Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les sociétés Bouygues télécom et Cellnex France ont demandé au tribunal administratif de Lille, par deux requêtes distinctes, d'annuler pour excès de pouvoir d'une part l'arrêté du 21 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Wambrechies s'est opposé à la déclaration préalable à l'installation d'une infrastructure de télécommunications sur un terrain cadastré C 1260 et d'autre part l'arrêté du 29 octobre 2019 ayant le même objet.
Par un jugement n° 1905814-2001980 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 21 mai 2019 et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2022 et un mémoire enregistré le 19 août 2022, les sociétés Bouygues télécom et Cellnex, représentées par Me Karim Hamri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas annulé l'arrêté du 29 octobre 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au maire de Wambrechies, à titre principal, de ne pas s'opposer à la déclaration préalable déposée le 29 avril 2019 dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de statuer sur cette déclaration préalable dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Wambrechies la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'arrêté du 29 octobre 2019 fait une inexacte application de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ;
- elles s'engageaient à financer les travaux de raccordement qui constituaient des équipements publics exceptionnels au sens de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme de sorte que l'arrêté est également illégal à ce titre.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 11 juillet 2022 et le 19 septembre 2022, la commune de Wambrechies, représentée par Me Paul-Guillaume Balaÿ, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des sociétés Bouygues télécom et Cellnex de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des postes et des communications électroniques ;
- le code de l'énergie ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public ;
- et les observations de Me Arnaud Fourquet, représentant la commune de Wambrechies.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société Cellnex, agissant par convention de mandat de la société Bouygues Télécom, a déposé, le 29 avril 2019, une déclaration préalable pour l'installation d'une infrastructure de télécommunications, sur la parcelle cadastrée C 1260 située route de Linselles à Wambrechies. Par un arrêté du 21 mai 2019, le maire s'est opposé à cette déclaration. Par une ordonnance du 21 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a suspendu l'exécution de cet arrêté et a enjoint au maire de Wambrechies de procéder au réexamen de la déclaration préalable dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette ordonnance. Par arrêté du 29 octobre 2019, le maire, procédant à ce réexamen, s'est à nouveau opposé à la déclaration préalable. Les sociétés Cellnex et Bouygues Télécom relèvent appel du jugement du 24 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 21 mai 2019 et a rejeté les conclusions d'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2019.
Sur l'étendue du litige :
2. Les conclusions des sociétés appelantes sont exclusivement dirigées contre le rejet, par le tribunal administratif de Lille, de leur demande d'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2019 et la commune ne forme pas d'appel incident sur l'annulation de l'arrêté du 21 mai 2019. La cour n'est donc saisie que d'un appel partiel du jugement du 24 février 2022, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme :
3. Aux termes de ces dispositions : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. / Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies. / (...) ".
4. Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Une modification de la consistance d'un des réseaux publics que ces dispositions mentionnent ne peut être réalisée sans l'accord de l'autorité administrative compétente. Pour fonder un refus ou une opposition fondée sur ces dispositions, l'autorité compétente qui n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de services publics les travaux doivent être exécutés, doit avoir accompli les diligences appropriées pour recueillir les indications nécessaires à son appréciation relative à ces travaux sur les réseaux publics.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le maire de Wambrechies a saisi le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité, Enedis qui a indiqué dans son courrier du 23 mai 2019 que le raccordement du projet supposait une extension du réseau de 235 mètres, justifiait une contribution à la charge de la commune d'un montant de 16 312,80 euros hors taxes et nécessitait des travaux qui seraient réalisés dans un délai de quatre à six mois à compter de l'accord de l'ensemble des financeurs. Le plan annexé à ce courrier précisait également que le projet impliquait le " renforcement du réseau aérien T70 issu du poste " Despaing " remplacé par du T150 sur 520 mètres ". L'avis du gestionnaire permettait donc au maire de se prononcer et démontrait que le projet emportait une modification de la consistance du réseau public d'électricité. Le maire établit ainsi qu'il a accompli les diligences appropriées pour recueillir les indications nécessaires à son appréciation.
6. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que le projet se situe en zone agricole du plan local d'urbanisme intercommunal de la métropole européenne de Lille, dans un espace constitué pour l'essentiel de grandes parcelles de culture et de quelques rideaux arborés, isolés de toute urbanisation. Dans ces conditions et compte tenu de ce qui précède, la commune ne pouvait être contrainte de financer les travaux d'extension du réseau nécessaires au projet. Par suite, le maire n'était pas en mesure d'indiquer dans quel délai la commune financerait l'exécution des travaux impliqués par le projet. Les sociétés appelantes ne sont donc pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, par le jugement contesté, a considéré que l'arrêté du 29 octobre 2019 ne méconnaissait pas les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme :
7. Aux termes du premier alinéa de ces dispositions : " Une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire qui ont pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel, notamment relative aux communications électroniques, agricole, commercial ou artisanal qui, par sa nature, sa situation ou son importance, nécessite la réalisation d'équipements publics exceptionnels. ".
8. Il ressort du plan annexé au courrier précité du 23 mai 2019 que les travaux impliqués par le projet consistent en un renforcement du réseau aérien sur 520 mètres, en la réalisation d'une remontée aéro-souterraine puis en une extension de 235 mètres depuis le réseau existant jusqu'à la limite de propriété. Ces travaux sont à réaliser en terrain plat le long d'une voie routière. Si l'installation d'une antenne-relais répond à la mission de service public en matière d'acheminement des communications électroniques confiée notamment à Bouygues Telecom, les sociétés appelantes n'apportent aucun élément justifiant d'une particulière importance du projet en litige. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas établi que ce projet nécessite par sa nature, sa situation ou son importance la réalisation d'équipements publics qui puissent être qualifiés d'exceptionnels, au sens des dispositions de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme, dont les dispositions sont claires. Dans ces conditions, l'engagement des sociétés appelantes de financer ces travaux dont au surplus, elles n'ont fait état que lors de leur recours gracieux du 4 décembre 2019, postérieur à l'arrêté en litige, n'est pas de nature à permettre la réalisation du projet. Par ailleurs, l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ne permet une participation financière du pétitionnaire que pour des travaux de raccordement aux réseaux et non pour des travaux d'extension. Il ne saurait donc trouver à s'appliquer au présent litige. Enfin, l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme qui énumère de manière strictement limitative les participations que les bénéficiaires d'autorisations de construire peuvent apporter au financement d'équipements publics, prohibe toute autre possibilité de participation par le pétitionnaire. Par suite, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, par le jugement contesté, a considéré que l'arrêté du 29 octobre 2019 ne méconnaissait pas les dispositions de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme.
9. Il résulte de ce qui précède que les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes d'annulation de cet arrêté. Par voie de conséquence leurs conclusions à fins d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. La demande présentée par les sociétés appelantes, parties perdantes, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.
11. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de ces sociétés le versement à la commune de Wambrechies d'une somme globale de 2 000 euros sur le même fondement
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des sociétés Cellnex et Bouygues Télécom est rejetée.
Article 2 : Les sociétés Cellnex et Bouygues Télécom verseront à la commune de Wambrechies la somme globale de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cellnex, à la société Bouygues Télécom et à la commune de Wambrechies.
Délibéré après l'audience publique du 5 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.
Le rapporteur,
Signé : D. Perrin
La président de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N°22DA00869 2