Vu la procédure suivante :
Le syndicat Solidaire unitaire démocratique (SUD) des sapeurs-pompiers professionnels, agents techniques et administratifs du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Drôme a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 18 décembre 2013 par laquelle le bureau du conseil d'administration de ce SDIS a approuvé la modification du guide de gestion du temps de travail des personnels du SDIS de la Drôme à compter du 1er janvier 2014, et d'enjoindre au conseil d'administration du SDIS de la Drôme de délibérer sur le règlement du temps de travail dans un délai de quinze jours. Par un jugement n° 1400950 du 31 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 18 décembre 2013 en ce qu'elle approuve les dispositions qui prévoient que l'écart négatif constaté entre le service annuel horaire effectué par un agent et le volume annuel de travail de 1 583 heures auquel il est tenu est défalqué de son compte épargne-temps et a rejeté le surplus des conclusions du syndicat.
Par un arrêt n° 17LY00124 du 5 février 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par le syndicat SUD des sapeurs-pompiers professionnels, agents techniques et administratifs du SDIS de la Drôme contre l'article 3 de ce jugement ainsi que les conclusions incidentes présentées par le SDIS de la Drôme contre ses articles 1er et 2.
Par une décision n° 429502 du 4 novembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 5 février 2019 en tant qu'il statue sur le régime d'horaire d'équivalence valorisant les gardes de 24 heures à hauteur de 16,6 heures et sur le report des heures non effectuées sur l'année suivante.
Par un arrêt n° 20LY03360 du 15 avril 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé la délibération du bureau du conseil d'administration du SDIS de la Drôme du 18 décembre 2013 en ce qu'elle approuve les dispositions relatives au régime d'équivalence décomptée pour les gardes de 24 heures et rejeté le surplus des conclusions de l'appel du syndicat requérant.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juin et 10 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat SUD des sapeurs-pompiers professionnels, agents techniques et administratifs du SDIS de la Drôme demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt, dans la mesure où il n'a pas entièrement fait droit à ses conclusions d'appel ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du SDIS de la Drôme la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat du syndicat Solidaire unitaire démocratique des sapeurs-pompiers professionnels, agents techniques et administratifs du SDIS de la Drôme et à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat du service départemental d'incendie et de secours de la Drôme ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le bureau du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Drôme a, par une délibération du 18 décembre 2013, modifié les dispositions du " Guide de gestion du temps de travail des personnels du SDIS de la Drôme ", avec effet au 1er janvier 2014. Le syndicat SUD des sapeurs-pompiers professionnels, agents techniques et administratifs du SDIS de la Drôme a demandé l'annulation de cette délibération devant le tribunal administratif de Grenoble. Par un jugement du 31 octobre 2016, ce tribunal a annulé la délibération en tant qu'elle approuve les dispositions prévoyant que l'écart négatif constaté entre le service annuel horaire effectué par un agent et le volume annuel de travail de 1 583 heures auquel il est tenu est défalqué du compte épargne-temps de l'agent l'année suivante et rejeté le surplus des conclusions de la demande du syndicat. Celui-ci s'est pourvu en cassation contre l'arrêt du 5 février 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement, en tant qu'il rejetait le surplus de ses conclusions. Par une décision du 4 novembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il statue sur le régime d'horaire d'équivalence valorisant les gardes de 24 heures à hauteur de 16,6 heures et sur le report des heures non effectuées sur l'année suivante et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon. Par un arrêt du 15 avril 2021, cette même cour a annulé la délibération litigieuse en ce qu'elle approuve les dispositions relatives au régime d'équivalence décomptée pour les gardes de 24 heures et rejeté le surplus des conclusions d'appel du syndicat. Ce dernier se pourvoit en cassation contre cet arrêt dans la mesure où il n'a pas fait droit à ses conclusions dirigées contre le dispositif de report des heures non effectuées sur l'année suivante.
Sur le pourvoi :
2. Pour rejeter les conclusions de l'appel formé par le syndicat contre le jugement du 31 octobre 2016, en tant que celui-ci a statué sur les dispositions relatives au report des heures non effectuées, la cour administrative d'appel s'est bornée à relever que, par ce jugement, le tribunal administratif de Grenoble avait annulé les dispositions du guide de gestion du temps de travail résultant de la délibération attaquée, instaurant la possibilité, avec l'accord de l'agent, de défalquer de son compte épargne-temps l'écart négatif constaté entre le service annuel horaire effectué par cet agent et le volume annuel de travail auquel il est soumis. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que les dispositions issues de la délibération prévoient qu'en dehors du cas où il est fait usage de cette faculté, le même écart est reporté sur les obligations horaires de l'année suivante et, d'autre part, que le syndicat requérant demandait l'annulation du guide en tant qu'il prévoit cette dernière règle, au motif qu'elle méconnaît le principe d'annualisation du temps de travail. En ne répondant pas à ces conclusions, la cour a entaché son arrêt d'une irrégularité de nature à en justifier, dans la mesure où il est contesté, la cassation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
3. Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, en application du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur les conclusions aux fins de non-lieu du SDIS :
4. Le guide de gestion du temps de travail modifié par la délibération litigieuse du 18 décembre 2013 a été abrogé et remplacé, en dernier lieu, par les dispositions relatives au temps de travail du règlement intérieur du SDIS de la Drôme, adopté par une délibération du 9 juillet 2019 du bureau de son conseil d'administration. Il n'en résulte toutefois pas, contrairement à ce que soutient le SDIS, que le recours du syndicat requérant tendant à l'annulation des dispositions issues de la délibération du 18 décembre 2013, lesquelles ont reçu application, aurait perdu son objet.
