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29/11/2021 | FRANCE | N°19LY02552

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 29 novembre 2021, 19LY02552


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Hydrauxois a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler les décisions du directeur départemental des territoires de l'Yonne du 10 octobre 2017 portant dispense d'autorisation pour la vidange de l'étang de Bussières, du 5 décembre 2017 portant autorisation de réaliser des travaux à caractère d'urgence sur la digue de l'étang et du 13 mars 2018 portant récépissé de la déclaration tendant à réaliser des travaux de destruction de la digue de l'étang de Bussières su

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2°) d'enjoindre au préfet et à la fédération de pêche de l'Yonne de rem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Hydrauxois a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler les décisions du directeur départemental des territoires de l'Yonne du 10 octobre 2017 portant dispense d'autorisation pour la vidange de l'étang de Bussières, du 5 décembre 2017 portant autorisation de réaliser des travaux à caractère d'urgence sur la digue de l'étang et du 13 mars 2018 portant récépissé de la déclaration tendant à réaliser des travaux de destruction de la digue de l'étang de Bussières sur la Romanée ;

2°) d'enjoindre au préfet et à la fédération de pêche de l'Yonne de remettre les lieux dans leur état d'origine, dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la fédération de pêche de l'Yonne une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800891 du 29 avril 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2019, l'association Hydrauxois, représentée par Me Rémy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 avril 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du directeur et du chef de service forêt, risques, eau et nature de la direction départementale des territoires de l'Yonne des 10 octobre 2017, 5 décembre 2017 et 13 mars 2018 ;

3°) d'enjoindre, solidairement, au préfet et à la fédération de pêche de l'Yonne de remettre les lieux dans leur état d'origine, dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la fédération de pêche de l'Yonne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les ouvrages de l'étang de Bussières bénéficiant d'un droit fondé en titre, compte tenu de leur existence matériellement établie antérieurement à la Révolution française de 1789 et en conséquence d'une situation administrative régulière conformément aux dispositions de l'article L. 214-6 II du code de l'environnement, aucune mesure de régularisation administrative et/ou démolition n'était à prévoir ;

- les différents travaux et interventions réalisés par la fédération de pêche de l'Yonne sur le site de l'étang de Bussières, entre octobre 2017 et mars 2018, constituent une seule et même opération, réalisée par une personne unique sur un même milieu aquatique, de sorte que l'instruction par l'administration de ce projet aurait dû être réalisée sous forme d'une procédure unique au titre de la nomenclature IOTA, conformément aux dispositions de l'article R. 214-42 du code de l'environnement, et que les trois décisions prises isolément par l'administration ont été adoptées au terme d'une procédure irrégulière n'ayant pas respecté les principes de la demande d'autorisation environnementale visée par les articles R. 214-6 et suivants et R. 181-12 et suivants du code de l'environnement ;

- même prises isolément, chacune des interventions réalisées par la fédération de pêche de l'Yonne constituait une opération soumise à autorisation ou déclaration administrative, ce qui a été ignoré par les services de la direction départementale des territoires de l'Yonne qui ont ainsi entaché les décisions adoptées d'illégalité externe ;

- au plan de légalité interne, les décisions litigieuses portent atteinte aux milieux aquatiques et naturels sous prétexte du seul rétablissement de la continuité écologique, et présentent, dans la mesure où l'incidence sur le pont routier qui traverse l'étang n'a pas été étudiée, un risque pour la sécurité civile, intérêt pourtant prioritaire dans la gestion équilibrée de la ressource en eau dont l'administration a la charge.

Par ordonnance du 12 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mai 2021.

