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18/06/2024 | FRANCE | N°474361

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 18 juin 2024, 474361


Vu la procédure suivante :



La société Costes a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 31 janvier 2020 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a mis à sa charge la somme de 342 072 euros en application des dispositions de l'article L. 221-4 du code de l'énergie ainsi que le titre de perception du 10 février 2020 émis en vue du recouvrement de cette somme. Par un jugement nos 2002617, 2100729 du 5 mai 2022, ce tribunal a rejeté ses demandes.



Par un arrêt n° 22PA03021 du 2

3 mars 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la S...

Vu la procédure suivante :

La société Costes a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 31 janvier 2020 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a mis à sa charge la somme de 342 072 euros en application des dispositions de l'article L. 221-4 du code de l'énergie ainsi que le titre de perception du 10 février 2020 émis en vue du recouvrement de cette somme. Par un jugement nos 2002617, 2100729 du 5 mai 2022, ce tribunal a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 22PA03021 du 23 mars 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la Société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne, venant aux droits de la société Costes, contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les

22 mai et 10 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la Société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier du 12 septembre 2019, la ministre de la transition écologique et solidaire, retenant que le compte au registre national des certificats d'économies d'énergie de la société Costes ne présentait pas au 30 août 2019, malgré une mise en demeure d'en acquérir, un volume suffisant de certificats d'économies d'énergie pour satisfaire à ses obligations, notifiées, par arrêté du 18 mai 2018, au titre de la troisième période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, à hauteur d'un volume de 18 783 103 kWh cumac " hors précarité énergétique " et de 4 021 735 kWh cumac " précarité énergétique ", a indiqué à cette société qu'elle envisageait de mettre à sa charge une somme d'un montant de 342 072 euros calculée sur la base de 0,015 euro par kWh manquant en application des dispositions de l'article R. 222-2 du code de l'énergie. La société Costes a présenté des observations le 30 septembre 2019. Par un courrier du 31 janvier 2020, la ministre a mis à sa charge le montant envisagé. Un titre de perception a été émis le 10 février 2020. La Société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne, venant aux droits de la société Costes, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 5 mai 2022 ayant rejeté la demande de la société Costes tendant à l'annulation de la décision du 31 janvier 2020 et du titre de perception du 10 février 2020.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'énergie, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont soumises à des obligations d'économies d'énergie :1° Les personnes morales qui mettent à la consommation des carburants automobiles et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat./ 2° Les personnes qui vendent de l'électricité, du gaz, du fioul domestique, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat./ (...) / Les personnes mentionnées aux 1° et 2° peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d'énergie, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie ". Aux termes de l'article L. 221-1-1 du même code : " Les personnes mentionnées à l'article L. 221-1 sont également soumises à des obligations d'économies d'énergie spécifiques à réaliser au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. / Elles peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d'énergie au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie provenant d'opérations réalisées au bénéfice de ces ménages, soit en les déléguant pour tout ou partie à un tiers, soit en contribuant à des programmes de réduction de la consommation énergétique des ménages les plus défavorisés mentionnés à l'article L. 221-7 (...) ". Aux termes de l'article L. 221-2 de ce code : " A l'issue de la période considérée, les personnes mentionnées à l'article L. 221-1 justifient de l'accomplissement de leurs obligations en produisant des certificats d'économies d'énergie obtenus ou acquis dans les conditions prévues aux articles L. 221-7 et L. 221-8 (...) ". Aux termes de l'article L. 221-3 de ce code : " Les personnes qui n'ont pas produit les certificats d'économies d'énergie nécessaires sont mises en demeure d'en acquérir ". Aux termes de l'article L. 221-4 du même code : " Les personnes qui ne respectent pas les prescriptions de la mise en demeure dans le délai imparti sont tenues de se libérer par un versement au Trésor public. Ce versement est calculé sur la base d'une pénalité maximale de 0,02 euro par kilowattheure ". Aux termes de l'article R. 222-2 du code de l'énergie dans sa rédaction applicable au litige : " La pénalité prévue à l'article L. 221-4 est fixée à 0,015 € par kilowattheure d'énergie finale cumulée actualisée (kWh cumac) pour les obligations définies aux articles R. 221-4 et R. 221-4-1 ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 222-1 du code de l'énergie : " Dans les conditions définies aux articles suivants, le ministre chargé de l'énergie peut sanctionner les manquements aux dispositions du chapitre Ier du présent titre ou aux dispositions réglementaires prises pour leur application ". Aux termes de l'article L. 222-2 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le ministre met l'intéressé en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai déterminé. Il peut rendre publique cette mise en demeure. / Lorsque l'intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure, le ministre chargé de l'énergie peut : / 1° Prononcer à son encontre une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et à la situation de l'intéressé, sans pouvoir excéder le double de la pénalité prévue au premier alinéa de l'article L. 221-4 par kilowattheure d'énergie finale concernée par le manquement et sans pouvoir excéder 2 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, porté à 4 % en cas de nouveau manquement à la même obligation (...) ". Aux termes de l'article L. 222-3 de ce code : " Les sanctions sont prononcées après que l'intéressé a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et de présenter ses observations, assisté, le cas échéant, par une personne de son choix ". Aux termes de l'article L. 222-5 du même code : " L'instruction et la procédure devant le ministre sont contradictoires ". Aux termes de l'article L. 222-6 : " Les décisions sont motivées, notifiées à l'intéressé et publiées au Journal officiel ".

