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04/10/2023 | FRANCE | N°453135

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 04 octobre 2023, 453135


Vu la procédure suivante :

L'association de défense du cadre de vie Sainte-Victoire, la société Le château de la Verrerie et l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler, d'une part, le récépissé de déclaration d'antériorité du 26 mars 2015 délivré par le préfet du Var à la société Provencialis concernant l'exploitation de dix éoliennes et trois postes de livraison sur la commune d'Artigues et, d'autre part, celui du 6 mai 2015, délivré par cette même autorité à

la même société concernant l'exploitation de douze éoliennes et deux postes de l...

Vu la procédure suivante :

L'association de défense du cadre de vie Sainte-Victoire, la société Le château de la Verrerie et l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler, d'une part, le récépissé de déclaration d'antériorité du 26 mars 2015 délivré par le préfet du Var à la société Provencialis concernant l'exploitation de dix éoliennes et trois postes de livraison sur la commune d'Artigues et, d'autre part, celui du 6 mai 2015, délivré par cette même autorité à la même société concernant l'exploitation de douze éoliennes et deux postes de livraison sur la commune d'Ollières. Par un jugement n° 1800022 du 10 février 2020, le tribunal administratif de Toulon a annulé ces deux récépissés.

Par une ordonnance n° 20MA01469 du 15 juillet 2020, le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a prononcé le sursis à l'exécution de ce jugement.

Par un arrêt n° 20MA01300, 20MA03025 du 31 mars 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les requêtes en appel formées par la société Provencialis et la ministre de la transition écologique contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 mai 2021 et 24 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Provencialis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'association de défense du cadre de vie Sainte-Victoire, de la société Le château de la Verrerie et de l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France la somme globale de 5 000 euros à verser à son avocat, la SARL cabinet Briard, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- le décret n° 2011-984 du 23 août 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société Provencialis et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, devenue l'association Sites et Monuments ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 septembre 2023, présentée par l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, devenue l'association Sites et Monuments ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un projet portant sur la réalisation d'un parc de 22 éoliennes sur le territoire des communes d'Artigues et d'Ollières a fait l'objet d'autorisations de défrichement par arrêtés du préfet du Var des 11 décembre 2007, 19 décembre 2007, 21 décembre 2007 et 25 avril 2008, ainsi que de six permis de construire délivrés par le préfet le 25 janvier 2008. Ces permis, initialement sollicités par la société Eco Delta, ont été transférés, par arrêtés préfectoraux du 5 janvier 2015, à la société Provencialis. Cette dernière a déposé auprès du préfet du Var, les 10 février et 28 avril 2015, des demandes d'autorisation de fonctionnement de ces installations au bénéfice des droits acquis sur le fondement des dispositions de l'article L. 553-1 du code de l'environnement. Ces demandes ont donné lieu à la délivrance par le préfet de deux récépissés de déclaration d'antériorité datés respectivement, pour les dix éoliennes situées sur la commune d'Artigues, du 26 mars 2015, et, pour les douze situées sur la commune d'Ollières, du 6 mai 2015. Par un jugement du 10 février 2020, le tribunal administratif de Toulon a, sur recours de l'association de défense du cadre de vie Sainte-Victoire, de la SCI Le château de la Verrerie et de l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, annulé ces récépissés. Par un arrêt du 31 mars 2021, contre lequel la société Provencialis se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les requêtes d'appel de cette société et de la ministre de la transition écologique dirigées contre cet arrêt.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 553-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dont les dispositions ont depuis été reprises à l'article L. 515-44 du même code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 513-1, les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2, ayant fait l'objet de l'étude d'impact et de l'enquête publique prévues à l'article L. 553-2, dans sa rédaction en vigueur jusqu'à la publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, et bénéficiant d'un permis de construire, peuvent être mises en service et exploitées dans le respect des prescriptions qui leur étaient applicables antérieurement à la date de leur classement au titre de l'article L. 511-2. / Les installations visées au premier alinéa sont, à cette date, soumises au titre Ier du présent livre et à ses textes d'application. / L'exploitant de ces installations doit se faire connaître du préfet dans l'année suivant la publication du décret portant modification de la nomenclature des installations classées. Les renseignements que l'exploitant doit transmettre au préfet ainsi que les mesures que celui-ci peut imposer afin de sauvegarder les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 sont précisés par décret en Conseil d'Etat. / Les demandes déposées pour des installations avant leur classement au titre de l'article L. 511-2 et pour lesquelles l'arrêté d'ouverture d'enquête publique a été pris sont instruites selon les dispositions qui leur étaient antérieurement applicables. Au terme de ces procédures, les installations concernées sont soumises au titre Ier du présent livre et à ses textes d'application. / Les installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent constituant des unités de production telles que définies au 3° de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, et dont la hauteur des mâts dépasse 50 mètres sont soumises à autorisation au titre de l'article L. 511-2, au plus tard un an à compter de la date de publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 précitée. La délivrance de l'autorisation d'exploiter est subordonnée à l'éloignement des installations d'une distance de 500 mètres par rapport aux constructions à usage d'habitation, aux immeubles habités et aux zones destinées à l'habitation définies dans les documents d'urbanisme en vigueur à la date de publication de la même loi ".

