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18/12/2024 | FRANCE | N°490274

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 18 décembre 2024, 490274


Vu la procédure suivante :



Les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 2 mai 2019 par lequel le maire de Wambrechies (Nord) s'est opposé à la déclaration préalable qu'elles avaient déposée le 29 avril 2019 pour l'édification d'une infrastructure de télécommunications et, d'autre part, l'arrêté du 29 octobre 2019 par lequel le maire s'est de nouveau opposé à leur déclaration préalable.



Par un jugement n° 19

05814-2001980 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé pour excès de pouv...

Vu la procédure suivante :

Les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 2 mai 2019 par lequel le maire de Wambrechies (Nord) s'est opposé à la déclaration préalable qu'elles avaient déposée le 29 avril 2019 pour l'édification d'une infrastructure de télécommunications et, d'autre part, l'arrêté du 29 octobre 2019 par lequel le maire s'est de nouveau opposé à leur déclaration préalable.

Par un jugement n° 1905814-2001980 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mai 2019 et rejeté le surplus de leurs conclusions.

Par un arrêt n° 22DA00869 du 19 octobre 2023, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France contre ce jugement en tant qu'il n'a pas annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 octobre 2019.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 décembre 2023 et 19 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Wambrechies la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de la société Bouygues Télécom et de la société Cellnex France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 29 avril 2019, la société Cellnex France, agissant par convention de mandat de la société Bouygues Télécom, a déposé une déclaration préalable pour la réalisation d'une infrastructure de télécommunications sur le territoire de la commune de Wambrechies. Par un arrêté du 29 octobre 2019, le maire de Wambrechies s'est opposé à cette déclaration préalable. Les sociétés Cellnex France et Bouygues Télécom se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 19 octobre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté leur appel contre le jugement du 24 février 2022 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté leur demande d'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. / Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme : " Une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire qui ont pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel, notamment relative aux communications électroniques, agricole, commercial ou artisanal qui, par sa nature, sa situation ou son importance, nécessite la réalisation d'équipements publics exceptionnels. (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, qui y a ajouté la mention des installations relatives aux communications électroniques, que, pour leur application, l'extension ou le renforcement du réseau de distribution d'électricité pour l'implantation d'une infrastructure de téléphonie mobile est susceptible d'être regardé comme ayant le caractère d'un équipement public exceptionnel eu égard à la nature de l'opération, qui répond à l'intérêt public qui s'attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile, et à sa situation d'éloignement des zones desservies en électricité.

4. Lorsqu'un pétitionnaire s'est engagé à prendre en charge le coût de travaux d'extension ou de renforcement du réseau de distribution d'électricité rendus nécessaires par l'implantation d'une infrastructure de téléphonie mobile et que ces travaux peuvent être légalement mis à sa charge en application des dispositions de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme, l'autorisation de construire l'infrastructure ne peut pas être refusée sur le fondement de l'article L. 111-11 du même code, sauf à ce qu'un motif autre que financier ne le permette.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision par laquelle le maire de Wambrechies s'est opposé à la déclaration préalable déposée par la société Cellnex France, sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, était motivée par le fait que la commune n'entendait pas assumer le coût des travaux d'extension du réseau électrique que la société Enedis, gestionnaire du réseau, était disposée à réaliser et que ce coût ne pouvait être mis à la charge de la société pétitionnaire. Pour rejeter l'appel des sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France contre le jugement du tribunal administratif ayant refusé d'annuler cette décision d'opposition, la cour administrative d'appel de Douai a relevé que les travaux impliqués par le projet ne revêtaient pas une importance particulière permettant de regarder le projet comme nécessitant la réalisation d'équipements publics exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme et, dès lors, d'exiger de la société pétitionnaire une contribution pour assurer leur financement. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 4 qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de la nature et de la situation de l'opération projetée, elle a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la déclaration préalable déposée par la société Cellnex France porte sur la réalisation d'une installation industrielle relative aux communications électroniques et, d'autre part, que les travaux d'extension du réseau électrique, qui consistent en un renforcement du réseau aérien sur 520 mètres, la réalisation d'une remontée aéro-souterraine et une extension de 235 mètres depuis le réseau existant jusqu'à la limite de propriété, ont pour finalité d'alimenter en électricité le projet, lequel se situe en zone agricole du plan local d'urbanisme intercommunal de la métropole européenne de Lille, dans un secteur éloigné des parties urbanisées de la commune. Il en résulte que cette extension doit être regardée comme un équipement public exceptionnel au sens de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme, dont la réalisation est rendue nécessaire par le projet et dont le coût est, par suite, susceptible d'être mis à la charge des pétitionnaires. Dès lors que celles-ci s'étaient engagées à prendre en charge ce coût, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le maire de Wambrechies ne pouvait légalement s'opposer à la déclaration préalable déposée par la société Cellnex France sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2019 par lequel le maire de Wambrechies s'est opposé à la déclaration préalable pour l'installation d'une infrastructure de télécommunications.

