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20/03/2024 | FRANCE | N°470319

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 20 mars 2024, 470319


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des armées sur sa demande du 19 mars 2018 tendant à la revalorisation du montant de l'indemnité différentielle qui lui a été versée entre le 1er septembre 1990 et le 30 septembre 2013, d'autre part, d'enjoindre au ministre de lui verser les sommes actualisées, correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue sur cette période et celle à laqu

elle il a droit, sous astreinte. Par un jugement n° 1801259 du 26 décembre 2019...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des armées sur sa demande du 19 mars 2018 tendant à la revalorisation du montant de l'indemnité différentielle qui lui a été versée entre le 1er septembre 1990 et le 30 septembre 2013, d'autre part, d'enjoindre au ministre de lui verser les sommes actualisées, correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue sur cette période et celle à laquelle il a droit, sous astreinte. Par un jugement n° 1801259 du 26 décembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20BX00671 du 8 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur un appel formé par M. A..., annulé ce jugement ainsi que la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement rejeté la demande de M. A... du 19 mars 2018 tendant à la revalorisation du montant de son indemnité différentielle en tant qu'elle concerne la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2013, condamné l'Etat à verser à M. A... une somme correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue durant cette période et celle qu'il aurait dû percevoir au cours de celle-ci, et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier et 11 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de son appel ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 62-1389 du 23 novembre 1962 ;

- le décret n° 89-753 du 18 octobre 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., ancien ouvrier de l'Etat, a été intégré, à compter du 1er septembre 1990, dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications (TSEF). Depuis son intégration dans ce corps, M. A... perçoit une indemnité différentielle. Estimant que les montants versés au titre de cette indemnité sur la période du 1er septembre 1990 au 30 septembre 2013 inclus étaient inférieurs à ceux auxquels il avait droit, M. A... a, par courrier du 19 mars 2018, sollicité la révision de ces montants et le versement de la somme correspondante. N'ayant pas obtenu de réponse, M. A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite de rejet du ministre des armées et d'enjoindre à celui-ci de lui verser la somme correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue sur cette période et celle à laquelle il avait droit. Par un jugement du 26 décembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt du 8 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 26 décembre 2019 ainsi que la décision implicite de rejet du ministre des armées en tant qu'elle concernait la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2013, condamné l'Etat à verser à M. A... une somme correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue durant cette période et celle qu'il aurait dû percevoir au cours de celle-ci, et rejeté le surplus de l'appel de M. A.... L'intéressé se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la prescription quadriennale des créances relatives à la période du 1er septembre 1990 au 31 décembre 2008 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat: " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ".

3. Pour juger que M. A... ne pouvait être regardé comme ayant ignoré l'existence de sa créance au titre de la période du 1er septembre 1990 au 31 décembre 2008, la cour a relevé, par un arrêt suffisamment motivé sur ce point, que les modalités de calcul de l'indemnité différentielle avaient été fixées directement par le décret du 23 novembre 1962 relatif à l'octroi d'une indemnité différentielle à certains techniciens d'études et de fabrications du ministère des armées et que ce décret avait été régulièrement publié. En statuant ainsi, la cour, qui a implicitement mais nécessairement écarté l'argument de M. A... selon lequel celui-ci avait ignoré légitimement sa créance, faute pour ses bulletins de paie de mentionner les bases sur lesquelles l'indemnité différentielle était calculée, n'a pas dénaturé les pièces du dossier, ni commis d'erreur de droit.

4. En second lieu, aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi. / Toutefois, par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l'Etat peuvent être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier. (...) ". La décision refusant un relèvement de la prescription quadriennale peut être déférée au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir.

5. En relevant, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que M. A... n'avait pas adressé de demande de relèvement de tout ou partie de la prescription qui lui avait été opposée et en en déduisant qu'il n'était pas fondé à soutenir que le ministre des armées aurait dû tenir compte de sa situation pour le relever de la prescription, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur les créances relatives à la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2013 :

6. Aux termes de l'article 1er du décret du 23 novembre 1962 relatif à l'octroi d'une indemnité différentielle à certains techniciens d'études et de fabrications du ministère des armées : " Les techniciens d'études et de fabrications relevant du ministère des armées provenant du personnel ouvrier ou du personnel contractuel régi par le décret du 3 octobre 1949 perçoivent, le cas échéant, une indemnité différentielle ; cette indemnité est égale à la différence entre, d'une part, le salaire maximum de la profession ouvrière à laquelle appartenaient les anciens ouvriers ou le salaire réellement perçu par les anciens contractuels à la date de leur nomination et, d'autre part, la rémunération qui leur est allouée en qualité de fonctionnaire (...) ". Le décret du 18 octobre 1989 portant attribution d'une indemnité compensatrice à certains techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense a maintenu en son article 6, pour ceux de ces techniciens qui en bénéficiaient lors de leur nomination dans ce corps, le bénéfice de cette indemnité différentielle.

7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que M. A... ne pouvait prétendre à une indemnité différentielle calculée sur le salaire correspondant au " hors groupe ", la cour a considéré qu'une telle possibilité ne lui était pas applicable à la date à laquelle il a intégré le corps des TSEF. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'instruction 52035/DEF/DPC/CRG/2 du 5 mai 1975 relative à la classification des professions ouvrières des armées, qui était applicable au 1er septembre 1990, date à laquelle M. A... a été intégré dans le corps des TSEF, que les agents exerçant les fonctions de radio-électricien avaient accès à l'échelon " hors groupe ", qui constituait ainsi le salaire maximum pour ces fonctions, la cour a commis une erreur de droit.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt attaqué en tant qu'il fixe les modalités de calcul de la somme que l'Etat est condamné à lui payer.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 8 novembre 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il fixe les modalités de calcul de la somme que l'Etat est condamné à payer à M. A....

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 470319
Date de la décision : 20/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2024, n° 470319
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470319.20240320
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