3. D'autre part, les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs ont été insérées dans la nomenclature des installations classées par le décret du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées, publié au Journal officiel du 25 août 2011, qui a notamment soumis à autorisation au titre de l'article L. 511-2 celles comprenant au moins un aérogénérateur dont le mât a une hauteur supérieure ou égale à 50 mètres.

4. Il résulte des dispositions prévues aux trois premiers alinéas de l'article L. 553-1 du code de l'environnement précité que le législateur a entendu mettre en place un régime transitoire destiné à préserver les droits résultant, pour les exploitants d'installations éoliennes terrestres de production d'électricité, de la délivrance d'un permis de construire antérieurement à l'inscription de ces installations au régime des installations classées pour la protection de l'environnement par le décret du 23 août 2011 mentionné ci-dessus, sous réserve, pour l'exploitant, de se faire connaître du préfet dans un délai d'un an suivant la publication de ce décret.

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, pour juger illégaux les récépissés de déclaration d'antériorité délivrés les 26 mars et 6 mai 2015 par le préfet du Var et confirmer leur annulation prononcée par le tribunal administratif de Toulon, a considéré que la société requérante ne s'était fait connaître du préfet que le 30 avril 2015, soit postérieurement à l'expiration du délai d'un an suivant la publication du décret du 23 août 2011. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société pétitionnaire avait obtenu, par arrêté du préfet du Var du 25 janvier 2008, les permis de construire nécessaires, à la date à laquelle ils ont été délivrés, à la construction et à l'exploitation du parc de 22 éoliennes sur les communes d'Artigues et d'Ollières. Si ces permis ont été annulés par deux jugements du tribunal administratif de Toulon du 20 décembre 2010, ils ont ensuite été définitivement rétablis, ainsi que l'a relevé la cour dans l'arrêt attaqué, par l'effet, s'agissant du parc d'Artigues, de l'arrêt du 31 juillet 2014 de la cour administrative d'appel de Marseille annulant le jugement relatif à ce premier parc et, s'agissant du parc d'Ollières, par l'arrêt du 31 juillet 2014 de la cour administrative d'appel de Marseille annulant le jugement relatif à ce second parc, devenu irrévocable à la suite de la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 9 avril 2015 n'admettant pas les conclusions du pourvoi dirigées contre cet arrêt.

6. Dès lors, si la société requérante n'a pas été en mesure de se faire utilement connaître du préfet dans l'année suivant la publication du décret du 23 août 2011, faute de disposer à cette période de permis de construire valides, cette circonstance ne résulte que de la procédure contentieuse qui avait été engagée à l'encontre des permis dont elle était bénéficiaire. La société Provencialis doit, en conséquence, être regardée comme ayant été empêchée pour des raisons indépendantes de sa volonté de se prévaloir du droit d'antériorité prévu par le législateur dans le délai d'un an prévu au troisième alinéa de l'article L. 553-1 du code de l'environnement, lequel devait être regardé comme suspendu par les procédures contentieuses en cours à cette période. Par suite, en jugeant que les procédures contentieuses relatives aux permis de construire délivrés en 2008 à la société pétitionnaire n'avaient pas pu avoir pour effet de suspendre ou d'interrompre le délai d'un an prévu par les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 553-1 du code de l'environnement issues de la loi du 12 juillet 2010, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société Provencialis est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille qu'elle attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administration font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Provencialis qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association de défense du cadre de vie Sainte-Victoire, de la société Le château de la Verrerie et de l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, devenue l'association Sites et Monuments, la somme globale de 3 500 euros à verser à la société Provencialis au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 31 mars 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : L'association de défense du cadre de vie Sainte-Victoire, la société Le château de la Verrerie et l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, devenue l'association Sites et Monuments, verseront à la société Provencialis une somme globale de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, devenue l'association Sites et Monuments, présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Provencialis, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, devenue l'association Sites et Monuments, à l'association de défense du cadre de vie Sainte-Victoire et à la société Le château de la Verrerie.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 4 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. David Gaudillère

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 453135
Date de la décision : 04/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 oct. 2023, n° 453135
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Gaudillère
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:453135.20231004
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