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04/04/2025 | FRANCE | N°461220

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 04 avril 2025, 461220


Vu la procédure suivante :



La société Conversant International Limited, anciennement dénommée Valueclick International Limited a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 10 avril 2008 au 30 novembre 2012, et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1508234/2-1 du 7 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a reje

té sa demande.



Par un arrêt n° 17PA01538 du 1er mars 2018, la...

Vu la procédure suivante :

La société Conversant International Limited, anciennement dénommée Valueclick International Limited a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 10 avril 2008 au 30 novembre 2012, et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1508234/2-1 du 7 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA01538 du 1er mars 2018, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Conversant International Limited, annulé ce jugement et prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 10 avril 2008 au 30 novembre 2012, et des pénalités correspondantes.

Par une décision n° 420174 du 11 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 1er mars 2018 de la cour administrative d'appel de Paris et renvoyé l'affaire devant cette cour.

Par un arrêt n° 20PA03971 du 8 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auquel la société Valueclick International Limited a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période antérieure au 1er janvier 2010, et des pénalités correspondantes (article 1er), ainsi que la décharge du surplus des pénalités de 80 % pour activité occulte mises à sa charge (article 2), et rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société Conversant International Limited (article 5).

1° Sous le n° 461220, par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 7 février 2022 et le 20 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt.

2° Sous le n° 461310, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 février 2022, 6 mai 2022 et 31 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Conversant International Limited demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 5 de cet arrêt.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention entre la France et l'Irlande tendant à prévenir les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu, signée le 21 mars 1968 ;

- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le règlement (UE) n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 portant mesures d'exécution de la directive du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de la société Conversant International Limited ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Valueclick International Limited, devenue la société Conversant International Limited, dont le siège social est situé en Irlande et qui est détenue à 100 % par la société de droit américain Valueclick Inc, exerce une activité de marketing digital, en particulier en Europe, par l'intermédiaire de sociétés sœurs et notamment, en France, par l'intermédiaire de la SARL anciennement dénommée Valueclick France. La société Valueclick International Limited propose à ses clients des services dénommés " Media ", " Marketing par affiliation " et " Technologies ", un contrat de licence de droits de propriété intellectuelle conclu le 30 juin 2008 avec la société Valueclick Inc l'autorisant à exploiter les droits relatifs à ces produits sur tous les marchés, hors Amérique du Nord. En exécution d'un contrat de prestation de services conclu entre les sociétés du groupe le 1er juillet 2008, la société Valueclick France doit fournir à la société Valueclick International Limited les services suivants : " assistance marketing consistant à agir comme le représentant marketing de Valueclick International, ce qui inclut mais pas seulement, l'identification, la prospection et le signalement des clients potentiels à Valueclick International ", " services continus de management et services d'assistance back-office ", " assistance administrative, incluant la comptabilité, la gestion des ressources humaines, les technologies de l'information et la trésorerie ". En contrepartie, elle est remboursée de ses frais (" cost ") et perçoit une rémunération égale à 8 % du montant de ces frais.

2. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a estimé que la société Valueclick International Limited exerçait en France une activité imposable, par l'intermédiaire d'un établissement stable constitué par la société Valueclick France. La société Valueclick International Limited a en conséquence été assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2009, 2010 et 2011 et un rappel de taxe sur la valeur ajoutée a été mis à sa charge au titre de la période du 10 avril 2008 au 30 novembre 2012. Par un jugement du 7 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Conversant International Limited tendant à la décharge de ces cotisations d'impôt sur les sociétés, de ces droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes. Par une décision du 11 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 1er mars 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Paris avait annulé ce jugement et prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, ainsi que des pénalités correspondantes, et renvoyé l'affaire devant cette cour. Par un arrêt du 8 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auquel la société Valueclick International Limited a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette société au titre de la période antérieure au 1er janvier 2010, des pénalités de 80 % pour activité occulte correspondant à ces impositions et du surplus des pénalités de 80 % pour activité occulte mises à sa charge, et rejeté le surplus de ses conclusions.

3. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 décembre 2021 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Valueclick International Limited a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette société au titre de la période antérieure au 1er janvier 2010, des pénalités de 80 % pour activité occulte correspondant à ces impositions, et du surplus des pénalités de 80 % pour activité occulte mises à sa charge. La société Conversant International Limited se pourvoit contre le même arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

4. Les deux pourvois étant dirigés contre le même arrêt, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur le pourvoi formé par la société Conversant International Limited :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

5. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) ". Après avoir relevé par une appréciation souveraine des faits non arguée de dénaturation que la proposition de rectification adressée à la société Valueclick International Limited précisait les modalités de reconstitution de l'activité de la requérante et indiquait que le vérificateur avait retenu un pourcentage de charges égal à 80 % des produits imposables déterminés à partir de ses encaissements bancaires, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel en a déduit que cette proposition de rectification était suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, et qu'était sans incidence à cet égard la circonstance que l'administration n'avait pas précisé les modalités de détermination du coefficient de charges retenu. C'est également sans erreur de droit qu'elle a jugé qu'était sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition la circonstance que l'administration, après avoir évoqué l'existence de comparables dans la décision de rejet de la réclamation présentée par la société, n'ait pas précisé quels étaient les comparables en cause.

S'agissant du bien-fondé de l'impôt :

6. En premier lieu, c'est sans erreur de droit ni insuffisance de motivation que la cour administrative d'appel a jugé que la méthode suivie par l'administration, telle que décrite ci-dessus, pour reconstituer les résultats de la société Valueclick France, regardée comme un établissement stable en France de la société Valueclick International Limited, ce que cette dernière ne conteste plus, ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 4 de la convention franco-irlandaise du 21 mars 1968 prévoyant la taxation dans l'Etat où se trouve cet établissement stable " des bénéfices [qu'il] aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte et séparée exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable ".

7. En deuxième lieu, d'une part, c'est sans erreur de droit ni insuffisance de motivation que la cour administrative d'appel a jugé que, compte tenu de la procédure de taxation d'office mise en œuvre, il appartenait à la société Valueclick International Limited d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge, et donc d'établir que, comme elle le soutenait, le taux de charges de 80 % retenu par l'administration pour reconstituer, en l'absence de tout élément comptable, les résultats de la société Valueclick France, était sous-estimé, et non à l'administration d'établir le bien-fondé de ce taux. D'autre part, c'est également sans erreur de droit ni insuffisance de motivation que la cour administrative d'appel a jugé que la société ne pouvait être regardée comme apportant la preuve de la sous-estimation de ce taux de charges par l'administration en se bornant, à l'appui de sa contestation, à faire état de comparaisons avec des sociétés dont elle soutenait qu'elles se trouvaient dans une situation comparable à celle de Valueclick France, sans produire aucun élément probant spécifique à l'activité propre de cet établissement stable permettant d'évaluer les charges qu'il avait effectivement supportées au cours de la période contrôlée. Enfin, c'est sans méconnaissance des droits de la défense, dans ces conditions, que la cour administrative d'appel a écarté la contestation sur ce point de la société alors même que l'administration n'avait pas précisé les comparables mentionnés dans sa réponse à la réclamation formée par la société.

8. En troisième lieu, c'est sans insuffisance de motivation que la cour administrative d'appel a écarté le moyen tiré de ce que le vérificateur aurait dû, pour reconstituer le résultat de la société Valueclick France, appliquer le taux de charges retenu aux encaissements bruts de cette dernière, correspondant aux montants facturés, en jugeant que le résultat imposable à l'impôt sur les sociétés avait été déterminé à partir des produits et des charges calculés hors taxes et que le montant des produits avait à bon droit été déterminé en regardant les encaissements constatés comme incluant la taxe sur la valeur ajoutée, et en déduisant donc le montant de celle-ci.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant du principe de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de la société Valueclick International Limited :

9. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour les années 2008 et 2009, l'administration fiscale a fondé le rappel litigieux de taxe sur la valeur ajoutée sur les dispositions alors en vigueur, d'une part, de l'article 259 du code général des impôts aux termes desquelles : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. " et, d'autre part, de l'article 283 du même code aux termes desquelles : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...). Toutefois, lorsque la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur (...) ".