Une mise en demeure a été adressée le 15 juin 2021 à la ministre de la transition écologique de produire ses conclusions dans un délai de quinze jours.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 1er avril 2008 fixant les prescriptions générales applicables aux installations, ouvrages, travaux ou activités soumis à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 3.2.7.0 de la nomenclature annexée au tableau de l'article R. 214-1 du code de l'environnement (piscicultures d'eau douce mentionnées à l'article L. 431-6) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Goudemez, représentant l'association Hydrauxois ;

Considérant ce qui suit :

1. La fédération de l'Yonne pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FYPPMA) est propriétaire depuis 2015 de l'étang de Bussières, situé sur le passage de la rivière la Romanée, sur le territoire de la commune de Bussières, dans le département de la Haute Vienne. Par un courrier du 5 octobre 2017, la fédération a informé le directeur départemental des territoires de l'Yonne de son intention de réaliser une vidange complète de l'étang à la fin du mois d'octobre 2017, en prévision de son effacement prévu en 2017/2018. Le directeur départemental des territoires lui a indiqué, dans un courrier du 10 octobre 2017, que les opérations de vidange n'étaient pas soumises à une procédure administrative au titre de la législation sur l'eau au motif qu'elles bénéficiaient du régime juridique prévu à l'article L. 431-7 du code de l'environnement. Suite à la vidange de l'étang, la FYPPMA a sollicité, le 27 novembre 2017, l'autorisation de réaliser des travaux présentant un caractère d'urgence sur la Romanée. Dans un courrier du 5 décembre 2017, le directeur départemental des territoires a indiqué à la fédération que ces travaux étaient soumis à une procédure de déclaration au titre de la rubrique 3.1.2.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement mais que, compte tenu de leur caractère d'urgence, ils pouvaient être entrepris sans que soit déposé un dossier de déclaration au titre de la loi sur l'eau, conformément aux dispositions de l'article R. 214-44 du code de l'environnement. A la suite d'une déclaration IOTA, au titre de la loi sur l'eau, déposée par la FYPPMA le 10 janvier 2018, visant à détruire la digue de l'étang de Bussières, dont il a été accusé réception par le préfet de l'Yonne le 17 janvier 2018, le directeur départemental des territoires a, par courrier du 13 mars 2018, indiqué qu'il ne comptait pas faire opposition à la réalisation de ces travaux. L'association Hydrauxois a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du directeur départemental des territoires de l'Yonne des 10 octobre 2017, 5 décembre 2017 et 13 mars 2018. Le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de l'association Hydrauxois par un jugement du 29 avril 2019 dont elle relève appel.

Sur le cadre juridique du litige :

2. Aux termes l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : 1° Installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au I de l'article L. 214-3 (...) ". Aux termes de l'article L. 214-1 du même code: " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. ". Aux termes de l'article L. 214-2 de ce code : " Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Comité national de l'eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques (...) ". L'article L. 214-3 dudit code dispose que : " I.- Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles (...) ". Selon l'article L. 181-17 de ce code : " Les décisions prises sur le fondement de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 181-9 et les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ".

3. Il appartient au juge du plein contentieux, saisi d'un recours formé contre une décision de l'autorité administrative prise dans le domaine de l'eau, en application des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement, d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande dont l'autorité administrative a été saisie au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de la décision prise par cette autorité. S'agissant des règles de fond, il appartient au juge du plein contentieux, non d'apprécier la légalité de l'autorisation prise par l'autorité administrative dans le domaine de l'eau au vu des seuls éléments dont pouvait disposer cette autorité lorsqu'elle a statué sur la demande, mais de se prononcer lui-même sur l'étendue des obligations mises par cette autorité à la charge du bénéficiaire de l'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue.

Sur le moyen tiré du régime juridique de l'étang de Buissières :

