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08/03/2024 | FRANCE | N°460964

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 08 mars 2024, 460964


Vu la procédure suivante :



L'association Hydrauxois a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du directeur départemental des territoires de l'Yonne du 10 octobre 2017 portant dispense d'autorisation pour la vidange de l'étang de Bussières, du 5 décembre 2017 portant autorisation de réaliser des travaux urgents sur la digue de l'étang et du 13 mars 2018 portant récépissé de la déclaration relative à la réalisation des travaux de destruction de la digue de cet étang sur la Romanée. Par un jugement n° 1800891 du 29 avril 20

19, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

L'association Hydrauxois a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du directeur départemental des territoires de l'Yonne du 10 octobre 2017 portant dispense d'autorisation pour la vidange de l'étang de Bussières, du 5 décembre 2017 portant autorisation de réaliser des travaux urgents sur la digue de l'étang et du 13 mars 2018 portant récépissé de la déclaration relative à la réalisation des travaux de destruction de la digue de cet étang sur la Romanée. Par un jugement n° 1800891 du 29 avril 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19LY02552 du 29 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par l'association Hydrauxois contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 janvier et 2 mai 2022 et 1er février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Hydrauxois demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et la fédération de l'Yonne pour la pêche et la protection du milieu aquatique la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de l'association Hydrauxois ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier du 5 octobre 2017, la fédération de l'Yonne pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FYPPMA), qui est propriétaire depuis 2015 de l'étang de Bussières, situé sur le passage de la rivière la Romanée, sur le territoire de la commune de Bussières (Yonne), a informé le directeur départemental des territoires de l'Yonne de son intention de réaliser une vidange complète de l'étang à la fin du mois d'octobre 2017, en vue de son effacement ultérieur. Le directeur départemental des territoires lui a indiqué, par un courrier du 10 octobre 2017, que les opérations de vidange n'étaient pas soumises à une procédure administrative au titre de la législation sur l'eau au motif qu'elles bénéficiaient du régime juridique prévu à l'article L. 431-7 du code de l'environnement. A la suite de la vidange de l'étang, la FYPPMA a sollicité, le 27 novembre 2017, l'autorisation de réaliser des travaux présentant un caractère d'urgence sur la Romanée, demande à laquelle le directeur départemental des territoires a répondu, par un courrier du 5 décembre 2017, en indiquant à la fédération que ces travaux étaient soumis à une procédure de déclaration au titre de la rubrique 3.1.2.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement mais que, compte tenu de leur caractère d'urgence, ils pouvaient être entrepris sans que soit déposé un dossier de déclaration au titre de la loi sur l'eau, conformément aux dispositions de l'article R. 214-44 du code de l'environnement. Enfin, par un courrier du 13 mars 2018, le directeur départemental des territoires a indiqué à la fédération qu'il ne comptait pas faire opposition à la déclaration qu'elle avait déposée le 10 janvier 2018 aux fins de détruire la digue de l'étang de Bussières. Par un jugement du 29 avril 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de l'association Hydrauxois tendant à l'annulation des décisions des 10 octobre 2017, 5 décembre 2017 et 13 mars 2018. Cette association se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 novembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle a formé contre le jugement du tribunal administratif.

2. Aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. (...) / II. - Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. / Dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, l'autorité administrative peut s'opposer à l'opération projetée s'il apparaît qu'elle est incompatible avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ou du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, ou porte aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 une atteinte d'une gravité telle qu'aucune prescription ne permettrait d'y remédier. Les travaux ne peuvent commencer avant l'expiration de ce délai. (...) ".

3. L'article R. 214-1 du code de l'environnement établit, dans le tableau qui lui est annexé, la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du même code. En vertu de cette nomenclature, sont notamment soumises à autorisation les opérations suivantes : " (...) 3.1.2.0. Installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur d'un cours d'eau, à l'exclusion de ceux visés à la rubrique 3.1.4.0, ou conduisant à la dérivation d'un cours d'eau : / 1° Sur une longueur de cours d'eau supérieure ou égale à 100 m (...) / 3.1.5.0. Installations, ouvrages, travaux ou activités, dans le lit mineur d'un cours d'eau, étant de nature à détruire les frayères, les zones de croissance ou les zones d'alimentation de la faune piscicole, des crustacés et des batraciens, ou dans le lit majeur d'un cours d'eau, étant de nature à détruire les frayères de brochet : / 1° Destruction de plus de 200 m2 de frayères (...) / 3.3.1.0. Assèchement, mise en eau, imperméabilisation, remblais de zones humides ou de marais, la zone asséchée ou mise en eau étant : / 1° Supérieure ou égale à 1 ha (...) ". La rubrique 3.2.4.0. de la nomenclature soumettait pour sa part à autorisation ou à déclaration les vidanges des plans d'eau selon leur superficie, mais excluait de formalité les piscicultures mentionnées à l'article L. 421-6 et les plans d'eau mentionnés à l'article L. 431-7. Aux termes de 1'article R. 214-42 du même code : " Si plusieurs ouvrages, installations, catégories de travaux ou d'activités doivent être réalisés par la même personne sur le même site, une seule demande d'autorisation ou une seule déclaration peut être présentée pour l'ensemble de ces installations. / Il en est obligatoirement ainsi lorsque les ouvrages, installations, travaux ou activités envisagés dépendent de la même personne, de la même exploitation ou du même établissement et concernent le même milieu aquatique, si leur ensemble dépasse le seuil fixé par la nomenclature des opérations ou activités soumises à autorisation ou à déclaration, alors même que, pris individuellement, ils sont en dessous du seuil prévu par la nomenclature, que leur réalisation soit simultanée ou successive (...) ".