4. Il résulte des dispositions du chapitre Ier, intitulé : " Le dispositif des certificats d'économies d'énergie ", du titre II du livre II du code de l'énergie, citées au point 2, que les personnes qui ne justifient pas de l'accomplissement de leurs obligations en matière d'économies d'énergie en produisant des certificats d'économies d'énergie sont tenues, après une mise en demeure préalable d'en acquérir, de se libérer de ces obligations par un versement au trésor public, prévu à l'article L. 221-4 de ce code et dont le montant est déterminé par les dispositions de l'article R. 222-2 du même code. Ce versement libératoire, dépourvu de finalité répressive, ne revêt pas la nature d'une sanction ayant le caractère de punition, à la différence des mesures prévues par les dispositions du chapitre II, intitulé " Les sanctions administratives et pénales ", du même titre, prononcées à l'issue de la procédure régie par les dispositions des articles L. 222-3 et L. 222-5, notamment la sanction pécuniaire instituée au 1° de l'article

L. 222-2, dont le montant, proportionné à la gravité du manquement et à la situation de l'intéressé, peut aller jusqu'au double du montant prévu à l'article L. 221-4 par kilowattheure d'énergie.

5. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en jugeant que les décisions attaquées, prises sur le fondement des dispositions de l'article L. 221-4 du code de l'énergie, n'entraient pas dans le champ d'application de l'article L. 222-5 de ce code, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit.

6. En deuxième lieu, en retenant que la décision du 31 janvier 2020 n'était pas insuffisamment motivée du seul fait qu'elle ne reproduisait pas le texte des dispositions dont elle faisait application et qu'au lieu des mots de " versement libératoire ", elle employait celui de " pénalité ", lequel figure au demeurant tant à l'article L. 221-4 qu'à l'article R. 222-2 du code de l'énergie sur le fondement desquels ont été prises les décisions attaquées, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En troisième et dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, le versement libératoire en litige ne revêt pas le caractère d'une sanction administrative. Il y a lieu de substituer ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait et qui justifie sur ce point le dispositif de l'arrêt attaqué, à celui retenu par la cour pour écarter le moyen, soulevé devant elle, tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait le principe de proportionnalité des sanctions. Il en résulte que le moyen du pourvoi dirigé contre le motif retenu par la cour est inopérant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la Société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne, venant aux droits de la société Costes, n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la Société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mai 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, conseillers d'Etat, M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire, et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 18 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 474361
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ENERGIE - MARCHÉ DE L’ÉNERGIE - VERSEMENT LIBÉRATOIRE MIS À LA CHARGE D’UNE PERSONNE N’AYANT PAS SATISFAIT À SES OBLIGATIONS DE RÉALISATION D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE (ART - L - 221-4 DU CODE DE L’ÉNERGIE) – NATURE – SANCTION – ABSENCE.

29-06 Il résulte du chapitre Ier du titre II du livre II du code de l’énergie que les personnes qui ne justifient pas de l’accomplissement de leurs obligations en matière d’économies d’énergie en produisant des certificats d’économies d’énergie sont tenues, après une mise en demeure préalable d’en acquérir, de se libérer de ces obligations par un versement au trésor public, prévu à l’article L. 221-4 de ce code et dont le montant est déterminé par l’article R. 222-2 du même code. Ce versement libératoire, dépourvu de finalité répressive, ne revêt pas la nature d’une sanction ayant le caractère de punition, à la différence des mesures prévues par le chapitre II, intitulé « Les sanctions administratives et pénales », du même titre, prononcées à l’issue de la procédure régie par les articles L. 222-3 et L. 222-5, notamment la sanction pécuniaire instituée au 1° de l’article L. 222-2, dont le montant, proportionné à la gravité du manquement et à la situation de l’intéressé, peut aller jusqu’au double du montant prévu à l’article L. 221-4 par kilowattheure d’énergie.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - DIVERS RÉGIMES PROTECTEURS DE L`ENVIRONNEMENT - VERSEMENT LIBÉRATOIRE MIS À LA CHARGE D’UNE PERSONNE N’AYANT PAS SATISFAIT À SES OBLIGATIONS DE RÉALISATION D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE (ART - L - 221-4 DU CODE DE L’ÉNERGIE) – NATURE – SANCTION – ABSENCE.

44-05 Il résulte du chapitre Ier du titre II du livre II du code de l’énergie que les personnes qui ne justifient pas de l’accomplissement de leurs obligations en matière d’économies d’énergie en produisant des certificats d’économies d’énergie sont tenues, après une mise en demeure préalable d’en acquérir, de se libérer de ces obligations par un versement au trésor public, prévu à l’article L. 221-4 de ce code et dont le montant est déterminé par l’article R. 222-2 du même code. Ce versement libératoire, dépourvu de finalité répressive, ne revêt pas la nature d’une sanction ayant le caractère de punition, à la différence des mesures prévues par le chapitre II, intitulé « Les sanctions administratives et pénales », du même titre, prononcées à l’issue de la procédure régie par les articles L. 222-3 et L. 222-5, notamment la sanction pécuniaire instituée au 1° de l’article L. 222-2, dont le montant, proportionné à la gravité du manquement et à la situation de l’intéressé, peut aller jusqu’au double du montant prévu à l’article L. 221-4 par kilowattheure d’énergie.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2024, n° 474361
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474361.20240618
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