4. Selon l'article L. 214-6 du code de l'environnement : " (...) II. - Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. ". Sont notamment regardés comme fondés en titre ou ayant une existence légale, les plans d'eau et cours d'eau non domaniaux qui, soit ont fait l'objet d'une aliénation comme bien national, soit sont établis en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux. Une prise d'eau ou une retenue d'eau est présumée établie en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux dès lors qu'est prouvée son existence matérielle avant cette date. La preuve de cette existence matérielle peut être apportée par tout moyen, notamment par sa localisation sur la carte de Cassini datant du XVIIIème siècle. Par ailleurs, un droit fondé en titre se perd lorsque l'ouvrage n'est plus susceptible d'être utilisé par son détenteur, du fait de sa ruine ou de son changement d'affectation pour l'utilisation de l'eau. En revanche, la circonstance que cet ouvrage n'a pas été utilisé en tant que tel au cours d'une longue période n'est pas de nature, à elle seule, à remettre en cause la pérennité de ce droit. En l'espèce, s'il est constant d'une part, que l'étang de Buissières, qui apparaît sur un extrait de la carte de Cassini, doit être regardé comme ayant existé à une date antérieure à l'abolition des droits féodaux d'autre part, que la fédération de l'Yonne pour la pêche et la protection du milieu aquatique, propriétaire de l'étang depuis 2015, est titulaire d'un droit fondé en titre sur ledit étang, ces circonstances restent sans incidence sur les éventuelles mesures administratives ou de démolition de l'ouvrage.

Sur le moyen tiré de ce que les travaux en litige constituent une seule et même opération :

5. L'association Hydrauxois soutient d'une part, que les différents travaux et interventions réalisés par la fédération de pêche de l'Yonne sur le site de l'étang de Bussières entre octobre 2017 et mars 2018 constituent une seule et même opération, réalisée par une personne unique sur un même milieu aquatique, de sorte que l'instruction par l'administration de ce projet aurait dû être réalisée sous forme d'une procédure unique au titre de la nomenclature IOTA, conformément aux dispositions de l'article R. 214-42 du code de l'environnement, d'autre part, que les trois décisions prises isolément par l'administration ont été adoptées au terme d'une procédure irrégulière n'ayant pas respecté les principes prévus pour la demande d'autorisation environnementale visée par les articles R. 214-6 et suivants et R. 181-12 et suivants du code de l'environnement.

6. Toutefois, l'association réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, la première branche du moyen auquel les premiers juges ont déjà répondu, en jugeant notamment qu'il résulte de l'instruction, en particulier d'un document daté du 23 octobre 1851 intitulé " Service hydraulique, Syndicats des Moulins et usines, Arrondissement d'Avallon ", référencé aux archives départementales de l'Yonne, d'un arrêté du préfet de l'Yonne du 1er août 1990 et des photographies produites par le préfet de l'Yonne, que l'étang de Bussières revêt une vocation piscicole et comprend des dispositifs fixes et permanents, en amont et en aval, empêchant la libre circulation des poissons entre celui-ci et les eaux avec lesquelles il communique et que c'est à bon droit que le préfet de l'Yonne avait qualifié l'étang de Bussières de pisciculture. Le jugement en discussion indique également, qu'en application d'une part, des dispositions de l'article L. 431-7 du code de l'environnement, d'autre part, du tableau annexé à l'article R. 214-1 du même code relatif aux vidanges de plans d'eau soumis à autorisation ou déclaration au titre de la rubrique 3.2.4.0, les dispositions invoquées par l'association n'étaient pas applicables aux piscicultures régulièrement autorisées ou déclarées et que, par courrier du 5 octobre 2017, la fédération avait porté à la connaissance du préfet l'ensemble des éléments d'appréciation de l'opération. Enfin, le même jugement précise que la fédération propriétaire de l'étang n'avait pas eu la volonté de procéder à un découpage visant à soustraire le projet aux exigences inhérentes à la police de l'eau, que les dispositions de l'article R. 214-42 du code de l'environnement ne trouvaient pas à s'appliquer et que c'est à bon droit que le directeur départemental des territoires de l'Yonne s'était abstenu de regarder les opérations successives de vidange, de curage et d'effacement de l'étang comme formant ensemble une seule et même opération. Il y a lieu d'écarter cette branche du moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

7. S'agissant de la seconde branche du moyen, il ne résulte pas de l'instruction que la fédération de pêche de l'Yonne devait déposer un dossier de demande d'autorisation environnementale unique, en application des articles R. 214-6 et suivants et R.181-12 et suivants du code de l'environnement, dès lors que les opérations successives de vidange, de travaux d'urgence de curage et de destruction de la digue de l'étang de Bussières ne peuvent être regardées comme formant une seule et même opération, contrairement à ce qui est soutenu.