10. Dès lors qu'aucun autre motif de refus n'avait été invoqué par la commune de Wambrechies et qu'il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée ou un changement dans les circonstances de fait feraient désormais obstacle à la réalisation du projet, l'exécution de la présente décision implique nécessairement que soit délivrée aux sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France une décision de non-opposition à leur déclaration préalable. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au maire de Wambrechies d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Wambrechies la somme que les sociétés requérantes demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 19 octobre 2023 est annulé.

Article 2 : Le jugement du 24 février 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il n'a pas prononcé l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 29 octobre 2019.

Article 3 : L'arrêté du 29 octobre 2019 du maire de Wambrechies est annulé.

Article 4 : Il est enjoint au maire de Wambrechies de délivrer une décision de non-opposition à la déclaration préalable des sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 5 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France et à la commune de Wambrechies.

Copie en sera adressée à la ministre du logement et de la rénovation urbaine.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 décembre 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pascal Trouilly, conseillers d'Etat et M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 18 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Pourreau

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 490274
Date de la décision : 18/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-024 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. - CONTRIBUTIONS DES CONSTRUCTEURS AUX DÉPENSES D'ÉQUIPEMENT PUBLIC. - PARTICIPATION SPÉCIFIQUE DES BÉNÉFICIAIRES D’UNE AUTORISATION DE CONSTRUIRE POUR LA RÉALISATION D’UN ÉQUIPEMENT PUBLIC EXCEPTIONNEL (ART. L. 332-8 DU CODE DE L’URBANISME) – RÉALISATION D’INFRASTRUCTURES DE TÉLÉPHONIE MOBILE – 1) FACULTÉ DE METTRE À LA CHARGE DU CONSTRUCTEUR UNE TELLE PARTICIPATION – EXISTENCE – 2) FACULTÉ, LORSQU’UNE TELLE PARTICIPATION PEUT ÊTRE MISE À LA CHARGE DU CONSTRUCTEUR, DE REFUSER L’AUTORISATION EN RAISON DES TRAVAUX PUBLICS RENDUS NÉCESSAIRES (ART. L. 111-11 DU MÊME CODE) – ABSENCE, SAUF MOTIF AUTRE QUE FINANCIER.

68-024 1) Il résulte de l’article L. 332-8 du code de l’urbanisme, éclairé par les travaux préparatoires de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, qui y a ajouté la mention des installations relatives aux communications électroniques, que, pour leur application, l’extension ou le renforcement du réseau de distribution d’électricité pour l’implantation d’une infrastructure de téléphonie mobile est susceptible d’être regardé comme ayant le caractère d’un équipement public exceptionnel eu égard à la nature de l’opération qui répond à l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile et à sa situation d’éloignement des zones desservies en électricité....2) Lorsqu’un pétitionnaire s’est engagé à prendre en charge le coût de travaux d’extension ou de renforcement du réseau de distribution d’électricité rendus nécessaires par l’implantation d’une infrastructure de téléphonie mobile et que ces travaux peuvent être légalement mis à sa charge en application de l’article L. 332-8 du code de l’urbanisme, l’autorisation de construire l’infrastructure ne peut pas être refusée, sur le fondement de l’article L. 111-11 du même code, sauf à ce qu’un motif autre que financier ne le permette.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2024, n° 490274
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:490274.20241218
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