10. Pour l'application de ces dispositions, qui résultent de la transposition en droit interne de l'article 9 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ainsi que de l'article 44 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dans sa version en vigueur au cours de la période d'imposition en litige, qui en reprenait le contenu, il convient, comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a jugé notamment dans ses arrêts Berkholz du 4 juillet 1985 (168/84, points 17 et 18) et ARO Lease du 17 juillet 1997 (C-190/95, points 15 et 16), de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services. L'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel les prestations de services sont fournies ne présentant d'intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle d'un point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre Etat membre. Un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées.

11. Ainsi, jusqu'au 31 décembre 2009, le rattachement de prestations de services soit à un établissement satisfaisant aux critères énoncés au point précédent dont le prestataire dispose en France, soit au siège de son activité économique situé sur le territoire d'un autre Etat membre, détermine si la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces prestations est due en France ou dans l'autre Etat membre.

12. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour les années 2010 à 2012, l'administration fiscale a fondé le rappel litigieux de taxe sur la valeur ajoutée sur les dispositions applicables à compter du 1er janvier 2010, d'une part, de l'article 259 du code général des impôts, aux termes desquelles : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle (...) " et, d'autre part, de l'article 283 du même code, aux termes desquelles : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...). 2. Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur ".

13. Il résulte de ces dispositions, issues de la transposition en droit interne des articles 44, 192 bis, 193, 194 et 196 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 dans leur version en vigueur à compter du 1er janvier 2010, éclairées notamment par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne GST-Sarviz Germania du 23 avril 2015 (C-111/14, points 20 à 25), ainsi que de l'article 53 du règlement (UE) n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 portant mesures d'exécution de la même directive, que, lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259 du code général des impôts, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui satisfait aux critères énoncés au point 18, lesquels demeurent pertinents sous l'empire des nouvelles dispositions, ainsi qu'il ressort notamment de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne Welmory du 16 octobre 2014 (C-605/12, points 53 à 58). Dès lors que les prestations peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire.

14. Par sa décision du 11 décembre 2020, le Conseil d'Etat, après avoir énoncé les principes rappelés aux points 10 à 13 ci-dessus, a relevé, d'une part, que la société Valueclick France disposait des moyens humains rendant possible, de manière autonome, la fourniture des prestations de la société Valueclik International Limited, notamment des moyens humains qui lui permettaient de prendre la décision de conclure, avec un annonceur, un contrat lui ouvrant le bénéfice des services dont la société irlandaise assurait l'exploitation. Il a jugé, d'autre part, qu'il résultait de l'instruction, et notamment du contrat proposé aux annonceurs et de la note technique produite par la société Conversant International Limited, que si l'exécution des fonctionnalités de mise en relation en temps réel des annonceurs et des éditeurs de sites internet supposait une infrastructure technique, comprenant les logiciels nécessaires au fonctionnement des plateformes de mise en relation et des serveurs sur lesquels elles sont hébergées, implantés dans des centres de données, la création, le paramétrage et la gestion du compte client par les salariés de la société française, en application du contrat conclu avec un annonceur, suffisaient pour ouvrir de manière effective à ce dernier un accès aux fonctionnalités prévues au contrat adapté aux besoins de ses programmes de publicité, sans restriction et sans qu'aucune intervention spécifique soit requise de la part de sociétés du groupe distinctes de la société française et de la société irlandaise, en charge du développement et de la maintenance des logiciels ou de l'exploitation des serveurs, et que, dans ces conditions, les salariés de la société française devaient être regardés comme disposant de moyens techniques adaptés rendant possible, de manière autonome, la fourniture des prestations de la société irlandaise, quand bien même aucun centre de données utilisé pour l'exécution des fonctionnalités de mise en relation n'était localisé en France, pas davantage d'ailleurs qu'en Irlande. Le Conseil d'Etat en a déduit que la cour administrative d'appel, en jugeant dans son arrêt du 1er mars 2018 que la société Valueclick International Limited ne disposait pas en France, par l'intermédiaire de la société Valueclick France, d'un établissement stable satisfaisant aux critères mentionnés au point 18, avait inexactement qualifié les faits de l'espèce.

15. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué, rendu après renvoi de l'affaire par la décision du Conseil d'Etat du 11 décembre 2020, que la cour administrative d'appel a jugé, par les mêmes motifs que cette décision, que la société Valueclick International Limited disposait en France, par l'intermédiaire de la société Valueclick France, d'un établissement stable au titre de laquelle elle était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée. En l'absence de toute circonstance de fait ou de droit nouvelle, que ne sauraient en tout état de cause constituer des arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne postérieurs à la décision du Conseil d'Etat du 11 décembre 2020, l'autorité de la chose jugée par la décision du Conseil d'Etat s'imposait à la cour administrative d'appel. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait sur ce point commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits de l'espèce ne peut qu'être écarté.

S'agissant de la méconnaissance des principes de neutralité et d'effectivité de la taxe sur la valeur ajoutée :

16. D'une part, il résulte des dispositions des articles 259 et 283 du code général des impôts, citées au point 9, que dès lors que la société Valueclick International Limited disposait en France d'un établissement stable constitué par la société Valueclick France, elle était seule redevable de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de service fournies à partir de cet établissement stable à des clients établis en France. D'autre part, si les principes de neutralité et d'effectivité de la taxe sur la valeur ajoutée exigent qu'un opérateur qui a acquitté une taxe sur la valeur ajoutée indûment facturée puisse en obtenir le remboursement, si l'émetteur de la facture a, en temps utile, éliminé tout risque de perte fiscale définitive, ou qu'un prestataire de services qui a acquitté une taxe sur la valeur ajoutée puisse en obtenir le remboursement si le destinataire de ces services, qui a également acquitté cette taxe pour les mêmes services, s'est vu refuser le droit de la déduire, ces principes ne conduisent pas à modifier le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, qui est tenu de s'en acquitter. Par suite, en jugeant qu'était sans incidence sur la légalité du redressement litigieux la circonstance, au demeurant non établie, que les clients de la société établis en France auraient directement acquitté cette taxe en se fondant sur la supposition erronée qu'elle ne disposait pas d'un établissement stable en France, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société Conversant International Limited n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêt qu'elle attaque.

Sur le pourvoi formé par le ministre :

18. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. / (...) ". Aux termes de l'article L. 176 du même livre, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. / (...) / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts lorsque (...) le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. / (...) ". Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. / (...) ".

19. Il résulte des dispositions citées au point 18 que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre Etat et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.

20. La cour administrative d'appel a retenu que la jurisprudence n'avait adapté la notion traditionnelle d'établissement stable à l'économie numérique que postérieurement aux années en litige et en a déduit que la société Valueclick International Limited avait commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit pas acquittée de ses obligations déclaratives en France au titre des activités de l'établissement stable que constituait pour elle la société Valueclick France. Elle a jugé que cette société ne saurait donc être regardée comme ayant exercé une activité occulte au sens des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales et de l'article 1728 du code général des impôts.

21. Toutefois, d'une part, dans sa décision du 11 décembre 2020, le Conseil d'Etat s'est borné à éclairer l'application au cas particulier des sociétés Valueclick International Limited et Valueclick France des critères permettant de caractériser un établissement stable, tels que dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et du Conseil d'Etat antérieurement aux années en litige, que ce soit pour la mise en œuvre des dispositions législatives ou des conventions internationales relatives à l'impôt sur les sociétés ou pour celle des dispositions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, les modifications du régime de cette dernière applicables à compter de 2010 n'ayant pas modifié la teneur de ces critères. D'autre part, il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que le niveau d'imposition, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, était, au cours des années en litige, substantiellement inférieur en Irlande par rapport à la France. Par suite, en jugeant que la société Valueclick International Limited ne saurait être regardée comme ayant exercé une activité occulte au sens des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales et de l'article 1728 du code général des impôts, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

22. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêt qu'il attaque.

23. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée.

