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18/09/2023 | FRANCE | N°466871

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 18 septembre 2023, 466871


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Lupa Patrimoine France a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2006, ainsi que des majorations correspondantes. Par un jugement n° 1105856 du 18 juillet 2012, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 12PA03962 du 18 février 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement par

le ministre de l'économie et des finances.

Par une décision nos 377904, 377906 ...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Lupa Patrimoine France a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2006, ainsi que des majorations correspondantes. Par un jugement n° 1105856 du 18 juillet 2012, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 12PA03962 du 18 février 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement par le ministre de l'économie et des finances.

Par une décision nos 377904, 377906 du 6 juillet 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 16PA02401 du 8 juillet 2022, cette cour a, sur appel du ministre de l'économie, des finances, et de la relance, annulé le jugement du 18 juillet 2012 du tribunal administratif de Paris (article 1er) puis, statuant par la voie de l'évocation, a fait droit à la demande de la société Lupa Patrimoine France (article 2) et a, enfin, rejeté le surplus des conclusions d'appel du ministre (article 4).

Par un pourvoi, un mémoire en réplique et deux autres mémoires, enregistrés le 22 août 2022 et les 30 juin, 27 juillet et 1er septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 2 et 4 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter la demande de la société Lupa Patrimoine France.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre la France et le Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958 et modifiée par l'avenant du 8 septembre 1970 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société Lupa Patrimoine France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la SARL de droit français Lupa Patrimoine France, l'administration fiscale, remettant en cause sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales la prise en compte du déficit extracomptable déclaré par cette société à l'occasion de la dissolution sans liquidation des sociétés civiles immobilières (SCI) dont elle était associée unique, a mis à sa charge, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2006, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de la majoration de 80 % pour abus de droit, pour un montant total de 27 954 875 euros. Par une décision du 6 juin 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 18 février 2014 de la cour administrative d'appel de Paris rejetant l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre le jugement du 18 juillet 2012 du tribunal administratif de Paris ayant prononcé la décharge de ces impositions et majorations. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre les articles 2 et 4 de l'arrêt du 8 juillet 2022 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, après avoir partiellement annulé par son article 1er le jugement du 18 juillet 2012, a, statuant dans cette mesure par la voie de l'évocation, déchargé la société des impositions et majorations en litige (article 2) et rejeté le surplus des conclusions d'appel du ministre (article 4).

Sur le pourvoi :

2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité ".

3. Aux termes de l'article 4 de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, dans sa version applicable au litige : " Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable ". Aux termes de l'article 19 de cette même convention : " 2. Nonobstant les dispositions de la présente Convention, chacun des deux Etats contractants conserve le droit d'imposer suivant les règles propres à sa législation les produits de participation dans des entreprises constituées sous forme de sociétés civiles, de sociétés en nom collectif, de sociétés de fait et d'associations en participation ainsi que pour les parts des commandités dans les sociétés en commandite simple ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que les sociétés de droit français Foncière Colbert Orco Patrimoine (FCOP) et Foncière Colbert Orco Management (FCOM) étaient associées de sept SCI, la SCI du 50-52 rue d'Amsterdam, la SCI du 90-92 rue Baudin, la SCI Béranger Libération, la SCI du 7 rue de Châteaudun, la SCI du 33 quai de Galliéni, la SCI du 7 rue Saint-Philippe du Roule et la SCI du 30 rue Victor Hugo (ci-après : " les SCI "), lesquelles détenaient chacune un immeuble situé en France, et qu'elles contrôlaient respectivement à 99,99 % et à 0,01 %. Le 20 novembre 2000, elles ont cédé les parts de ces SCI respectivement aux SA de droit luxembourgeois Amsterdam, Baudin, Béranger Libération Châteaudun, Quai Galliéni, Saint Philippe du Roule et rue Victor Hugo (ci-après : " les SA "), contrôlées à 100 % par la société de droit luxembourgeois Lupa.

5. Il ressort également des pièces du dossier soumis au juge du fond que, le 28 mars 2006, la société Lupa a cédé les titres des SA à la requérante, constituée entretemps et qu'elle contrôlait également à 100 %, pour un prix total de 50 560 000 euros. Le 29 mars 2006, les SA ainsi cédées ont réévalué à leur actif les parts des SCI, portant la valeur comptable de ces parts à la hauteur du prix payé par la requérante pour leur propre acquisition. Le même jour, cette dernière a procédé à la dissolution sans liquidation des SA avec transmission universelle à son profit des parts des SCI, réalisant un mali de confusion de 139 132 euros du fait de la trésorerie négative des sociétés confondues. Le 30 mars 2006, les SCI ont réévalué les immeubles inscrits à leur bilan à hauteur de 63 238 433 euros, dégageant un résultat fiscal net de 52 829 054 euros après prise en compte d'autres opérations dont des amortissements différés sur ces mêmes immeubles, taxable entre les mains de leur associée unique, la société Lupa Patrimoine France. Cette dernière a, le même jour, procédé à la dissolution sans liquidation des SCI avec transmission universelle à son profit des immeubles détenus, dégageant un mali de confusion de 800 478 euros ainsi que, pour déterminer le produit de l'annulation des parts de ces sociétés par application du correctif résultant de la décision " Société anonyme Etablissements Quémener " du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 16 février 2000 (ci-après : " la correction Quéméner "), un déficit extracomptable de 52 829 054 euros égal au résultat fiscal dégagé par les SCI à l'étape précédente et taxé entre ses mains, soit une moins-value fiscale de 53 629 533 euros. Dans l'ensemble, et après prise en compte d'autres opérations, la requérante a déclaré un résultat fiscal déficitaire de 10 131 283 euros au titre de l'exercice clos en 2006.

