Vu la procédure suivante :
La société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des titres exécutoires n° 588 et n° 607, d'un montant de 11 297,50 euros et de 34 054 euros, respectivement émis à son encontre les 26 juin 2018 et 26 avril 2019 par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et la décharge de l'obligation de payer ces sommes. Par un jugement n° 1905416, 1905529 du 2 février 2021, le tribunal administratif a annulé le titre exécutoire n° 607 du 26 avril 2019 et fait droit aux conclusions reconventionnelles de l'ONIAM tendant à la condamnation de la SHAM à lui verser des pénalités de 1 129,75 euros et de 3 405,40 euros, sur le fondement du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et rejeté le surplus des demandes.
Par un arrêt n° 21LY00986, 21LY01030 du 24 février 2023, rectifié par un arrêt n° 23LY01404 du 21 septembre 2023, sur appel de l'ONIAM et appel incident de la SHAM, la cour administrative d'appel de Lyon a condamné la SHAM à verser à l'ONIAM une somme complémentaire de 870,66 euros au titre des frais d'expertise, l'a déchargée de l'obligation de payer la somme de 3 405,40 euros et a rejeté les surplus des conclusions d'appel de l'ONIAM et de la SHAM.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 avril et 24 juillet 2023 et le 24 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) en cas de règlement au fond, de faire droit à ses conclusions ;
3°) de mettre à la charge de la société Relyens Mutual Insurance, venue aux droits de la SHAM, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et les administrations ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Relyens Mutual Insurance ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un avis du 13 septembre 2017, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales du Rhône a estimé que la responsabilité des Hospices civils de Lyon était engagée à l'égard de M. C..., qui avait bénéficié en 2013 dans cet établissement de la pose d'une valve biologique qui s'est révélée défectueuse. La société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur du centre hospitalier, aux droits de laquelle a succédé désormais la société Relyens Mutual Insurance, n'a pas présenté d'offre d'indemnisation à la victime et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) s'est substitué à cet assureur, en versant à M. C... la somme de 11 297,50 euros, aux termes d'un premier protocole transactionnel conclu le 11 juin 2018, et la somme de 34 054 euros, aux termes d'un second protocole transactionnel conclu le 18 avril 2019. L'ONIAM a émis à l'encontre de la SHAM deux titres exécutoires n° 588 et n° 607, en date respectivement des 26 juin 2018 et 26 avril 2019, aux fins d'obtenir le remboursement de ces sommes. Par un jugement du 2 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé, pour un motif de régularité en la forme, le titre exécutoire n° 607 du 26 avril 2019, rejeté la demande reconventionnelle de l'ONIAM tendant à la condamnation de la SHAM à lui verser la somme de 34 054 euros correspondant au titre exécutoire ainsi annulé et condamné la SHAM à verser à l'ONIAM une somme de 3 405,40 euros, au titre de la pénalité prévue au cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Par un arrêt du 24 février 2023, rectifié le 21 septembre 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la demande de l'ONIAM tendant à l'annulation du jugement du 2 février 2021 en tant qu'il a annulé le titre exécutoire n° 607 du 26 avril 2019 et rejeté sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la SHAM à lui verser la somme correspondant à ce titre exécutoire et a annulé la condamnation de la SHAM à lui verser la pénalité prévue au cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Par le présent pourvoi, l'ONIAM demande l'annulation, dans cette mesure, de cet arrêt.
