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14/10/2024 | FRANCE | N°474440

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 14 octobre 2024, 474440


Vu les procédures suivantes :



La commune de Venelles a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 octobre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a délivré une autorisation de défrichement à M. A... B..., ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 2002403 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.



Par un arrêt n° 21MA04948 du 21 avril 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a,

sur appel de la commune de Venelles, annulé le jugement du 28 octobre 2021 et l'arrêté...

Vu les procédures suivantes :

La commune de Venelles a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 octobre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a délivré une autorisation de défrichement à M. A... B..., ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 2002403 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 21MA04948 du 21 avril 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la commune de Venelles, annulé le jugement du 28 octobre 2021 et l'arrêté préfectoral du 16 octobre 2019 ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux de la commune de Venelles.

1° Sous le n° 474440, par un pourvoi enregistré le 23 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

2° Sous le n° 475344, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juin et 23 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par la commune de Venelles ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Venelles la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code forestier ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury, Maître, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : / 1o Au maintien des terres sur les montagnes ou sur les pentes ; / 2o A la défense du sol contre les érosions et envahissements des fleuves, rivières ou torrents ; / 3o A l'existence des sources, cours d'eau et zones humides, et plus généralement à la qualité des eaux; / 4o A la protection des dunes et des côtes contre les érosions de la mer et les envahissements de sable; / 5o A la défense nationale ; / 6o A la salubrité publique ; / 7o A la valorisation des investissements publics consentis pour l'amélioration en quantité ou en qualité de la ressource forestière, lorsque les bois ont bénéficié d'aides publiques à la constitution ou à l'amélioration des peuplements forestiers ; / 8o A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population ; / 9o A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches ". D'autre part, aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3 (...). L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ". Enfin, en vertu des articles L. 341-7 du code forestier et L. 425-6 du code de l'urbanisme, lorsque la réalisation d'une opération ou de travaux soumis à une autorisation d'urbanisme nécessite également l'obtention d'une autorisation de défrichement, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance de l'autorisation administrative d'urbanisme.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a formulé une demande de permis d'aménager le 17 octobre 2018 en vue de la création d'un lotissement de treize lots à bâtir, qui a fait l'objet le 7 janvier 2019 d'une décision de sursis à statuer du maire de Venelles prise en application de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, au motif que ce projet, dont une partie du terrain d'assiette devait être classée en espace boisé à protéger par le plan local d'urbanisme en cours d'élaboration, était de nature à compromettre l'exécution de ce dernier. M. B... a ensuite obtenu le 16 octobre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône une autorisation de défrichement en vue de la réalisation du même projet. Par un jugement du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la commune de Venelles tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône. Par un arrêt du 21 avril 2023, dont M. B... et le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demandent l'annulation par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, la cour administrative de Marseille a, sur l'appel formé par la commune de Venelles, après avoir annulé le jugement du 28 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille, annulé l'arrêté du 16 octobre 2019 ainsi que la décision rejetant le recours gracieux de la commune de Venelles.

3. Pour juger que le préfet des Bouches-du-Rhône n'avait pu légalement accorder à M. B..., le 16 octobre 2019, l'autorisation de défrichement litigieuse, la cour administrative d'appel s'est fondée sur la circonstance que, par sa décision du 9 janvier 2019, le maire de Venelles avait, sur le fondement de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, opposé une décision de sursis à statuer à la demande de permis d'aménager présentée par M. B... pour un projet de lotissement sur les mêmes parcelles, au motif qu'il était de nature à compromettre l'exécution du plan local d'urbanisme en cours d'élaboration, prévoyant le classement d'une partie de la parcelle d'assiette du projet en espace boisé à protéger. En se fondant sur cette circonstance pour annuler l'autorisation de défrichement litigieuse, alors que ni la décision prise par le maire de surseoir à statuer sur la demande de permis d'aménager, ni les dispositions de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, dont l'application est limitée aux demandes d'autorisations relevant du livre IV du code de l'urbanisme, auxquelles renvoie expressément cet article, ne permettaient au préfet de refuser l'autorisation de défrichement litigieuse, dont les motifs de refus sont prévus par le seul article L. 341-5 du code forestier, la cour a commis une erreur de droit.

4. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leurs pourvois, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et M. B... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Venelles une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 21 avril 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La commune de Venelles versera une somme de 3 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, à M. A... B... et à la commune de Venelles.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 septembre 2024 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 14 octobre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Pierre Boussaroque

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 474440
Date de la décision : 14/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2024, n° 474440
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP GURY & MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474440.20241014
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