6. Pour juger que la société Lupa Patrimoine France ne pouvait être regardée comme ayant fait un usage abusif de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, la cour s'est bornée à relever que cette société n'avait pas elle-même réalisé d'opérations entrant dans le champ d'application de cette convention. En statuant ainsi, alors que le ministre faisait valoir devant elle que l'interposition des SA et de la société Lupa entre, d'une part, la sortie des parts des SCI de l'actif des sociétés FCOP et FCOM, et, d'autre part, l'entrée de ces mêmes parts dans l'actif de la société Lupa Patrimoine France, présentait un caractère artificiel et n'avait eu d'autre but que de faire échapper, par application de la convention, le profit de réévaluation des immeubles détenus par les SCI dans le cadre d'une opération immobilière du groupe Lupa à toute imposition en France entre les mains de la société Lupa Patrimoine France, la cour a insuffisamment motivé son arrêt.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'il attaque.

8. En revanche, le ministre, qui ne soulève aucun moyen dirigé contre les motifs par lesquels la cour a déclaré irrecevables ses conclusions d'appel relatives à l'application de la majoration de 80 % pour abus de droit en lieu et place de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 4 du même arrêt.

9. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée.

Sur le règlement au fond :

En ce qui concerne l'abus de la " correction Quéméner " résultant, selon le ministre, des actes réalisés entre le 28 et le 31 mars 2006 :

10. Il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification du 18 décembre 2009, la réponse aux observations du contribuable du 16 mars 2010, la décision de rejet de la réclamation du contribuable du 27 janvier 2011 et dans ses écritures devant le tribunal administratif, reprises en substance en appel, notamment dans son mémoire récapitulatif du 23 septembre 2021, le ministre soutenait que les actes réalisés par les sociétés du groupe Lupa entre le 28 mars 2006 et le 31 mars 2006, à savoir l'acquisition des titres des SA par la société Lupa Patrimoine France le 28 mars 2006, la réévaluation libre des parts de SCI détenues par ces sociétés le 29 mars 2006, la dissolution-confusion de ces sociétés le même jour, la réévaluation de l'actif des SCI le 30 mars 2006 et la dissolution de ces dernières le 31 mars 2006, sont constitutifs d'un abus de droit ayant permis à la requérante de bénéficier artificiellement, à l'occasion de la dernière de ces opérations, de la " correction Quéméner ".

11. Dans le cas où une société vient à retirer de l'actif de son bilan, à la suite d'une cession ou de la dissolution sans liquidation avec confusion de patrimoine prévue à l'article 1844-5 du code civil, les parts qu'elle détenait jusqu'alors dans une société relevant du régime prévu à l'article 8 du code général des impôts, le résultat de cette opération doit être calculé en retenant comme prix de revient de ces parts leur valeur d'acquisition, majorée en premier lieu, d'une part, de la quote-part des bénéfices de cette société revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé ci-dessus, d'autre part, des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé.

12. La règle énoncée au point précédent a pour objet d'assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale, compte tenu de la nature spécifique du régime prévu à l'article 8 du code général des impôts et trouve notamment à s'appliquer à la quote-part de bénéfices revenant à l'associé d'une société soumise à ce régime lorsque ces bénéfices résultent d'une réévaluation des actifs sociaux, qu'elle soit opérée par l'administration fiscale dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle et ait pour effet d'accroître rétroactivement la base d'imposition de la société au titre de la période d'imposition close par la dissolution de la société et l'annulation consécutive des parts détenues par l'associé ou que cette réévaluation intervienne au moment de la dissolution de la société soumise au régime spécifique.

13. Les opérations décrites au point 5 ont amené la société Lupa Patrimoine France à acquérir les titres des SA pour une valeur totale de 50 560 000 euros, puis à inscrire, après leur dissolution-confusion le 29 mars 2006, les parts des SCI directement à son actif à la même valeur, et enfin à réaliser une moins-value de confusion de 800 478 euros après dissolution-confusion de ces dernières le 30 mars 2006.