Sur la légalité des dispositions contestées :
5. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées ". Aux termes du premier alinéa de l'article 4 du même décret : " Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail. Les horaires de travail sont définis à l'intérieur du cycle, qui peut varier entre le cycle hebdomadaire et le cycle annuel de manière que la durée du travail soit conforme sur l'année au décompte prévu à l'article 1er ". Enfin, aux termes du troisième alinéa de l'article 6 du décret précité : " Un dispositif dit de crédit-débit peut permettre le report d'un nombre limité d'heures de travail d'une période sur l'autre. Il précise le maximum d'heures pouvant être inscrit au débit ou au crédit de la situation des agents. Pour une période de référence portant sur la quinzaine ou le mois, ce plafond ne peut respectivement être fixé à plus de six heures et plus de douze heures ". Ces dispositions sont rendues applicables aux sapeurs-pompiers professionnels par la combinaison de celles du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale et de celles du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, sous la seule réserve de la faculté, pour les organes délibérants des SDIS, de réduire la durée annuelle de travail pour tenir compte des sujétions supportées par ces agents et de définir des équivalences en matière de durée du travail pour tenir compte des périodes d'inaction que comportent les périodes de garde.
6. Les dispositions citées au point précédent fixent pour le décompte du temps de travail un maximum annuel à respecter, sans préjudice des heures supplémentaires, quelle que soit l'organisation en cycles de travail. Dès lors, si elles permettent à l'autorité compétente de prévoir, dans les conditions fixées au troisième alinéa de l'article 6 du décret du 25 août 2000, des reports infra-annuels de déficits ou d'excédents horaires entre périodes de référence, elles font en revanche obstacle à ce que l'écart constaté entre le service annuel horaire effectué par un agent et le volume annuel de travail auquel il est soumis puisse avoir pour effet de modifier, par report, ses obligations horaires de l'année suivante. Le syndicat requérant est dès lors fondé à soutenir que les dispositions du guide de gestion du temps de travail qu'il conteste, prévoyant le report des heures non effectuées sur l'année suivante, méconnaissent les règles régissant le temps de travail des agents publics.
7. Ce syndicat est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 31 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant, dans cette mesure, à l'annulation de la délibération du 18 décembre 2013.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. L'annulation des dispositions de la délibération du 18 décembre 2013 prévoyant le report des heures non effectuées sur l'année suivante a par elle-même pour effet de faire disparaître ces dispositions de l'ordonnancement juridique pour la période où elles ont été en vigueur. Il n'y a, par suite, pas lieu de faire droit aux conclusions du syndicat, présentées devant le cour administrative d'appel, tendant à ce qu'il soit enjoint au SDIS de la Drôme d'adopter une nouvelle délibération s'appliquant à la même période.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS de la Drôme, au titre de ces dispositions, la somme de 3 000 euros à verser au syndicat requérant. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de ce syndicat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 15 avril 2021 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il rejette les conclusions du syndicat SUD des sapeurs-pompiers professionnels, agents techniques et administratifs du SDIS de la Drôme dirigées contre le dispositif de report des heures non effectuées sur l'année suivante.
Article 2 : Le jugement du 31 octobre 2016 du tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il rejette les mêmes conclusions, et la délibération du 18 décembre 2013 du bureau du conseil d'administration du SDIS de la Drôme, en tant qu'elle modifie le guide de gestion du temps de travail pour y prévoir le report des heures non effectuées sur l'année suivante, sont annulés.
Article 3 : Le SDIS de la Drôme versera au syndicat SUD des sapeurs-pompiers professionnels, agents techniques et administratifs du SDIS de la Drôme la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du syndicat SUD des sapeurs-pompiers professionnels, agents techniques et administratifs du SDIS de la Drôme devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par le SDIS de la Drôme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au syndicat Solidaire unitaire démocratique (SUD) des sapeurs-pompiers professionnels, agents techniques et administratifs du SDIS de la Drôme et au service départemental d'incendie et de secours de la Drôme.
Délibéré à l'issue de la séance du 31 janvier 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Philippe Ranquet, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, conseillers d'Etat ; M. Julien Autret, maître des requêtes et Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 26 février 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Isidoro
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin