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26/06/2023 | FRANCE | N°459272

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 26 juin 2023, 459272


Vu la procédure suivante :

Par une décision n° 459272 du 28 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a admis les conclusions du pourvoi de Mme H... A... B..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante de sa fille Mme D... E..., majeure protégée, Mme C... E... et M. F... E... dirigées contre l'arrêt n° 21MA01525 du 10 novembre 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité d'exercer un jour une activité professionnelle e

t à l'indemnisation du préjudice d'incidence professionnelle.

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Vu la procédure suivante :

Par une décision n° 459272 du 28 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a admis les conclusions du pourvoi de Mme H... A... B..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante de sa fille Mme D... E..., majeure protégée, Mme C... E... et M. F... E... dirigées contre l'arrêt n° 21MA01525 du 10 novembre 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité d'exercer un jour une activité professionnelle et à l'indemnisation du préjudice d'incidence professionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) conclut au rejet du pourvoi.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 30 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... et autres persistent dans les conclusions de leur pourvoi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme E... et autres, et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces soumises aux juges du fond que, par un arrêt n° 21MA01525 du 10 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a porté l'indemnité versée à Mme A... B..., en sa qualité de représentante de sa fille D... E..., à un montant de 1 379 288,75 euros et fixé le montant de la rente trimestrielle versée à Mme A... B... en sa qualité de représentante de sa fille à 18 540 euros, en réparation des préjudices subis du fait de l'infection nosocomiale contractée par Mme D... E... au centre hospitalier de La Timone à Marseille. Par une décision n° 459272 du 28 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a admis les conclusions du pourvoi formé par Mme A... B... et autres contre l'arrêt du 10 novembre 2021, en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité d'exercer un jour une activité professionnelle et à l'indemnisation du préjudice d'incidence professionnelle.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond, notamment de l'avis du 25 février 2013 du sapiteur désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille et d'une évaluation psychométrique détaillée du pôle hospitalo-universitaire enfant G..., que Mme D... E..., qui a contracté au centre hospitalier de La Timone une infection nosocomiale en 1994, lors de ses premiers jours de vie, conserve d'importantes séquelles neurocognitives, se traduisant notamment par des troubles moteurs, des crises épileptiques, des céphalées chroniques, une fatigabilité accrue et une très grande lenteur d'action et de réflexion, sans capacité à mémoriser des consignes ni des séquences de gestes et à anticiper des actions, pour lesquels la cour administrative d'appel de Marseille a admis un déficit fonctionnel définitif de 65 % et accordé une assistance par tierce personne de douze heures par jour. Dès lors, en jugeant que Mme D... E... n'est pas dans l'impossibilité d'exercer une activité salariée, sous réserve d'un aménagement de son poste de travail, la cour administrative d'appel de Marseille a dénaturé les pièces du dossier.

3. Par suite, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille doit être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité d'exercer un jour une activité professionnelle et à l'indemnisation du préjudice d'incidence professionnelle.

Sur le règlement au fond du litige :

4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

En ce qui concerne la perte de revenus professionnels et la perte consécutive des droits à pension :

5. Il résulte de l'instruction que Mme E..., qui conserve de lourdes séquelles de sa maladie, nécessite l'aide d'une tierce personne pendant douze heures par jour et ne peut rester seule plus d'une heure. Son handicap l'a placée dans l'incapacité totale et définitive d'exercer un jour une activité professionnelle. Elle est, par suite, fondée à se prévaloir à ce titre de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de ses droits à pension.

6. Il résulte de l'instruction que le salaire mensuel médian net s'établissait en 2012, année de la majorité de Mme E..., à 1 730 euros et que celle-ci a touché, depuis l'année de sa majorité jusqu'à la date de la présente décision, la somme totale de 93 174, 66 euros au titre de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Il y a lieu, par suite, d'allouer à Mme A... B..., en sa qualité de représentante de sa fille D... E..., au titre de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension qu'elle a subies, pour la période écoulée depuis sa majorité jusqu'à la présente décision, une somme de 170 000 euros.

7. Pour la période postérieure à la présente décision, il apparaît que le versement d'une rente mensuelle constitue, dans les circonstances de l'espèce, la modalité de réparation la plus équitable. Il y a lieu d'allouer à Mme A... B..., en sa qualité de représentante de sa fille D... E..., en réparation de sa perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, une rente correspondant au salaire médian net pour l'année 2023 de 2 200 euros par mois, dont le montant sera annuellement revalorisé par application des coefficients légalement fixés. Les sommes perçues par Mme E... au titre de l'allocation aux adultes handicapés ainsi que de toute autre allocation ou pension destinée à compenser les pertes de revenus professionnels seront, le cas échéant, déduites de cette rente, sur la base des justificatifs que Mme E... devra adresser au centre hospitalier.

En ce qui concerne le préjudice d'incidence professionnelle :

8. Mme E..., étant dans l'incapacité d'exercer un jour un emploi, n'est pas fondée à se prévaloir d'un préjudice d'incidence professionnelle résultant de la pénibilité accrue du travail et de la contrainte de restreindre ses recherches d'emploi vers des postes aménagés, moins valorisés et à temps partiel. La requérante est en revanche fondée à se prévaloir d'un préjudice d'incidence professionnelle résultant de la perte du sentiment de valorisation sociale et de l'épanouissement liée à l'impossibilité pour elle d'exercer une profession. Il sera fait une juste réparation de ce préjudice par une indemnité de 45 000 euros.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 3 000 euros à verser à Mme A... B... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt n° 21MA01525 du 10 novembre 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité d'exercer un jour une activité professionnelle et à l'indemnisation du préjudice d'incidence professionnelle.

Article 2 : L'AP-HM versera à Mme A... B..., en sa qualité de représentante de sa fille Mme E... et en réparation de son préjudice tiré de la perte de revenus professionnel et de la perte consécutive de droits à pension, les indemnités et la rente calculées comme indiqué aux points 6 et 7 de la présente décision.

Article 3 : L'AP-HM versera à Mme A... B..., en sa qualité de représentante de sa fille Mme E... et en réparation de son préjudice d'incidence professionnelle, une indemnité de 45 000 euros.

Article 4 : L'AP-HM versera à Mme A... B... et autres une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme H... A... B..., première requérante dénommée, et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 juin 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Hortense Naudascher, auditrice-rapporteure.

Rendu le 26 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Hortense Naudascher

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 459272
Date de la décision : 26/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2023, n° 459272
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:459272.20230626
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