Sur le bien-fondé de l'annulation du titre exécutoire n° 607 :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " Ces dispositions sont applicables aux titres exécutoires, en l'absence de dispositions spéciales contraires. Lorsque la décision est signée par délégation, ce sont les nom, prénom et qualité de la personne signataire qui doivent être mentionnés, y compris lorsque n'est notifiée à l'intéressé qu'une ampliation telle qu'un avis des sommes à payer.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'avis des sommes à payer notifié à la SHAM correspondant au titre exécutoire n° 607 du 26 avril 2019 se bornait à indiquer que l'ordonnateur de la créance était le directeur de l'ONIAM, M. D... B..., alors qu'il résulte du titre exécutoire transmis au comptable qu'il a été signé, par délégation de ce directeur, par Mme A... E..., directrice adjointe. Ainsi, en rejetant les conclusions de l'ONIAM dirigées contre l'annulation du titre exécutoire du 26 avril 2019 prononcée par les premiers juges, au motif que l'avis des sommes à payer notifié au redevable ne comportait pas le nom, le prénom et la qualité de son auteur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur le bien-fondé du rejet des conclusions reconventionnelles présentées par l'ONIAM :
4. Aux termes de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, (...), l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. / Dans ce cas, les dispositions de l'article L. 1142-14, relatives notamment à l'offre d'indemnisation et au paiement des indemnités, s'appliquent à l'office, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat. / L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances. / L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise./ En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue./ Lorsque l'office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au fonds institué au même article L. 426-1 du code des assurances ou au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis. "
5. En premier lieu, lorsqu'il cherche à recouvrer les sommes versées aux victimes en application de la transaction conclue avec ces dernières, l'ONIAM peut soit émettre un titre exécutoire à l'encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances, soit saisir la juridiction compétente d'une requête à cette fin. Ainsi, l'office n'est pas recevable à saisir le juge d'une requête tendant à la condamnation du débiteur au remboursement de l'indemnité versée à la victime lorsqu'il a, préalablement à cette saisine, émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme en litige. Toutefois, l'office reste recevable à présenter, à titre subsidiaire, dans l'instance formée par le débiteur en opposition à ce titre exécutoire, des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de ce dernier à lui verser les sommes ainsi dues, au cas où l'annulation du titre exécutoire serait prononcée par le juge pour un motif de régularité en la forme, étant précisé que l'examen de telles conclusions par le juge suppose, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la mise en cause des tiers payeurs ayant servi des prestations à la victime. Par suite, en écartant comme irrecevables les conclusions de l'ONIAM présentées à cette fin dès lors qu'il avait choisi d'émettre des titres exécutoires, après avoir, d'une part, jugé qu'il n'était pas fondé à soutenir que c'était à tort que le tribunal administratif avait annulé le titre exécutoire n° 607 pour le motif rappelé au point 3 et, d'autre part, rejeté les conclusions à fins de décharge de l'obligation de payer présentées par la SHAM, la cour a commis une erreur de droit.
6. En second lieu, il résulte des dispositions précitées du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique que seul le juge peut prononcer la pénalité qu'elles prévoient et que l'ONIAM ne peut, en l'état des dispositions applicables, émettre un titre exécutoire en vue de son recouvrement. Lorsque le débiteur a formé une opposition contre le titre exécutoire devant la juridiction compétente, l'ONIAM ne peut poursuivre le recouvrement de la pénalité qu'en présentant une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de cette opposition.
7. Le juge ne peut ainsi condamner le débiteur à verser à l'ONIAM la pénalité prévue par le cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, que lorsque l'indemnité due a été arrêtée, dans son principe et dans son montant, soit par un titre exécutoire régulier en la forme, soit par une condamnation prononcée par le juge. Il en résulte que l'erreur de droit commise, ainsi qu'il a été dit au point 5, par la cour en écartant comme irrecevables les conclusions indemnitaires présentées à titre reconventionnel par l'ONIAM emporte, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a annulé la condamnation de la SHAM à verser à l'ONIAM une pénalité d'un montant de 3 405,40 euros prononcée par le jugement du tribunal administratif, au seul motif que le titre exécutoire n° 607 procédant au recouvrement de l'indemnité correspondante avait été, à bon droit, annulé pour une irrégularité en la forme.
8. Il résulte de ce qui précède que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon doit être annulé seulement en tant qu'il statue sur les conclusions reconventionnelles présentées par l'ONIAM tendant à la condamnation de l'assureur des Hospices civils de Lyon à lui verser, d'une part, une somme de 34 054 euros, en application du quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, et, d'autre part, la pénalité correspondante prévue au cinquième alinéa dudit article.
Sur les frais de l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Relyens Mutual Insurance une somme de 3 000 euros à verser à l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par la société Relyens Mutual Insurance, qui est la partie perdante, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt rectifié de la cour administrative d'appel de Lyon du 24 février 2023 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions reconventionnelles présentées par l'ONIAM tendant à la condamnation de l'assureur des Hospices civils de Lyon à lui verser une somme de 34 054 euros et la pénalité correspondante prévue au cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, devant la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La société Relyens Mutual Insurance versera une somme de 3 000 euros à l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Relyens Mutual Insurance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la société Relyens Mutual Insurance.