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02/04/2024 | FRANCE | N°470949

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 02 avril 2024, 470949


Vu la procédure suivante :



La société Iren a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 avril 2019 par laquelle le maire de Courchevel a déclaré caduc le permis de construire qui lui avait été délivré le 26 juin 2012. Par un jugement n° 1904017 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a donné acte du désistement d'office de la société Iren.



Par un arrêt n° 21LY02858 du 29 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé p

ar la société Iren contre ce jugement.



Par un pourvoi sommaire, un mémoire ...

Vu la procédure suivante :

La société Iren a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 avril 2019 par laquelle le maire de Courchevel a déclaré caduc le permis de construire qui lui avait été délivré le 26 juin 2012. Par un jugement n° 1904017 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a donné acte du désistement d'office de la société Iren.

Par un arrêt n° 21LY02858 du 29 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Iren contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 janvier et 28 avril 2023 et le 22 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Iren demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Courchevel la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de la Societe Iren et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la commune de Courchevel ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mars 2024, présentée par la société Iren ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Iren a demandé le 19 juin 2019 au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 avril 2019 par laquelle le maire de Courchevel a déclaré caduc le permis de construire qui lui avait été délivré le 26 juin 2012. Par un courrier du 11 janvier 2021, le tribunal administratif lui a demandé, sur le fondement des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, de confirmer expressément le maintien de sa demande dans un délai d'un mois. Estimant que la société Iren n'avait pas répondu à cette demande dans le délai imparti, le tribunal lui a donné acte de son désistement d'office par un jugement du 15 juin 2021. La société Iren se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 novembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (...) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ".

3. A l'occasion de la contestation en appel d'une décision prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1. Il n'appartient au juge de cassation de remettre en cause cette dernière appréciation que dans le cas où il estime, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, qu'il a été fait un usage abusif de la faculté ouverte par ces dispositions.

4. Pour juger que le tribunal administratif n'avait, en l'espèce, pas fait application à tort des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, la cour administrative d'appel a retenu, d'une part, que l'état du dossier soumis aux premiers juges leur permettait de s'interroger sur l'intérêt que la demande d'annulation de la décision du 19 avril 2019 constatant la caducité du permis de construire délivré le 26 juin 2012 conservait pour la société Iren et, d'autre part, que cette société s'était abstenue de répondre, avant l'expiration du délai d'un mois qui lui avait été imparti, à l'invitation du greffe de confirmer expressément le maintien de ses conclusions.

5. En premier lieu, pour juger que l'état du dossier soumis aux premiers juges leur permettait de s'interroger sur l'intérêt que la requête conservait pour son auteur, la cour a retenu que le mémoire en défense de la commune de Courchevel devant le tribunal administratif, enregistré le 2 janvier 2021, faisait état de la délivrance, le 11 mai 2020, à la société Iren d'un permis de construire portant sur un projet similaire à celui autorisé par le permis de construire du 26 juin 2012 dont elle contestait la caducité devant le tribunal. Si la société Iren fait valoir qu'il ressortait d'un courrier du 3 décembre 2019 adressé au maire de Courchevel que sa demande de délivrance d'un nouveau permis de construire présentait un caractère purement conservatoire et qu'elle n'entendait pas, compte tenu du caractère plus restrictif du plan local d'urbanisme applicable à la date de cette nouvelle demande, renoncer à son action contre la décision de caducité du permis initial, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'elle n'a fait valoir ces éléments qu'après l'expiration du délai imparti pour confirmer sa demande. En retenant, dans les circonstances de l'espèce, que l'état du dossier permettait de s'interroger sur l'intérêt que conservait pour son auteur la demande d'annulation, la cour n'a dénaturé ni les écritures des parties, ni les pièces du dossier et n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En second lieu, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant qu'il n'était pas établi que le conseil de la société Iren aurait tenté d'envoyer un mémoire de confirmation de la requête le 18 janvier 2021, avant l'expiration du délai imparti, et qu'il en aurait été empêché en raison d'un dysfonctionnement de l'application Télérecours. En jugeant que ne faisait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative la circonstance que la société Iren avait produit un mémoire de confirmation de sa requête avant l'intervention du jugement du tribunal administratif donnant acte de son désistement mais après l'expiration du délai d'un mois imparti pour confirmer sa requête, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Iren n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Courchevel, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Iren une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Courchevel au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Iren est rejeté.

Article 2 : La société Iren versera à la commune de Courchevel une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Iren et à la commune de Courchevel.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 mars 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. David Moreau, maître des requêtes-rapporteur et conseiller d'Etat.

Rendu le 2 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. David Moreau

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 470949
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2024, n° 470949
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP GURY & MAITRE ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470949.20240402
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