Vu la procédure suivante :
Mme E... H... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 15 octobre 2020 par laquelle la directrice de l'institut d'enseignement à distance de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis a refusé son admission en deuxième année du master mention " Psychologie ", parcours " Psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles " au titre de l'année universitaire 2020-2021, d'autre part, la décision du 6 janvier 2021 par laquelle la commission d'admission de ce parcours a également rejeté son admission en deuxième année de ce master. Par un jugement n° 2012890 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé ces deux décisions et enjoint à l'université Parie 8 Vincennes-Saint-Denis de réexaminer la candidature de Mme H... dans un délai d'un mois.
Par un arrêt n° 21PA03842 du 14 avril 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin et 14 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de Mme H... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Thalia Breton, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme E... H..., étudiante en première année de master mention " Psychologie " parcours " Psychologie développementale " à l'université de Nice Sophia-Antipolis au titre de l'année 2017-2018, a demandé son inscription en deuxième année de master mention " Psychologie " parcours " Psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles " à l'Institut d'enseignement à distance (IED) de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis au titre de l'année 2020-2021. Par une décision du 15 octobre 2020, la directrice de l'IED a rejeté sa demande. Par une ordonnance du 22 décembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a suspendu cette décision et enjoint au président de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis de réexaminer la demande d'inscription de Mme G... en deuxième année de master. Par une décision du 6 janvier 2021, la commission d'admission du parcours " Psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles " a émis un avis négatif à la candidature de Mme H..., au motif que les capacités d'accueil de la deuxième année du master étaient atteintes. Par un jugement du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Montreuil a, sur demande de Mme G..., annulé les décisions du 15 octobre 2020 et du 6 janvier 2021. L'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 avril 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'éducation : " Le déroulement des études supérieures est organisé en cycles. (...) / (...) Les grades de licence, de master et de doctorat sont conférés respectivement dans le cadre du premier, du deuxième et du troisième cycle. / (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 612-6 du même code : " Les établissements peuvent fixer des capacités d'accueil pour l'accès à la première année du deuxième cycle. L'admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat ". Aux termes de l'article L. 612-6-1 du même code : " L'accès en deuxième année d'une formation du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master est de droit pour les étudiants qui ont validé la première année de cette formation. / Un décret pris après avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche peut fixer la liste des formations du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master pour lesquelles l'accès à la première année est ouvert à tout titulaire d'un diplôme du premier cycle et pour lesquelles l'admission à poursuivre cette formation en deuxième année peut dépendre des capacités d'accueil des établissements et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat ". Aux termes de l'article D. 612-36-4 du même code : " L'inscription d'un étudiant qui souhaite poursuivre sa formation dans une autre mention de master proposée par l'établissement dans lequel il a débuté sa formation en deuxième cycle est subordonnée à la vérification par le responsable de la formation dans laquelle l'inscription est demandée que les unités d'enseignement déjà acquises sont de nature à lui permettre de poursuivre sa formation en vue de l'obtention du master. / L'inscription d'un étudiant désirant poursuivre sa formation de master à l'issue d'une année universitaire dans un établissement d'enseignement supérieur autre que celui dans lequel il était inscrit est subordonnée à la vérification, par le responsable de la formation de l'établissement d'accueil, que les unités d'enseignement déjà acquises dans son établissement d'origine sont de nature à lui permettre de poursuivre sa formation en vue de l'obtention du diplôme de master ".
3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, hormis le cas des formations mentionnées au second alinéa de l'article L. 612-6-1 du code de l'éducation, un établissement d'enseignement supérieur peut fixer des capacités d'accueil pour l'entrée en première année d'un master qui, compte tenu de l'organisation des études supérieures en cycles, sont également opposables pour la deuxième année de la formation. Dans ce cas, tout étudiant ayant validé la première année du master peut, de droit, poursuivre en deuxième année de cette formation, dans ce même établissement. En revanche, les dispositions de l'article L. 612-6-1 du code de l'éducation, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi du 23 décembre 2016 portant adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat n'ont ni pour objet ni pour effet de consacrer un droit à la poursuite en deuxième année de master dans un établissement d'enseignement supérieur autre que celui dans lequel un étudiant a validé sa première année de master. Par suite, un établissement d'enseignement supérieur, saisi, par un étudiant ayant validé sa première année de master dans un autre établissement, d'une demande d'inscription en deuxième année de master, peut légalement lui opposer, pour refuser sa demande, l'atteinte des capacités d'accueil du master.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis ne pouvait légalement refuser la demande d'inscription formée par Mme H... en se fondant sur l'atteinte des capacités d'accueil du master mention " Psychologie " parcours " Psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles " de l'IED, elle a, d'une part, relevé que ce master ne figurait pas parmi la liste des formations du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master pour lesquelles l'accès à la première année est ouvert à tout titulaire d'un diplôme du premier cycle et pour lesquelles l'admission à poursuivre cette formation en deuxième année peut dépendre des capacités d'accueil des établissements, mentionnées au second alinéa de l'article L. 612-6-1 du code de l'éducation, d'autre part, jugé que les dispositions de l'article D. 612-36-4 du même code ne permettent de refuser une demande d'inscription en deuxième année de master formée par un étudiant ayant validé sa première année de master dans un autre établissement d'enseignement supérieur qu'au motif que les unités d'enseignement déjà acquises dans son établissement d'origine ne sont pas de nature à lui permettre de poursuivre sa formation en vue de l'obtention du diplôme de master. En statuant ainsi, alors que, ainsi qu'il a été dit au point 3, les dispositions du code de l'éducation ne font pas obstacle à ce qu'un établissement d'enseignement supérieur oppose l'atteinte des capacités d'accueil du master à une telle demande, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 14 avril 2023 de la cour administrative d'appel de Paris qu'elle attaque. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme H... la somme que demande l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 14 avril 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis et à Mme E... H....
Copie en sera adressée au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré à l'issue de la séance du 25 septembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Edouard Geffray Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Thalia Breton, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 15 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Thalia Breton
Le secrétaire :
Signé : M. Christophe Bouba