24. En premier lieu, les premiers juges ont répondu, au motif que le résultat imposable à l'impôt sur les sociétés était déterminé à partir des produits et des charges hors taxes, au moyen tiré de ce que le vérificateur aurait dû, pour reconstituer le résultat de la société Valueclick France, appliquer le taux de charges retenu aux encaissements bruts de cette dernière, correspondant aux montants facturés. La société Conversant International Limited n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

25. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point 5 de la présente décision, le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas suffisamment motivé la proposition de rectification du 17 juillet 2013 et méconnu les exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

26. En troisième lieu, ainsi qu'il a été indiqué au point 21, la société Conversant International Limited ne peut être regardée comme établissant qu'en ne s'acquittant pas de ses obligations déclaratives en France, la société Valueclick International aurait commis une erreur, et l'administration doit donc être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité litigieuse. Par suite, compte tenu des dispositions des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales citées au point 18, le moyen tiré de ce que le délai de reprise était expiré pour les impositions antérieures au 1er janvier 2010 ne peut qu'être écarté.

27. En quatrième lieu, ainsi que le Conseil d'Etat l'a jugé par sa décision du 11 décembre 2020, la société Valueclick France constituait, au cours de la période d'imposition encore en litige, un établissement stable en France de la société Valueclick International Limited. Les moyens tirés de ce que, tel n'étant pas le cas, elle n'était pas redevable en France de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée doivent donc être écartés.

28. En cinquième lieu, il découle de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que les moyens par lesquels la société Conversant International Limited conteste le calcul du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés doivent être écartés.

29. En sixième lieu, il découle de ce qui a été dit aux points 21 et 26 que c'est à bon droit que les redressements contestés ont été assortis de la pénalité de 80 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts.

30. Il résulte de ce qui précède que la société Conversant International Limited n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en tant que ce dernier a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Valueclick International Limited a été assujettie au titre de l'année 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période antérieure au 1er janvier 2010, et des pénalités de 80 % pour activité occulte dont ces impositions supplémentaires, ainsi que celles mises à sa charge au titre des années 2010 à 2012, ont été assorties.

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 8 décembre 2021 sont annulés.

Article 2 : Le pourvoi formé par la société Conversant International Limited contre ce même arrêt, d'une part, et ses conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 7 mars 2017 en tant que ce dernier a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Valueclick International Limited a été assujettie au titre de l'année 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période antérieure au 1er janvier 2010, et des pénalités de 80 % pour activité occulte dont ces impositions supplémentaires, ainsi que celles mises à sa charge au titre des années 2010 à 2012, ont été assorties, d'autre part, sont rejetées, ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Conversant International Limited.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 mars 2025 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Catherine Fischer-Hirtz, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 4 avril 2025.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Géraud Sajust de Bergues

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 461220
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - PRESCRIPTION - DÉLAI DE REPRISE DE L'ADMINISTRATION EN CAS D'ACTIVITÉ OCCULTE (ART - L - 169 ET L - 176 DU LPF) – CONDITION TENANT À CE QUE LE CONTRIBUABLE NE PUISSE ÉTABLIR QU’IL A COMMIS UNE ERREUR JUSTIFIANT QU’IL NE SE SOIT ACQUITTÉ D’AUCUNE DE SES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES [RJ1] – CAS OÙ LE CONTRIBUABLE FAIT VALOIR QU’IL A SATISFAIT À L’ENSEMBLE DE SES OBLIGATIONS FISCALES DANS UN AUTRE ETAT – ESPÈCE – SOCIÉTÉ IRLANDAISE AYANT UN ÉTABLISSEMENT STABLE EN FRANCE – ABSENCE D’ERREUR - EU ÉGARD À LA PORTÉE DE LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL D’ETAT ET À L’ÉCART DE TAUX D’IS.