14. En permettant à la requérante de déduire un déficit extracomptable de 52 829 054 euros neutralisant l'imposition dont elle était redevable au titre de la réévaluation de l'actif des SCI, la " correction Quéméner " aboutit à ce qu'elle soit imposée à raison du seul enrichissement dont elle a bénéficié à raison de la détention des parts de la SCI. L'application de cette correction n'était ainsi pas, par elle-même, contraire à l'objectif de neutralité d'application de la loi fiscale au niveau de la société Lupa Patrimoine France.

15. Le ministre soutient néanmoins que l'ordre des actes litigieux était de nature à caractériser un but exclusivement fiscal. Il relève, d'une part, que si la réévaluation des immeubles inscrits à l'actif des SCI avait été réalisée avant la dissolution des SA qui les contrôlaient, le profit de réévaluation aurait été taxable en France. Il soutient, d'autre part, que si la réévaluation des immeubles avait été effectuée, après la dissolution des SCI, à l'actif de la requérante, celle-ci aurait également supporté l'impôt sur le profit de réévaluation ainsi dégagé.

16. Toutefois, à supposer même que la charge fiscale de la requérante ait effectivement été allégée par l'ordre dans lequel ces actes ont été réalisés, il ne saurait être déduit de cette seule circonstance l'existence d'un abus de droit, faute de pouvoir écarter un ou plusieurs actes qui auraient été pris pour rechercher, dans un but exclusivement fiscal, le bénéfice d'une application littérale des textes en cause contraire à l'intention de leurs auteurs.

En ce qui concerne les autres abus de droit dénoncés par le ministre :

17. Le ministre doit être regardé comme sollicitant, par ailleurs, et notamment dans son mémoire récapitulatif du 23 septembre 2021, plusieurs substitutions de motifs.

18. Il soutient, tout d'abord, que les actes réalisés entre le 28 et le 31 mars 2006, visés au point 6, auraient eu pour objet la recherche, dans un but exclusivement fiscal, du bénéfice de l'application de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 pour faire obstacle à la taxation du profit réalisé par les SA à l'occasion de la réévaluation, le 29 mars 2006, des parts de SCI qu'elles détenaient.

19. Il fait également valoir, à titre subsidiaire, que les sociétés anonymes acquises par la requérante étaient dépourvues de substance économique, et que l'ensemble des actes impliquant l'interposition de ces sociétés entre la requérante et les SCI, lesquels prenaient leur origine dans leur acquisition de ces dernières en 2000, avait le caractère d'un montage artificiel ayant la même finalité d'abuser de la convention franco-luxembourgeoise. A titre également subsidiaire, le ministre soutient que l'interposition de la société Lupa revêtait elle aussi un caractère artificiel, de telle sorte à lui permettre d'écarter l'ensemble des actes survenus entre la cession des parts des SCI par les sociétés FCOP et FCOM, d'une part, et leur acquisition directe par la requérante, d'autre part.

20. Enfin, le ministre soutient que la recherche, dans un but exclusivement fiscal, du bénéfice de l'application de la convention franco-luxembourgeoise a conduit, par voie de conséquence, à un abus de la " correction Quéméner ", les deux abus étant selon lui indissociables. Il relève à cet égard que la requérante devait être regardée, une fois l'interposition de l'ensemble des sociétés luxembourgeoises écartées, comme ayant réalisé le profit de réévaluation des immeubles correspondant à leur prise de valeur survenue entre 2000 et 2006. Selon lui, dès lors que la convention franco-luxembourgeoise faisait obstacle à la taxation de la plus-value réalisée sur les immeubles et artificiellement placée entre les mains des sociétés luxembourgeoises interposées, l'application de la " correction Quéméner " ayant abouti à la neutralisation de l'imposition de la requérante ne pouvait être conforme à l'objectif de neutralité économique poursuivi par la loi fiscale.

21. Toutefois, ces abus de droit étant distincts de celui, décrit au point 10, qui fondait la proposition de rectification du 18 décembre 2009 et la réponse aux observations du contribuable du 16 mars 2010, s'agissant tant de la norme dont la requérante aurait cherché à obtenir une application littérale à l'encontre de l'objectif poursuivi par ses auteurs, que du périmètre des actes constitutifs de l'abus de droit, la requérante est fondée à soutenir qu'elle serait privée, s'il était fait droit aux substitutions de motifs demandées, de la garantie donnée par la loi fiscale tenant à la possibilité de saisir le comité de l'abus de droit fiscal.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lupa Patrimoine France est fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités restant en litige, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006.

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à la société Lupa Patrimoine France.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 8 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : La société Lupa Patrimoine France est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités restant en litige, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006.

Article 3 : L'Etat versera à la société Lupa Patrimoine France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Lupa Patrimoine France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 septembre 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.

Rendu le 18 septembre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. François-René Burnod

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 466871
Date de la décision : 18/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 sep. 2023, n° 466871
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François-René Burnod
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:466871.20230918
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