise les règles particulières d'opposabilité des circulaires, instructions, notes et réponses ministérielles émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'État : " Les sites internet sur lesquels sont publiés les documents dont toute personne peut se prévaloir dans les conditions prévues à l'article L. 312-3 précisent la date de dernière mise à jour de la page donnant accès à ces documents ainsi que la date à laquelle chaque document a été publié sur le site. / Ces sites comportent, sur la page donnant accès aux documents publiés en application de l'article L. 312-3, la mention suivante : " Conformément à l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par les documents publiés sur cette page, pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée, sous réserve qu'elle ne fasse pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". / Les circulaires et instructions soumises aux dispositions de l'article R. 312-8 sont publiées sur les sites mentionnés au premier alinéa au moyen d'un lien vers le document mis en ligne sur le site mentionné à ce même article ". Aux termes de l'article D. 312-11 de ce même code : " Les sites internet mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-3 sont les suivants : (...) - www.education.gouv.fr ; (...) / Lorsque la page à laquelle renvoient les adresses mentionnées ci-dessus ne donne pas directement accès à la liste des documents mentionnés à l'article L. 312-3, elle comporte un lien direct vers cette liste, identifié par la mention " Documents opposables " ".

11. L'article R. 312-7 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que : " Les instructions ou circulaires qui n'ont pas été publiées sur l'un des supports prévus par les dispositions de la présente section ne sont pas applicables et leurs auteurs ne peuvent s'en prévaloir à l'égard des administrés. A défaut de publication sur l'un de ces supports dans un délai de quatre mois à compter de leur signature, elles sont réputées abrogées ".

12. D'abord, les dispositions de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration instituent une garantie au profit de l'usager en vertu de laquelle toute personne qui l'invoque est fondée à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation, même illégale, d'une règle contenue dans un document que son auteur a souhaité rendre opposable, en le publiant dans les conditions prévues aux articles R. 312-10 et D. 312-11 reproduits ci-dessus, tant qu'elle n'a pas été modifiée. En outre, l'usager ne peut bénéficier de cette garantie qu'à la condition que l'application d'une telle interprétation de la règle n'affecte pas la situation de tiers et qu'elle ne fasse pas obstacle à la mise en œuvre des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. Les mentions accompagnant la publication de ce document ont pour objet de permettre de s'assurer du caractère opposable de l'interprétation qu'il contient.

13. Ensuite, il résulte de la combinaison des dispositions citées plus haut que, pour être opposable, une circulaire émanant du ministre de l'éducation nationale, adressée aux services académiques et aux chefs d'établissement, doit faire l'objet d'une publication sur le site " www.education.gouv.fr " par le biais d'une insertion dans la liste définissant les documents opposables et comportant les mentions prescrites à l'article R. 312-10, et doit comporter un lien vers le document intégral publié sur le site " Légifrance.gouv.fr ", qui relève du Premier ministre.

14. Si la circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019 a non seulement été publiée au Bulletin officiel de l'éducation nationale n° 23 du 6 juin 2019 mais également sur le site Internet " www.education.gouv.fr ", cette publication ne mentionne toutefois pas la formule prévue à l'article R. 312-10 précité. De plus, aucun renvoi ne figure sur le site " Légifrance.gouv.fr ", la circulaire en cause n'y étant pas mentionnée dans la rubrique de ce site prévue à cet effet. Si le syndicat SUD Education Bourgogne fait valoir que cette circulaire, bien que non publiée sur le site " Légifrance.gouv.fr ", est citée par une autre circulaire n° 2019-088 du 5 juin 2019 publiée dans les conditions rappelées au point précédent, qui y renvoie, devant en conséquence être regardée comme ayant elle-même été publiée, cette seule circonstance ne saurait valablement pallier l'absence de publication dans des conditions conformes aux textes précédemment cités. Par ailleurs, et indépendamment de son abrogation à l'expiration d'un délai de quatre mois en application de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration, la circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019, faute de remplir les conditions de publication posées à cet effet, n'a jamais été opposable, y compris avant le 5 octobre 2019.

15. Par suite, et en toute hypothèse, le syndicat SUD Éducation Bourgogne est infondé à invoquer le mécanisme de garantie résultant de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration pour se prévaloir des dispositions précitées de la circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019.

16. En dernier lieu, et dès lors que les énonciations de la circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019 dont se prévaut le syndicat SUD Éducation Bourgogne sont illégales, il ne saurait utilement s'en prévaloir sur le fondement du principe de l'égalité de traitement entre l'académie de Dijon, qui applique une modulation, et les autres académies, qui mettraient en œuvre cette circulaire.

17. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions du syndicat SUD Éducation Bourgogne, que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Les interventions de Mmes A..., D... et B... sont admises.

Article 2 : La requête du syndicat Solidaire, Unitaire et Démocratique de l'Éducation en Bourgogne est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat Solidaire, Unitaire et Démocratique de l'Éducation en Bourgogne et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée pour information à la rectrice de l'académie de Dijon et à Mmes C... A..., Anne D... et Marie-Laure B....

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03707

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03707
Date de la décision : 09/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12 La cour a confirmé le jugement n° 2000927 du 16 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon avait rejeté l'action en reconnaissance de droits d'un syndicat relative à la circulaire ministérielle n° 2019-090 du 5 juin 2019 concernant le cadre de gestion des personnels exerçant des missions d'accompagnement d'élèves en situation de handicap....Après avoir relevé que les énonciations de cette circulaire déterminant la durée de temps de travail qui figure au contrat des AESH ajoutaient au décret du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi des accompagnants d'élèves en situation de handicap et ne constituaient pas des lignes directrices, et que le ministre en charge de l'éducation nationale ne tenait pas de son pouvoir règlementaire général d'organisation des services ni d'ailleurs d'aucun autre texte le pouvoir de modifier les règles prévues par ce décret, la cour a estimé que le syndicat ne pouvait s'en prévaloir directement....Et faute de publication de cette circulaire illégale dans les conditions prévues par les dispositions applicables du code des relations entre le public et l'administration, elle a également jugé que le syndicat ne pouvait pas davantage s'en prévaloir dans le cadre du mécanisme de garantie prévu par l'article L. 312-3 de ce code.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-09;21ly03707 ?
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