19-01-03-04 Conseil d’Etat, saisi en cassation, ayant, par sa décision n° 420174 du 11 décembre 2020, jugé qu’une société française B, exerçant une activité de marketing digital, constituait un établissement stable d’une société irlandaise A en France, au sens de la convention franco-irlandaise du 21 mars 1968. ...Cour de renvoi ayant retenu que la jurisprudence n’avait adapté la notion traditionnelle d’établissement stable à l’économie numérique que postérieurement aux années en litige et en a déduit que la société A avait commis une erreur justifiant qu’elle ne se soit pas acquittée de ses obligations déclaratives en France au titre des activités de l’établissement stable que constituait pour elle la société B. ...Cour en ayant déduit que cette société ne saurait être regardée comme ayant exercé une activité occulte au sens des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales (LPF) et de l’article 1728 du code général des impôts, et ayant par suite prononcé la décharge des cotisations d’impôt sur les sociétés (IS) et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquelles la société A avait été assujettie pour la période antérieure au délai de reprise de droit commun, ainsi que des pénalités de 80 % pour activité occulte mises à sa charge....Toutefois, d’une part, par sa décision du 11 décembre 2020, le Conseil d’Etat s’est borné à éclairer l’application au cas particulier de ces sociétés A et B des critères permettant de caractériser un établissement stable, tels que dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’Etat antérieurement aux années en litige. D’autre part, le niveau d’imposition, en ce qui concerne l’IS, était, au cours des années en litige, substantiellement inférieur en Irlande par rapport à la France....Par suite, la société A doit être regardée comme ayant exercé une activité occulte au sens des articles L. 169 et L. 176 du LPF et de l’article 1728 du CGI.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - AMENDES - PÉNALITÉS - MAJORATIONS - MAJORATION POUR DÉCOUVERTE D'UNE ACTIVITÉ OCCULTE (ART - 1728 DU CGI) – CONDITION TENANT À CE QUE LE CONTRIBUABLE NE PUISSE ÉTABLIR QU’IL A COMMIS UNE ERREUR JUSTIFIANT QU’IL NE SE SOIT ACQUITTÉ D’AUCUNE DE SES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES [RJ1] – CAS OÙ LE CONTRIBUABLE FAIT VALOIR QU’IL A SATISFAIT À L’ENSEMBLE DE SES OBLIGATIONS FISCALES DANS UN AUTRE ETAT – ESPÈCE – SOCIÉTÉ IRLANDAISE AYANT UN ÉTABLISSEMENT STABLE EN FRANCE – ABSENCE D’ERREUR - EU ÉGARD À LA PORTÉE DE LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL D’ETAT ET À L’ÉCART DE TAUX D’IS.

19-01-04 Conseil d’Etat, saisi en cassation, ayant, par sa décision n° 420174 du 11 décembre 2020, jugé qu’une société française B, exerçant une activité de marketing digital, constituait un établissement stable d’une société irlandaise A en France, au sens de la convention franco-irlandaise du 21 mars 1968. ...Cour de renvoi ayant retenu que la jurisprudence n’avait adapté la notion traditionnelle d’établissement stable à l’économie numérique que postérieurement aux années en litige et en a déduit que la société A avait commis une erreur justifiant qu’elle ne se soit pas acquittée de ses obligations déclaratives en France au titre des activités de l’établissement stable que constituait pour elle la société B. ...Cour en ayant déduit que cette société ne saurait être regardée comme ayant exercé une activité occulte au sens des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales (LPF) et de l’article 1728 du code général des impôts, et ayant par suite prononcé la décharge des cotisations d’impôt sur les sociétés (IS) et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquelles la société A avait été assujettie pour la période antérieure au délai de reprise de droit commun, ainsi que des pénalités de 80 % pour activité occulte mises à sa charge....Toutefois, d’une part, par sa décision du 11 décembre 2020, le Conseil d’Etat s’est borné à éclairer l’application au cas particulier de ces sociétés A et B des critères permettant de caractériser un établissement stable, tels que dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’Etat antérieurement aux années en litige. D’autre part, le niveau d’imposition, en ce qui concerne l’IS, était, au cours des années en litige, substantiellement inférieur en Irlande par rapport à la France....Par suite, la société A doit être regardée comme ayant exercé une activité occulte au sens des articles L. 169 et L. 176 du LPF et de l’article 1728 du CGI.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2025, n° 461220
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:461220.20250404
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