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03/11/2022 | FRANCE | N°21NT00265

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 03 novembre 2022, 21NT00265


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 janvier, 12 mai, 2 juillet et 26 juillet 2021 (ce dernier non communiqué), M. B... A..., représenté par Me Rouhaud, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Guignen (Ille-et-Vilaine) a délivré à la SARL Guignen Dis II un permis de construire sur les parcelles cadastrées à la section ZP sous les n°s 478, 479, 481, 484, 486 et 489, en vue de construire un ensemble commercial et de bureau

x, exploité sous l'enseigne " Leclerc ", d'une surface de plancher de 6 662 m2, ainsi qu...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 janvier, 12 mai, 2 juillet et 26 juillet 2021 (ce dernier non communiqué), M. B... A..., représenté par Me Rouhaud, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Guignen (Ille-et-Vilaine) a délivré à la SARL Guignen Dis II un permis de construire sur les parcelles cadastrées à la section ZP sous les n°s 478, 479, 481, 484, 486 et 489, en vue de construire un ensemble commercial et de bureaux, exploité sous l'enseigne " Leclerc ", d'une surface de plancher de 6 662 m2, ainsi qu'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile (" drive ") comportant quatre pistes de ravitaillement, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté.

2°) de mettre à la charge de la commune de Guignen et de la société Guignen Dis II une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le permis de construire attaqué est entaché d'un vice de procédure et d'une méconnaissance de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, en ce qu'il ne comporte pas la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas dispensant le projet d'évaluation environnementale ; le projet relève de la rubrique 41 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement ;

- en l'absence de décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale, l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en ce qu'il n'a pas été précédé d'une enquête publique, en méconnaissance de l'article L. 123-2 du code de l'environnement ;

- en l'absence de décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale, l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en ce qu'il n'a pas été précédé d'une déclaration d'intention, en méconnaissance de l'article L. 121-18 du code de l'environnement ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 4.3 des dispositions générales du plan local d'urbanisme ainsi que les orientations du schéma s'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) Vilaine ; le terrain d'assiette du projet est situé en grande partie au sein d'une zone humide ; les dispositions du plan local d'urbanisme et les orientations du SAGE n'autorisent pas la destruction de cette zone ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article 1 AUc 3 du règlement du plan local d'urbanisme ; la desserte du projet au niveau de la rue du Cormier, pour les véhicules de livraison, comporte des risques pour la sécurité publique ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 1 AUc 11 du règlement du plan local d'urbanisme en ce qui concerne l'aspect extérieur des constructions ;

- le projet n'est pas compatible avec les dispositions du document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays de Vallon qui préconisent la protection des zones humides ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme ; le projet aura des conséquences néfastes pour l'environnement et les zones humides.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 mars, 26 mai, 30 juin (non communiqué) et 9 juillet 2021, la SARL Guignen Dis II, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 mars, 26 mai 2021 et 12 juillet 2021, la commune de Guignen, représentée par Me Coudray, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce que soit mis à la charge de M. A... le versement de la somme globale de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Par un courrier du 1er septembre 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois pour permettre la régularisation, au regard des dispositions des articles R. 431-16 du code de l'urbanisme et des articles L. 122-1, L. 123-2, R. 122-2 et L. 121-18 du code de l'environnement, dans leur rédaction applicable, du vice de procédure entachant le permis de construire du 31 juillet 2020, tiré de l'absence d'examen du projet par l'autorité environnementale, d'enquête publique et de déclaration d'intention.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frank,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Messéant substituant Me Rouhaud, représentant M. A..., de Me Lapprand, représentant la commune de Guignen, et de Me Carteret, représentant la société Guignen Dis II.