Sur la légalité des trois décisions en litige :

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que les trois décisions litigieuses relevaient du régime de l'autorisation ou de la déclaration administrative :

S'agissant de la décision du 10 octobre 2017 relative à la vidange de l'étang :

8. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 431-7 et R. 214-1 du code de l'environnement que la vidange de l'étang de Bussières, lequel doit être regardé comme une pisciculture, ainsi qu'il a été indiqué au point 6, n'était pas soumise aux régimes d'autorisation ou de déclaration prévus au titre de la police de l'eau. La circonstance que cette vidange revête un caractère définitif et que l'étang soit situé dans une ZNIEFF est sans incidence sur le régime juridique de l'opération projetée. Dès lors, le directeur départemental des territoires de l'Yonne a pu légalement dispenser cette opération de toute procédure de déclaration ou d'autorisation au titre de la police de l'eau.

S'agissant de la décision du 5 décembre 2017 portant dispense de déclaration pour des travaux présentant un caractère d'urgence :

9. Aux termes de l'article R. 214-44 du code de l'environnement : " Les travaux destinés à prévenir un danger grave et présentant un caractère d'urgence peuvent être entrepris sans que soient présentées les demandes d'autorisation ou les déclarations auxquelles ils sont soumis, à condition que le préfet en soit immédiatement informé. Celui-ci détermine, en tant que de besoin, les moyens de surveillance et d'intervention en cas d'incident ou d'accident dont doit disposer le maître d'ouvrage ainsi que les mesures conservatoires nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1. Un compte rendu lui est adressé à l'issue des travaux. ".

10. Après la réalisation de la vidange de l'étang de Bussières, la FYPPMA a informé l'administration, par un courrier du 27 novembre 2017, que compte tenu de la quantité et de la fluidité de sédiments présents dans l'étang, le filtre mis en place risquait de ne pas remplir son rôle de rétention en cas de hausse sensible du débit A.... Pour cette raison, la fédération, qui souhaitait réaliser un curage des sédiments avant que les débits hivernaux ne les emportent en aval de la rivière, a demandé à bénéficier d'une autorisation de réaliser, en urgence, des travaux visant à créer une rampe d'accès à l'étang pour une pelle hydraulique et à abaisser la crête de la digue d'environ 1,50 mètre. Par une décision du 5 décembre 2017, le directeur départemental des territoires, après avoir constaté que les travaux envisagés relevaient de la procédure de déclaration au titre de la rubrique 3.1.2.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, a décidé de les dispenser d'une telle procédure au motif qu'ils étaient destinés à prévenir un danger grave pour la faune aquatique et présentaient un caractère d'urgence en prévision des débits hivernaux.

11. La double circonstance d'une part, qu'aucune information n'ait été donnée par la fédération de pêche de l'Yonne quant au volume de sédiments à curer, d'autre part, que le filtre à sédiments disposé en aval de l'ouvrage de vidange de l'étang de Bussières était insuffisamment dimensionné pour recueillir efficacement les sédiments provenant de l'ancienne retenue et susceptibles d'être remobilisés par les eaux hivernales, est sans incidence sur la mise en œuvre du régime dérogatoire prévu à l'article R. 214-44 du code de l'environnement, lequel est susceptible de concerner aussi bien les travaux soumis à déclaration que ceux nécessitant une autorisation. De même, l'association Hydrauxois n'établit pas, en se fondant sur le seul rapport d'un expert du 31 mai 2018, postérieur au demeurant à la décision du 5 décembre 2017, que les travaux effectués par la FYPPMA ont eu des conséquences fortement négatives sur les milieux aquatiques dans l'emprise A... et du Cousin, où un colmatage du lit mineur a été constaté à la suite des travaux réalisés. Au surplus, l'appelante ne démontre pas qu'un autre système de filtrage aurait suffi à prévenir le danger résultant de la remobilisation de sédiments dans la Romanée.

12. Dans ces conditions, l'association Hydrauxois n'est pas fondée à soutenir que le directeur départemental des territoires a fait une application irrégulière du régime dérogatoire prévu par les dispositions précitées de l'article R. 214-44 du code de l'environnement.

S'agissant de la décision du 13 mars 2018 relative à la destruction de la digue :

13. Par un courrier du 13 mars 2018, le directeur départemental des territoires de l'Yonne a informé la fédération pour la pêche et la protection du milieu aquatique qu'il ne souhaitait pas faire opposition à sa déclaration de travaux de destruction de la digue de l'étang de Bussières tendant à rétablir la continuité biologique et sédimentaire du cours d'eau.

14. Il résulte de l'instruction, notamment du jugement en discussion qui n'est pas critiqué sur ce point, que si le dossier de déclaration a été déposé le 10 janvier 2018, la digue a finalement été détruite, non à l'initiative de la fédération propriétaire de l'étang, mais dès la fin du mois de janvier 2019, en raison des crues importantes intervenues durant cette période. Dès lors, comme c'est uniquement au titre de la rubrique 3.1.5.0 relative à la destruction de frayères, que la décision de non-opposition à travaux est intervenue, l'appelante ne peut utilement se prévaloir de ce que l'opération envisagée relevait de la rubrique 3.1.2.0. En outre, l'association requérante n'établit pas que l'opération nécessitait le dépôt d'une demande d'autorisation environnementale. En tout état de cause, il n'est pas démontré que la destruction de la digue conduisait à modifier le profil du lit mineur A... sur une longueur supérieure ou égale à 100 mètres. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 214-1 et suivants et R. 214-1 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 211-1 du code de l'environnement :

15. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I.- Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année (...) II. - La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile (...) ".

16. L'association appelante soutient que les décisions en litige ont eu pour effet d'entraîner la destruction de zones humides situées en périphérie de l'étang, en se fondant sur le rapport du 31 mai 2018 qui précise que " la baisse brutale de la nappe d'eau (par rapport à son état de référence inchangé depuis la création du barrage), va assécher (et a déjà asséché) des zones humides. Nous estimons la surface impactée supérieure à 6 ha. Même s'il est impossible de définir l'impact au m2 près, le seuil de 1 ha est largement dépassé ". Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, notamment de la photographie produite par le préfet dans son mémoire du 27 septembre 2018 devant le tribunal administratif de Dijon, que les décisions en litige auraient eu pour effet d'entraîner la destruction de zones humides préexistantes situées en périphérie de l'étang, alors même que l'association ne justifie pas l'importance et la localisation de telles zones humides et qu'il n'est pas contesté que la disparition de l'étang va nécessairement créer une nouvelle zone humide. De même, si l'association Hydrauxois soutient qu'en omettant sciemment de mentionner, au dossier de déclaration de travaux déposé auprès des services de l'Etat, que les travaux envisagés auraient notamment une incidence sur les zones humides du site, dont elle connaissait l'existence, la fédération de pêche a déposé un dossier volontairement incomplet, elle ne l'établit pas. Dès lors, l'atteinte aux milieux aquatiques et naturels n'est pas démontrée.

17. Si l'association soutient que les décisions présentent un risque pour la sécurité civile, intérêt prioritaire dans la gestion équilibrée de la ressource en eau dont l'administration a la charge, toutefois en se bornant à soutenir que les piles du pont qui traverse l'étang, qui peuvent être des pieux de bois imputrescibles dans l'eau mais qui pourrissent en quelques mois en cas de disparition de l'eau, pourraient être rapidement fragilisées par les travaux en litige, cette dernière n'établit pas que les décisions en cause seraient susceptibles d'entraîner un danger pour la sécurité du public.

18. Il résulte de tout ce qui précède, que l'association Hydrauxois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Hydrauxois est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Hydrauxois et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne et à la fédération de pêche de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2021.

7

N° 19LY02552


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02552
Date de la décision : 29/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : REMY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-29;19ly02552 ?
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