Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 138 499,26 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 27 mars 2012 autorisant la société Presses universitaires de France à procéder à son licenciement pour motif économique. Par un jugement n° 1804227/3-2 du 2 mars 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21PA04796 du 2 juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 5 décembre 2022 et les 6 mars et 15 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Guérin-Gougeon, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 13 février 2012, la société Presses universitaires de France a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique M. B..., qui occupait en dernier lieu le poste de " webmaster ", détenait alors un mandat de représentant de section syndicale et s'était porté candidat aux élections de la délégation unique du personnel. Par une décision du 27 mars 2012, l'inspecteur du travail a autorisé la société Presses universitaires de France à le licencier pour motif économique. Par un arrêt du 21 mars 2016 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de la société Presses universitaires de France tendant à l'annulation du jugement du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement pour motif économique de l'intéressé. M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 138 499,26 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 27 mars 2012. Par un jugement du 2 mars 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 juin 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.
2. En application des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative. L'illégalité de la décision autorisant un tel licenciement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique à l'égard du salarié, pour autant qu'il en soit résulté pour celui-ci un préjudice direct et certain. Le salarié est alors en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer un tel préjudice.
3. Aux termes de l'article L. 2422-4 du code du travail : " Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. / L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. / Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire. "
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... et la société Humensis, venant aux droits de la société Presses universitaires de France, ont conclu, le 20 décembre 2019, un protocole transactionnel dans le cadre d'une médiation judiciaire ordonnée par la cour d'appel de Paris ayant pour objet, aux termes du I du protocole, de " régler définitivement, en toute connaissance de cause et sans aucune réserve, tout litige entre [eux] résultant tant de la conclusion que de l'exécution ou encore de la rupture des contrats de travail de M. B... et de ses suites ". La cour administrative d'appel a relevé qu'aux termes de l'article 3 du protocole, la somme de 150 000 euros que la société Humensis a accepté de verser à M. B..., " à titre d'indemnité globale, définitive et forfaitaire pour les trois licenciements de 2006, 2012 et 2015 ", compense " l'intégralité des préjudices professionnels, matériels et moraux subis par M. B... en suite de l'exécution et la rupture de son contrat de travail du fait de Humensis ". Alors même qu'une autre mention de l'article 3 du protocole indique que l'indemnité est allouée " en réparation du préjudice moral que [l'intéressé] a invoqué ", elle a pu en déduire, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que l'indemnité perçue par M. B... en vertu du protocole transactionnel couvrait, en réalité, l'intégralité des préjudices matériels, financiers et moraux qu'il avait subis au cours de la période comprise entre son licenciement au mois de juin 2012 et sa réintégration au sein de la société en décembre 2014.
5. En deuxième lieu, par suite, la cour, qui a par ailleurs relevé que M. B... n'avait justifié en première instance comme en appel d'aucun élément de nature à établir qu'il aurait subi un préjudice d'un montant supérieur à celui indemnisé par le protocole transactionnel, n'a pas commis d'erreur de droit, ni méconnu son office en ne mettant pas en œuvre ses pouvoirs d'instruction afin d'évaluer les préjudices qu'aurait subis le salarié protégé.
6. En troisième lieu, la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en retenant que le préjudice financier allégué par M. B... qui résulterait de sa situation de surendettement n'était pas distinct de ses préjudices professionnels et moraux, la circonstance qu'elle a, par un motif surabondant, relevé que la situation de surendettement préexistait au demeurant à la décision du 27 mars 2012 étant sans incidence sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué.
7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Paris que M. B... n'a pas soutenu devant elle qu'il aurait subi un préjudice moral du seul fait de l'autorisation illégale accordée le 27 mars 2012 par l'inspecteur du travail pour le licencier, pour la période comprise entre cette date et celle du 6 juin 2012, à laquelle il a été licencié. Il ne peut donc utilement critiquer une prétendue erreur de droit de la cour à n'avoir pas condamné l'Etat à réparer ce chef de préjudice.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qu'il attaque.
9. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre du travail et de l'emploi.
Copie en sera adressée à la société Humensis.