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19/12/2023 | FRANCE | N°464864

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 19 décembre 2023, 464864


Vu les procédures suivantes :



Le comité social et économique de la société Blizzard Entertainment et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 30 mars 2021 portant plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) de l'entreprise Blizzard Entertainment. Par un jugement n° 2107706 du 7 décembre 202

1, le tribunal a rejeté leur demande.



Par un arrêt n° 22VE...

Vu les procédures suivantes :

Le comité social et économique de la société Blizzard Entertainment et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 30 mars 2021 portant plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) de l'entreprise Blizzard Entertainment. Par un jugement n° 2107706 du 7 décembre 2021, le tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 22VE00248 du 13 avril 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du comité social et économique de la société Blizzard Entertainment et de M. A..., annulé le jugement du tribunal administratif et la décision du 8 juillet 2021.

1° Sous le numéro 464864, par un pourvoi, enregistré le 10 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

2° Sous le numéro 464923, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 juin et 9 août 2022 et le 28 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Blizzard Entertainment demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le même arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre solidairement à la charge du comité social et économique de la société Blizzard Entertainment et de M. A... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 ;

- la décision du Tribunal des conflits n° 4189 du 8 juin 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. A... et du comité social et économique de la société Blizzard Entertainment, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Blizzard Entertainment ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que par une décision du 8 juillet 2021, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Blizzard Entertainment, cette dernière ayant décidé de cesser son activité. Par un jugement du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette décision formée par le comité social et économique (CSE) de la société Blizzard Entertainment et par M. B... A..., salarié de la société. Par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, le ministre chargé du travail et la société Blizzard Entertainment demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 13 avril 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du CSE de la société Blizzard Entertainment et de M. A..., annulé le jugement du tribunal administratif de Versailles et la décision du 8 juillet 2021.

Sur le cadre juridique :

En ce qui concerne le contrôle par l'autorité administrative des obligations de l'employeur en matière de prévention des risques pour, durant la réorganisation de l'entreprise, assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs à l'occasion de la conclusion d'un accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise :

S'agissant de l'obligation pour l'administration de procéder à un tel contrôle :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / (...). Aux termes de l'article L.1233-24-1 du même code : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité social et économique et de mise en œuvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, ou par le conseil d'entreprise dans les conditions prévues à l'article L.2321-9. (...)". Aux termes de l'article L. 1233-24-2 : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, en particulier les conditions dans lesquelles ces modalités peuvent être aménagées en cas de projet de transfert d'une ou de plusieurs entités économiques prévu à l'article L. 1233-61, nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; / 5° Les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement prévues à l'article L. 1233-4 ". L'article L. 1233-24-4 dispose que : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité social et économique fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur ". Aux termes de l'article L. 1233-57-2 du code du travail : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : / 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; / 2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ; / 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; / 4° La mise en œuvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16,L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 ".

3. En outre, s'agissant de la procédure d'information et de consultation mentionnée au point précédent, il résulte des dispositions de l'article L. 1233-28 du code du travail que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter le comité social et économique. A ce titre, le I de l'article L. 1233-30 du même code dispose, s'agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur " 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. / Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité social et économique prévue au présent article (...) " et que le comité social et économique tient au moins deux réunions. Aux termes de l'article L. 1233-31 du code du travail dans sa version applicable au litige : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées ; / 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, dont la rédaction est, pour l'essentiel, issue de celle résultant de la loi du 31 décembre 1991 modifiant le code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail, en l'espèce, la directive CE n° 89/391 du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". En vertu de l'article L. 4121-2 du même code, l'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement de principes généraux de prévention, au nombre desquels figurent l'évaluation des risques qui ne peuvent pas être évités, la planification de la prévention en y intégrant, notamment, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales, et la prise de mesures protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.

5. Il résulte, en premier lieu, de l'ensemble de ces dispositions que s'il incombe à l'employeur de prendre des mesures pour prévenir les conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, en application des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail mentionné au point 4, et de les mettre en œuvre, conformément aux dispositions de l'article L. 4121-2 du code du travail mentionné au même point, il est loisible aux signataires d'un accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de cette entreprise, eu égard à la liberté contractuelle qui découle des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère celui de la Constitution du 4 octobre 1958, d'adopter de telles mesures.

6. En second lieu, il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une demande de validation d'un accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi d'une société, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A ce titre, il lui revient de contrôler tant la régularité de l'information et, sous les réserves énoncées à l'article L. 1233-30 du code du travail, cité au point 3, de la consultation, du comité social et économique, que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée, lesquelles peuvent également figurer, en tout ou partie, dans l'accord collectif, ce contrôle n'étant pas séparable du contrôle auquel elle est tenue en application des articles du même code cités au point 2.

