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29/12/2023 | FRANCE | N°469382

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 29 décembre 2023, 469382


Vu la procédure suivante :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler, d'une part, la décision implicite de la ministre des armées se substituant, après recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours des militaires, à la décision du 28 juin 2016 la plaçant en congé de longue maladie pour la période du 10 juin au 9 décembre 2016 en tant qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service de sa pathologie et, d'autre part, la décision du 28 juillet 2017 de la ministre des armées se substituan

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Vu la procédure suivante :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler, d'une part, la décision implicite de la ministre des armées se substituant, après recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours des militaires, à la décision du 28 juin 2016 la plaçant en congé de longue maladie pour la période du 10 juin au 9 décembre 2016 en tant qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service de sa pathologie et, d'autre part, la décision du 28 juillet 2017 de la ministre des armées se substituant à la décision du 2 décembre 2016 prolongeant son congé de longue maladie pour la période du 10 décembre 2016 au 9 juin 2017 pour le même motif. Elle a également demandé au tribunal d'enjoindre à la ministre de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement nos 1700999, 1702025 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 19NT01175 du 23 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de Mme C..., annulé ce jugement et, statuant après évocation, rejeté ses demandes ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel.

Par une décision n° 448135 du 10 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'article 2 de l'arrêt du 23 octobre 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.

Par un arrêt n° 21NT03223 du 21 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté les demandes présentées par Mme C... devant le tribunal administratif d'Orléans ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 5 décembre 2022 et le 6 mars 2023, Mme C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser au cabinet Rousseau et Tapie, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., épouse C..., sous-officier, était affectée dans une unité de musique des forces armées depuis juillet 2009. Par une décision du 28 juin 2016, elle a été placée en congé de longue maladie pour la période du 10 juin au 9 décembre 2016. Elle a présenté un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires (CRM) contre cette décision en tant qu'elle ne reconnaissait pas l'imputabilité au service de sa maladie. Mme C... a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet intervenue le 27 janvier 2016. Par une décision du 2 décembre 2016, son congé de longue maladie a été prolongé du 10 décembre 2016 au 9 juin 2017. L'intéressée a de nouveau présenté devant la CRM un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision en tant qu'elle ne reconnaissait pas l'imputabilité au service de sa maladie, qui a fait l'objet d'une décision implicite puis d'une décision explicite de rejet de la ministre des armées en date du 28 juillet 2017. Par un jugement du 22 janvier 2019, le tribunal administratif a rejeté les demandes de Mme C... tendant à l'annulation de ces différentes décisions. Par un arrêt du 23 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par Mme C... contre ce jugement. Par une décision du 10 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'article 2 de cet arrêt et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour. Mme C... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 juillet 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a de nouveau rejeté sa demande ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel.

2. Aux termes de l'article L. 4138-12 du code de la défense : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie ou des droits du congé du blessé prévus aux articles L. 4138-3 et L. 4138-3-1, pour les affections dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions (...), ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. / (...) ". L'article R. 4138-47 du même code dispose : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes : / (...) 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ainsi que le traitement sont incompatibles avec le service ".

3. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel du militaire ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces du dossier soumis au juge d'appel que les relations professionnelles au sein de l'unité dans laquelle était affectée Mme C... étaient extrêmement tendues, ainsi que l'établissait le rapport de l'enquête de commandement conduite à l'automne 2015, que les rapports de la requérante avec sa hiérarchie étaient dégradés et qu'un certificat médical imputait à ces circonstances les souffrances psychologiques subies par Mme C.... Dans ces conditions et alors même qu'elle rencontrait par ailleurs des difficultés familiales, en estimant que le lien direct entre la pathologie dont souffre Mme C... et le service ne pouvait être regardé comme établi, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

5. Il en résulte, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que Mme C... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

7. Eu égard à ce qui a été dit au point 4, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme C... est fondée à soutenir que la ministre des armées ne pouvait pas légalement, par les décisions la plaçant en congé de longue maladie, refuser de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.

8. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

9. L'exécution de la présente décision implique seulement que la demande de Mme C... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre des armées de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'instance de cassation, la somme de 3 000 euros à verser au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme C..., en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

11. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'instance d'appel, la somme de 3 000 euros à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 21 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision implicite de la ministre des armées se substituant, après recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours des militaires, à la décision du 28 juin 2016 et sa décision du 28 juillet 2017 sont annulées en tant qu'elles ne reconnaissent pas l'imputabilité au service de la pathologie de Mme C....

Article 3 : Il est enjoint au ministre des armées de procéder au réexamen de la demande de Mme C... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : L'Etat versera au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme C..., une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme A... C... et au ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 469382
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 469382
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:469382.20231229
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