Deux notes en délibéré, enregistrées les 19 et 21 octobre 2022, ont été présentées pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. La société Guignen Dis a présenté à la mairie de Guignen (Ille-et-Vilaine), en décembre 2018, une demande de permis de construire sur des terrains situés rue Jean de Saint-Amadour à Guignen, en vue de la création d'un magasin à l'enseigne " E. Leclerc " d'une surface de vente totale de 2 125 m2, d'un point permanent de retrait, par la clientèle, d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès automobile avec 4 pistes de ravitaillement, ainsi que d'une surface affectée au retrait des marchandises de 292 m2 de surface de plancher. Par un arrêté du 31 juillet 2020, la maire de Guignen a délivré à la société Guignen Dis le permis de construire sollicité valant autorisation d'exploitation commerciale. M. B... A... demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation de construire.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête de M. A... :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est propriétaire de la parcelle cadastrée à la section AB n°479, située à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet litigieux, lequel consiste notamment en la construction d'un ensemble commercial d'une surface de plancher de 6 662 m2, la réalisation de 188 places de stationnements et la création d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile (" drive ") comportant quatre pistes de ravitaillement. M. A... se prévaut des nuisances sonores et visuelles engendrées par le projet, susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation et de jouissance de son bien. Dans ces conditions, M. A... justifie d'un intérêt suffisant lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire du 31 juillet 2020. Par suite, la fin de non-recevoir opposée à la requête de M. A... doit être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 31 juillet 2020 en tant qu'il vaut autorisation de construire :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme vérifie que le projet qui lui est soumis est conforme aux mesures et caractéristiques qui ont justifié la décision de l'autorité environnementale de ne pas le soumettre à évaluation environnementale (...) ". Aux termes du V de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'un projet est soumis à évaluation environnementale, le dossier présentant le projet comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation déposée est transmis pour avis à l'autorité environnementale ainsi qu'aux collectivités territoriales et à leurs groupements intéressés par le projet (...) ". Aux termes de l'article L. 123-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : 1° Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1 (...) ". La rubrique 41 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que " les aires de stationnement ouvertes au public de 50 unités et plus " sont soumises à la procédure d'examen au " cas par cas ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le projet de construction prévoit la création de 188 places extérieures de stationnement sur le terrain d'assiette de l'opération. En application des dispositions citées au point 5, le projet d'ensemble comprenant l'aire de stationnement ouverte au public est soumis à évaluation environnementale, sauf décision de l'autorité environnementale l'en dispensant. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet aurait fait l'objet d'une étude d'impact ou que l'autorité environnementale aurait dispensé le pétitionnaire de procéder à une évaluation environnementale. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le dossier de demande du permis de construire est incomplet et que l'arrêté du 31 juillet 2020 est entaché d'un vice de procédure au regard des dispositions citées au point 5.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-18 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Pour les projets mentionnés au 1° de l'article L. 121-17-1, une déclaration d'intention est publiée par le maître d'ouvrage avant le dépôt de la demande d'autorisation. Aucune participation telle que définie au chapitre III ne peut être engagée en l'absence de cette publication. (...) / II. - Pour les plans et programmes mentionnés au 2° de l'article L. 121-17-1, la déclaration d'intention est constituée par l'acte prescrivant leur élaboration dès lors qu'il est publié sur un site internet. Cet acte mentionne, s'il y a lieu, les modalités de concertation préalable du public envisagées si la déclaration d'intention n'a pas été réalisée jusque-là. / III. - Valent déclaration d'intention : 1° Pour les projets mentionnés au 1° de l'article L. 121-17-1, les décisions de cas par cas imposant une étude d'impact mentionnée à l'article L. 122-1, si celle-ci n'a pas déjà été faite, et dès lors que cette décision est publiée dans les conditions fixées au I, accompagnée du formulaire de demande et d'une description des modalités de concertation préalable telles que prévues au 6° du I, sur le site internet ; 2° Pour les plans et programmes mentionnés au 2° de l'article L. 121-17-1, les décisions de cas par cas imposant une évaluation environnementale mentionnée à l'article L. 122-4, si celle-ci n'a pas déjà été faite dès lors que cette décision est publiée dans des conditions fixées au I et si elle est accompagnée d'une description des modalités de concertation préalable telles que prévues au 6° du I. IV. - Le maître d'ouvrage d'un projet mentionné au 1° de l'article L. 121-17-1 transmet sa déclaration d'intention de projet à l'autorité administrative compétente pour autoriser le projet. Dans un délai d'un mois, cette dernière peut, si besoin, lui demander de fournir des éléments complémentaires. ". Aux termes de l'article L. 121-17-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le droit d'initiative prévu au III de l'article L. 121-17 est ouvert pour : 1° Les projets mentionnés au 2° de l'article L. 121-15-1, lorsque le montant des dépenses prévisionnelles d'un tel projet réalisé sous maîtrise d'ouvrage publique est supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat et ne pouvant être supérieur à 5 millions d'euros, ou lorsque le montant total des subventions publiques à l'investissement accordées sous forme d'aide financière nette au maître d'ouvrage d'un projet privé est supérieur à ce seuil ; 2° Les plans et programmes mentionnés au 3° de l'article L. 121-15-1. La présente sous-section n'est pas applicable aux projets, plans et programmes pour lesquels le maître d'ouvrage ou la personne publique responsable a organisé une concertation préalable respectant les modalités prévues aux articles L. 121-16 et L. 121-16-1. ". Aux termes de l'article L. 121-15-1 du même code : " La concertation préalable peut concerner : 3° Les plans et programmes soumis à évaluation environnementale en vertu de l'article L. 122-4 et ne relevant pas du champ de compétence de la Commission nationale du débat public en application du IV de l'article L. 121-8. ".

8. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux, dont il n'est pas établi ni même allégué qu'il serait réalisé sous maîtrise d'ouvrage publique ou ferait l'objet de subvention publique, aurait dû faire l'objet d'une déclaration d'intention, et alors en tout état de cause que celui-ci doit être soumis, ainsi qu'il a été dit au point 6, à une évaluation environnementale ou à une décision de l'autorité environnementale l'en dispensant. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure, tiré du défaut de publication d'une déclaration d'intention, doit être écarté comme inopérant.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

10. Aux termes de l'article 1 AUc 3 du règlement du plan local d'urbanisme de Guignen, approuvé par délibération du conseil municipal le 24 février 2014, et applicable au terrain d'assiette du projet : " Voirie : Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies publiques ou privées doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent, ou aux opérations qu'elles doivent desservir. / Les nouvelles voies créées devront présenter des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie et de la protection civile, et comporter une chaussée d'au moins 3,50 mètres de largeur. / Toutefois, certaines voies moins larges pourront être créées si l'opération est déjà desservie par des voies répondant aux exigences de la sécurité, de la défense incendie et de la protection civile. / Au-delà des 20 mètres depuis l'axe de la voie et sur 10 mètres, il pourra être créé une voirie de desserte. Accès : Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée. / Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. / Lorsque le terrain, sur lequel l'opération est envisagée, est riverain de plusieurs voies publiques, l'accès sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit. / Aucune opération ne peut être desservie par les pistes cyclables, les sentiers piétons, les sentiers touristiques. ".

11. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des pièces du dossier que le projet est desservi, pour les véhicules de livraison, par la rue du Cormier, qui présente des bas-côtés et une largeur suffisante d'environ 10 mètres pour accéder aux installations projetées. La largeur de l'accès au projet depuis cette voie est supérieure à 16 mètres et ne présente de risque ni pour la sécurité des usagers de la rue, y compris des cyclistes, ni pour celle des personnes utilisant cet accès. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux entraînera un trafic supplémentaire significatif susceptible de comporter des risques pour la sécurité publique. Dès lors, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce qu'en délivrant le permis de construire attaqué, le maire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des exigences de la sécurité publique prescrites par l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, en ce qui concerne la desserte du projet au niveau de la rue du Cormier pour les véhicules de livraison doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que le maire aurait fait une inexacte application de l'article 1 AUc 3 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone doit également être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes des dispositions liminaires du chapitre I du Titre III du règlement du plan local d'urbanisme de Guignen, approuvé par délibération du conseil municipal le 24 février 2014, et applicables aux zones à urbaniser, : " le secteur 1AUc est une zone à urbaniser, où est prévue à court terme l'extension de l'agglomération par l'accueil à vocation commerciale, ainsi que réalisation des équipements publics et privés correspondants ". Aux termes de l'article 1 AUc 11 du règlement du plan local d'urbanisme : " 1 - Aspect des constructions : / Tout projet de construction devra présenter un volume, une implantation et un aspect satisfaisants, permettant une bonne intégration dans l'environnement, tout en tenant compte du site général dans lequel il s'inscrit et notamment la végétation existante, et les constructions voisines qui y sont implantées. / Ce souci d'intégration sera pris en compte au niveau : / - de l'insertion du bâtiment dans le relief, / - de l'implantation et du volume général des constructions ou ouvrages, y compris la toiture, / - du type d'ouvertures et de leur positionnement, / - du choix des matériaux apparents et de leur couleur, / - du type de clôtures, / - des enseignes et logos en fonction du bâti existant. / • Volumétrie et toiture / Les futures constructions seront composées de volumes simples et comporteront soit une toiture terrasse, soit une toiture a faible pente. Dans le cas d'une toiture a faible pente, elle sera dissimulée par des acrotères. / On privilégiera l'utilisation des toitures végétalisées. / Les éléments techniques tels que panneaux solaires ou photovoltaïques, antennes, chauffe-eaux solaires sont autorisés à condition qu'ils soient harmonieusement intégrés à la construction. • Couleurs et matériaux / Les couleurs et aspects des matériaux employés s'inspireront de ceux présents sur le site (couleur du bois, de la terre et de la pierre locale). Il n'est autorisé que 3 couleurs ou matériau de parement maximum par volume. Il sera privilégié des couleurs foncées, plutôt que les couleurs claires et / ou criardes. Les couleurs des menuiseries ou rives d'angles au couleur du bâti principal seront privilégiées. Les vitres et panneaux de verre seront autorisés s'ils ne créent pas d'effet d'éblouissement. / Les couleurs des matériaux de parement (pierre, enduit, bardage) et les peintures extérieures devront s'harmoniser entre elles et ne pas porter atteinte au caractère des lieux avoisinants. / Les constructions accessoires à l'activité commerciale (abri vélo, abri caddies, abri driving...) devront présenter une unité de couleurs et de matériau avec le bâtiment principal. ".

13. Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte, en méconnaissance des dispositions précitées, au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

14. Le projet litigieux se situe dans une zone principalement pavillonnaire comportant également quelques immeubles collectifs. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le secteur d'implantation du projet, traversé par deux routes départementales, présenterait une unité ou un intérêt architectural significatif ou notable. Les constructions projetées s'inscrivent dans un programme de développement commercial et résidentiel, au sein de la zone d'aménagement concerté " de la Vigne ", prévoyant notamment la construction d'environ 400 à 430 logements neufs. Le projet contesté consiste en l'édification d'un bâtiment commercial principal, auquel sont adossés un point de retrait de marchandises et un espace de stockage, chacun étant équipés d'un auvent. Le volume important de la construction, de forme parallélépipédique, est simple et épouse la surface dédiée au commerce prévue par l'orientation d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme applicable sur le terrain d'assiette. La façade ouest du bâtiment présente des murs bardés de matériaux métalliques de couleur gris foncé. Les façades nord et sud comportent des murs blancs, essentiellement bardés de matériaux métalliques de couleur gris foncé et de bois, favorisant l'insertion dans leur environnement. La façade est sera entièrement vitrée et les auvents sont de couleur blanche. Le projet prévoit par ailleurs la plantation d'arbres et de haies pour le traitement des espaces libres. Contrairement à ce que soutient M. A..., le parti architectural ainsi retenu ne peut être regardé comme en rupture avec le bâti environnant, qui ne présente d'ailleurs pas de caractère remarquable, au regard de la vocation générale de la zone d'implantation du projet. Dans ces conditions, et alors que les dispositions citées au point 12 n'interdisent pas les expressions architecturales contemporaines, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est par une inexacte application des dispositions de l'article 1 AUc 11 du règlement du plan local d'urbanisme que le maire de Guignen a délivré le permis de construire en litige.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

15. En vertu des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

16. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

17. Le vice, dont le présent arrêt retient, au point 6, qu'il entache d'illégalité le permis de construire du 31 juillet 2020 et le rejet du recours gracieux formé contre cette décision, est susceptible d'être régularisé par l'intervention d'une décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale ou par la réalisation d'une telle évaluation, suivi de l'organisation d'une enquête publique, puis par la délivrance d'un permis de régularisation, alors au demeurant qu'eu égard à l'absence de décision de l'autorité environnementale, la cour n'est pas en mesure de se prononcer sur les moyens tirés de ce que le projet litigieux méconnaîtrait l'article 4.3 des dispositions générales du plan local d'urbanisme ainsi que les orientations du schéma s'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) Vilaine, ne serait pas compatible avec les dispositions du document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays de Vallon et méconnaîtrait l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme, eu égard à l'impact de la construction en litige sur des zones humides. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et de fixer à la Société Guignen Dis et à la commune de Guignen un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins de produire la mesure de régularisation nécessaire.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par M. A..., jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la société Guignen Dis II et à la commune de Guignen pour produire une mesure de régularisation du vice tiré de l'absence d'examen du projet par l'autorité environnementale, ainsi que de l'absence d'enquête publique, au regard des dispositions des articles R. 431-16 du code de l'urbanisme, L. 122-1, L. 123-2 et R. 122-2 du code de l'environnement.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société Guignen Dis II et à la commune de Guignen.

Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (Commission nationale d'aménagement commercial).

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 novembre 2022.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00265
Date de la décision : 03/11/2022
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL & CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2022-11-03;21nt00265 ?
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