4. Les dispositions de l'article R. 214-42 du code de l'environnement impliquent que le pétitionnaire saisisse l'administration d'une demande unique pour les projets qui forment ensemble une même opération lorsque cette dernière, prise dans son ensemble, dépasse le seuil fixé par la nomenclature des opérations ou activités soumises à autorisation ou à déclaration et dès lors que ces projets dépendent de la même personne, exploitation ou établissement et concernent le même milieu aquatique, y compris lorsqu'il est prévu de les réaliser successivement. Pour apprécier si des projets successifs doivent faire l'objet d'une demande unique, puis déterminer, en fonction des seuils applicables à ces opérations ou activités, s'ils doivent être soumis à déclaration ou autorisation au regard de la nomenclature définie à l'article R. 214-1 du même code, l'administration doit se fonder sur l'ensemble des caractéristiques des projets, en particulier la finalité des opérations envisagées et le calendrier prévu pour leur réalisation.

5. Pour écarter le moyen soulevé devant elle par l'association Hydrauxois et tiré de ce que les différents travaux et interventions réalisés par la fédération de pêche de l'Yonne sur le site de l'étang de Bussières entre octobre 2017 et mars 2018 constituaient une seule et même opération dépendant d'une seule personne et concernant le même milieu aquatique dont l'instruction aurait dû être réalisée sous la forme d'une procédure unique conformément aux dispositions de l'article R. 214-42 du code de l'environnement, la cour administrative d'appel a retenu, d'une part, que les dispositions invoquées n'étaient pas applicables à l'étang de Bussières qui avait été qualifié à bon droit par le préfet de pisciculture et dont la vidange n'était dès lors soumise ni à déclaration, ni à autorisation en application des dispositions combinées de l'article L. 431-7 du code de l'environnement et de la rubrique 3.2.4.0 de la nomenclature figurant au tableau annexé à l'article R. 214-1, d'autre part, que la fédération propriétaire de l'étang n'avait pas eu la volonté de procéder à un découpage visant à soustraire le projet aux exigences inhérentes à la police de l'eau, et que les dispositions de l'article R. 214-42 du code de l'environnement ne lui étaient pas applicables. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, et notamment de la demande adressée le 5 octobre 2017 par la fédération départementale de pêche au directeur départemental des territoires, que la vidange de l'étang était d'emblée envisagée en vue de l'effacement du plan d'eau et que les travaux de vidange et de curage des sédiments et la destruction de la digue avaient pour finalité la suppression définitive de cet étang, afin de permettre à la rivière La Romanée de s'écouler sans retenue, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'association Hydrauxois est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à l'association Hydrauxois au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 29 novembre 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : L'Etat versera à l'association Hydrauxois la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Hydrauxois, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la fédération de l'Yonne pour la pêche et la protection du milieu aquatique.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 janvier 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 8 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Pauline Hot

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 460964
Date de la décision : 08/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27 EAUX. - POLICE DES INSTALLATIONS, OUVRAGES, TRAVAUX OU ACTIVITÉS (IOTA) – OBLIGATION DE PRÉSENTER UNE SEULE DEMANDE OU DÉCLARATION LORSQUE PLUSIEURS PROJETS, Y COMPRIS SUCCESSIFS, FORMENT UNE MÊME OPÉRATION (ART. R. 214-42 DU C. ENV.) – 1) MÉTHODE D’APPRÉCIATION PAR L’ADMINISTRATION – 2) ILLUSTRATION.

27 L’article R. 214-42 du code de l’environnement implique que le pétitionnaire saisisse l’administration d’une demande unique pour les projets qui forment ensemble une même opération lorsque cette dernière, prise dans son ensemble, dépasse le seuil fixé par la nomenclature des opérations ou activités soumises à autorisation ou à déclaration et dès lors que ces projets dépendent de la même personne, exploitation ou établissement et concernent le même milieu aquatique, y compris lorsqu’il est prévu de les réaliser successivement. ...1) Pour apprécier si des projets successifs doivent faire l’objet d’une demande unique, puis déterminer, en fonction des seuils applicables à ces opérations ou activités, s’ils doivent être soumis à déclaration ou autorisation au regard de la nomenclature définie à l’article R. 214-1 du même code, l’administration doit se fonder sur l’ensemble des caractéristiques des projets, en particulier la finalité des opérations envisagées et le calendrier prévu pour leur réalisation....2) Demandeur ayant d’abord informé les services de l’Etat de son intention de réaliser la vidange complète d’un étang situé sur le passage d’une rivière. Demandeur ayant ensuite formulé une demande en vue de réaliser des travaux urgents sur la rivière. Demandeur ayant enfin déposé une déclaration aux fins de détruire la digue de l’étang....Demandeur ayant indiqué, dès sa première demande, que la vidange de l’étang était envisagée en vue de l’effacement du plan d’eau et que les travaux de vidange et de curage des sédiments et la destruction de la digue avaient pour finalité la suppression définitive de cet étang, afin de permettre à la rivière de s’écouler sans retenue....Ces différents travaux et interventions constituent une seule et même opération dépendant d’une seule personne et concernant le même milieu aquatique dont l’instruction aurait dû être réalisée sous la forme d’une procédure unique conformément à l’article R. 214-42 du code de l’environnement.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 mar. 2024, n° 460964
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Hot
Rapporteur public ?: Mme Maïlys Lange
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:460964.20240308
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