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12/06/2024 | FRANCE | N°468918

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 12 juin 2024, 468918


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 18 octobre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de la première unité de contrôle de la Charente-Maritime a autorisé son licenciement par la société Fountaine Pajot ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'il a formé contre cette décision. Par un jugement n° 1900571 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.



Par un arrêt n° 20BX02657 du 15 septembre 202

2, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Fountaine Pajo...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 18 octobre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de la première unité de contrôle de la Charente-Maritime a autorisé son licenciement par la société Fountaine Pajot ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'il a formé contre cette décision. Par un jugement n° 1900571 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 20BX02657 du 15 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Fountaine Pajot, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. A....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 novembre 2022 et les 15 février et 9 novembre 2023, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Fountaine Pajot ;

3°) de mettre à la charge de la société Fountaine Pajot la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Camille Belloc, auditrice,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. A... et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Fountaine Pajot ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., recruté le 2 novembre 2005 en qualité de cariste par la société Fountaine Pajot, a été reconnu comme travailleur handicapé par la maison départementale des personnes handicapées de la Charente-Maritime le 5 mai 2017 et que le médecin du travail, par un avis du 22 mars 2018, a indiqué que l'état de santé de l'intéressé ne lui permettait pas de reprendre son poste et précisé, par un additif à cet avis, que l'état de santé de M. A... faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi de l'entreprise. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 septembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Fountaine Pajot, annulé le jugement du 28 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 18 octobre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de la première unité de contrôle de la Charente-Maritime a autorisé son licenciement pour inaptitude.

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement.

3. Pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Par suite, il appartient à l'employeur de porter à sa connaissance l'ensemble des mandats détenus par l'intéressé et, le cas échéant, à l'autorité administrative saisie de recueillir les éléments de fait de nature à établir ou non, compte tenu de chacun des mandats du salarié concerné, le caractère discriminatoire de la mesure envisagée.

4. Aux termes de l'article L. 2411-3 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an. (...) ".

5. Il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour annuler le jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'autorisation de licenciement de M. A... au motif que l'inspectrice du travail n'avait pas été mise en mesure de contrôler l'absence de discrimination dans les modalités de mise en œuvre de la procédure de licenciement engagée par l'employeur ou l'existence d'un lien éventuel entre l'inaptitude constatée et des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives dès lors qu'elle n'avait pas eu connaissance des fonctions de délégué syndical Force Ouvrière que M. A... a exercées jusqu'au 16 octobre 2017, conférant à ce dernier une protection jusqu'au 16 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est fondée sur la circonstance qu'à la date à laquelle l'inspectrice du travail s'est prononcée sur la demande de l'employeur, M. A... ne bénéficiait plus de la protection prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 2411-3 du code du travail. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en se bornant à rechercher si le salarié bénéficiait de cette protection à la date de la décision de l'administration et non également, comme il lui incombait, à la date de l'envoi par l'employeur de la convocation du salarié à l'entretien préalable au licenciement, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Fountaine Pajot une somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 15 septembre 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Fountaine Pajot au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La société Fountaine Pajot versera une somme de 3 000 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la société Fountaine Pajot.

Copie en sera adressée à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 avril 2024 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Alban de Nervaux, conseiller d'Etat et Mme Camille Belloc, auditrice-rapporteure.

Rendu le 12 juin 2024.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Camille Belloc

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 468918
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2024, n° 468918
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Camille Belloc
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SARL DELVOLVE ET TRICHET ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:468918.20240612
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