S'agissant des modalités du contrôle de l'administration :

1°) Lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi :

7. Aux termes de l'article L. 1233-57-5 du code du travail : " Toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours ". Aux termes de l'article L. 1233-57-6 du même code : " L'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité social et économique et, lorsque la négociation de l'accord visé à l'article L. 1233-24-1 est engagée, le cas échéant aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. / L'employeur répond à ces observations et adresse copie de sa réponse aux représentants du personnel et, le cas échéant, aux organisations syndicales ". Enfin, selon l'article L. 1233-57-4, l'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif. Aux termes de l'article D. 1233-14-1 du même code : " Le délai prévu à l'article L. 1233-57-4 court à compter de la réception par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du dossier complet. / Le dossier est complet lorsqu'il comprend les informations permettant de vérifier le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, la pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, le calendrier des licenciements, le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées, et les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement et, lorsqu'un accord est conclu en application de l'article L. 1233-24-1, les informations relatives à la représentativité des organisations syndicales signataires (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative peut, durant la procédure d'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, d'une part, adresser des observations et des propositions à l'employeur concernant le déroulement de cette procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32 du code du travail qui sont en outre communiquées au comité social et économique et, lorsque la négociation de l'accord est engagée, aux organisations syndicales représentatives, d'autre part, enjoindre à l'employeur de fournir des informations, telles celles relatives aux conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail des travailleurs et, en présence de telles conséquences, aux actions arrêtées pour les prévenir et en protéger les travailleurs.

2°) Au moment de la validation de l'accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise :

9. Il résulte des dispositions citées aux points 2 à 4 que lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande de validation d'un accord collectif majoritaire conclu en application de l'article L. 1233-24-1 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative, en application de l'article L. 1233-57-3 du même code, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, seul compétent, que la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel a été régulière et que cet accord et le plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu sont conformes aux exigences résultant des dispositions législatives et des stipulations conventionnelles qui les régissent et qui sont mentionnées à cet article.

10. S'agissant du contrôle du respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, il découle de ce qui a été dit aux points 5 et 6, en premier lieu, qu'il incombe à l'administration, dans le cadre de son contrôle global de la régularité de la procédure d'information et de consultation, de vérifier que l'employeur a adressé au comité social et économique, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité ou à des observations ou des injonctions formulées par l'administration, parmi tous les éléments utiles qu'il doit lui transmettre pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, des éléments relatifs à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, ainsi que, en présence de telles conséquences, les actions projetées pour les prévenir et en protéger les travailleurs, de façon à assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale. A cet égard, lorsque l'accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi soumis à validation porte notamment sur les conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, l'administration doit seulement vérifier la régularité de l'information du comité social et économique sur ces éléments, ainsi qu'il résulte des dispositions du I de l'article L. 1233-30 du code du travail cité au point 3.

11. En second lieu, il appartient à l'administration, dans le cadre du contrôle qui lui incombe lorsqu'elle est saisie d'une demande de validation d'un accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi, de vérifier, au vu d'abord de ces éléments d'identification et d'évaluation des risques, des débats qui se sont déroulés au sein du comité social et économique, des échanges d'informations et des observations et injonctions éventuelles formulées lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi conformément à ce qui est dit au point 8, dès lors qu'ils conduisent à retenir que la réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs, si l'employeur a arrêté des actions pour y remédier et si celles-ci correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, qui, prises dans leur ensemble, sont, au regard de ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs. A cet égard, l'administration, pour apprécier si ces exigences sont satisfaites, doit accorder une importance particulière à la circonstance que de telles mesures figurent dans un accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi.

Sur les pourvois :

12. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande de validation de l'accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Blizzard Entertainment signé le 30 mars 2021 a été transmise à l'administration le 12 avril 2021. Après avis donné le 15 avril 2021 du caractère incomplet du dossier, des pièces complémentaires ont été transmises par l'employeur et l'administration a informé, le 10 mai 2021, celui-ci, les organisations syndicales représentatives ainsi que le CSE du caractère complet du dossier à compter du 3 mai 2021. Toutefois, le 18 mai 2021, la société Blizzard Entertainment a retiré, suite à un échange avec l'administration, la demande de validation de l'accord collectif afin, en particulier, d'informer et de consulter de nouveau le CSE sur les mesures de prévention des risques pour la sécurité et la santé des travailleurs dans le cadre de la période transitoire conduisant à la cessation d'activité de la société. L'accord collectif majoritaire du 30 mars 2021 ainsi qu'une fiche distincte intitulée " conséquences sur la santé, la sécurité et les conditions de travail " composée de quatre points, dont l'un est consacré aux aspects santé, sécurité et conditions de travail des salariés maintenus en fonction jusqu'à la cessation d'activité de la société et une annexe reprenant notamment le rapport annuel de l'entreprise sur les mesures relatives à la santé, la sécurité et les conditions de travail ont fait l'objet d'une transmission à l'administration le 11 juin 2021, le caractère complet du dossier de demande de validation de l'accord collectif majoritaire ayant été acté le 7 juillet 2021 et notifié à cette date aux parties.

13. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a relevé que si la décision attaquée se fonde sur l'ensemble des éléments mentionnés au point 12, en particulier ceux relatifs aux mesures prises pour l'équipe de transition, il est constant qu'aucun avenant à l'accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi n'a été signé pour intégrer les éléments produits par l'employeur après la signature de l'accord, qu'aucune demande d'homologation de ces éléments n'a été présentée, et que l'autorité administrative s'est bornée à valider l'accord collectif majoritaire sans procéder à l'homologation des éléments élaborés par l'employeur, de sorte que sa décision est entachée d'illégalité. En statuant ainsi, alors que, comme cela est dit au point 6, il incombe à l'administration, saisie d'une demande de validation d'un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi, de vérifier les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée, qu'elles figurent dans l'accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi, le cas échéant, précisé et complété, par avenant, ou par tout autre document, ou dans des documents produits par l'employeur, dès lors que seul l'employeur a la responsabilité d'assurer la sécurité et de protéger la santé des travailleurs, la cour a commis une erreur de droit.

14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, que le ministre chargé du travail et la société Blizzard Entertainment sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

Sur la requête d'appel :

15. Le délai de trois mois imparti par les dispositions de l'article L. 1235-7-1 du code du travail à la cour administrative d'appel pour statuer étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application des mêmes dispositions, de statuer immédiatement sur l'appel formé par le CSE de la société Blizzard Entertainment et par M. A... contre le jugement du 7 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de validation du 8 juillet 2021.

16. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obstacle à ce que l'employeur retire, après échange avec l'administration, sa première demande de validation de l'accord collectif majoritaire, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'aucune décision de validation expresse ou implicite n'était alors intervenue dans les conditions fixées par l'article L. 1233-57-4 du code du travail selon lequel l'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif, le silence gardé pendant ce délai valant décision d'acceptation de validation.

17. En deuxième lieu, ainsi qu'il est dit au point 13, la décision de validation de l'accord collectif majoritaire, qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne peut être regardé comme ayant été modifié unilatéralement par l'employeur après sa signature, n'est pas illégale au motif qu'elle a été adoptée par l'autorité administrative en prenant en compte les éléments produits par l'employeur, pour préciser et compléter les mesures relatives à la préservation de la sécurité et de la santé des travailleurs figurant dans l'accord collectif.

18. En troisième lieu, les moyens tirés de la commission, par l'employeur, de faits susceptibles d'être qualifiés de délits d'entrave, infraction pénale réprimée par l'article L. 2317-1 du code du travail, en particulier au regard des modalités d'établissement de l'ordre du jour de certaines réunions du CSE, du non-remplacement de membres élus empêchés d'assister à une réunion du 28 octobre 2020 pour des raisons de santé, entachant, par suite, la procédure d'information et de consultation du CSE d'irrégularité, ne relèvent pas de la compétence du juge administratif.

19. En quatrième lieu, en vertu de l'article L. 2315-28 du code du travail, le comité social et économique se réunit sur convocation de l'employeur ou de son représentant. Il ressort des pièces du dossier que la personne ayant procédé aux convocations des membres du CSE pour les réunions d'information et de consultation qui se sont déroulées d'octobre à décembre 2020 avait reçu délégation de la directrice générale de la société Blizzard Entertainment. Par suite, le moyen tiré de ce que, pour ce seul motif, la procédure d'information et de consultation du CSE aurait été irrégulière ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté. Enfin, la circonstance que le directeur des ressources humaines a présidé ces réunions, représentant l'employeur conformément aux dispositions de l'article L. 2315-23 du code du travail, ne saurait entacher la procédure d'irrégularité.

20. En cinquième lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 14 et 15 de leur jugement, d'écarter les moyens tirés de ce que l'expert n'a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au CSE de formuler ses avis en toute connaissance de cause, de sorte que la procédure d'information et de consultation du CSE serait entachée d'irrégularité.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le CSE de la société Blizzard Entertainment et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 30 mars 2021 fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Blizzard Entertainment.

22. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CSE de la société Blizzard Entertainment et de M. A... la somme que demande la société Blizzard Entertainment en cassation et en appel. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et de la société Blizzard Entertainment qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 13 avril 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : La requête présentée par le comité social et économique de la société Blizzard Entertainment et par M. A... devant la cour administrative d'appel de Versailles est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en cassation et en appel par la société Blizzard Entertainment au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées en cassation et en appel par le comité social et économique de la société Blizzard Entertainment et par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à la société Blizzard Entertainment, au comité social et économique de la société Blizzard Entertainment et à M. B... A....


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 464864
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2023, n° 464864
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Brouard-Gallet
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464864.20231219
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