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10/11/2021 | FRANCE | N°21MA01525

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 10 novembre 2021, 21MA01525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... A... B..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de qualité de représentante de sa fille Mme D... E..., majeure protégée, Mme C... E... et M. F... E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à verser les sommes de 300 000 euros à Mme A... B..., de 50 000 euros chacun à Mme C... E... et à M. F... E... et de 3 023 442,72 euros à Mme A... B..., en sa qualité de curatrice de Mme D... E..., ainsi qu'une rente

trimestrielle de 33 798,23 euros, en réparation des préjudices qu'ils estim...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... A... B..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de qualité de représentante de sa fille Mme D... E..., majeure protégée, Mme C... E... et M. F... E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à verser les sommes de 300 000 euros à Mme A... B..., de 50 000 euros chacun à Mme C... E... et à M. F... E... et de 3 023 442,72 euros à Mme A... B..., en sa qualité de curatrice de Mme D... E..., ainsi qu'une rente trimestrielle de 33 798,23 euros, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'infection nosocomiale contractée par Mme D... E... au centre hospitalier de la Timone (Marseille).

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes de Haute-Provence a demandé au tribunal de condamner l'AP-HM à lui verser la somme de 90 421,71 euros au titre des débours exposés pour son assurée et la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1510357 du 12 mars 2018, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'AP-HM à verser à Mme A... B..., en son nom personnel, la somme de 11 556,51 euros et, en qualité de curatrice de sa fille, la somme de 294 759,60 euros ainsi qu'une rente mensuelle d'un montant de 5 300 euros, et à la CPAM des Alpes de Haute-Provence les sommes de 32 487,71 euros ainsi qu'une rente annuelle d'un montant de 1 117,30 euros au titre des débours, outre l'indemnité forfaitaire de gestion de 1 066 euros, et a mis les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 200 euros, à la charge définitive de l'AP-HM.

Par un arrêt n° 18MA02162 du 4 juillet 2019, la cour, sur appel principal des consorts A... B..., sur appel incident de l'AP-HM et sur appel provoqué de la CPAM des Alpes de Haute-Provence, a porté à 795 922 ,93 euros le montant de la somme que l'AP-HM a été condamnée à verser à Mme D... E... par ce jugement du tribunal administratif de Marseille, sous déduction de la somme perçue à compter de sa majorité au titre de l'allocation adulte handicapé avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, a modifié la rente due à Mme D... E... en la fixant à la somme de 17 503 euros par trimestre à payer par trimestre échu avec revalorisation par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale et, enfin, a élevé de 11 556,51 euros à 15 000 euros le montant de l'indemnité due à Mme A... B... en réparation de ses préjudices personnels.

Par une décision n° 433099, 434245 du 20 avril 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt de la cour en tant qu'il statue sur le préjudice professionnel de Mme E..., en tant qu'il procède à la déduction de la somme à percevoir au titre de l'allocation adulte handicapé, en tant qu'il statue sur l'indemnisation au titre de l'aide par une tierce personne et en tant qu'il déduit les trajets pris en charge par le département des Alpes de Haute-Provence de l'indemnité due au titre des frais de transport, et a renvoyé l'affaire devant la cour, dans la mesure de la cassation prononcée, où elle a été de nouveau enregistrée sous le numéro 21MA01525.

Procédure devant la cour :

Par des mémoires, enregistrés le 19 mai 2021 et le 21 juillet 2021, Mme H... A... B... et Mme G..., agissant en qualité de représentantes de Mme D... E..., majeure protégée, représentées par Me Lelièvre-Boucharat, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 12 mars 2018 en ce qu'il rejette les conclusions tendant à l'indemnisation des pertes de gains professionnels de Mme D... E... et au titre de l'assistance par une tierce personne ;

2°) de condamner l'AP-HM à verser la somme de 6 014,66 euros au titre des frais des frais de déplacement de Mme D... E... ;

3°) de condamner l'AP-HM à lui verser une rente viagère à compter du dix-huitième anniversaire de Mme D... E..., calculée sur la base du salaire médian de l'année 2012 et revalorisée en application des dispositions de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;

4°) de porter à la somme de 102 960 euros l'indemnité allouée au titre de l'assistance par une tierce personne pour la période antérieure à la consolidation de l'état de santé de Mme D... E... ;

5°) de condamner l'AP-HM à lui verser une indemnité déterminée sur la base de douze heures par jour et d'un taux horaire de 26,40 euros au titre de l'assistance par une tierce personne pour la période courant de la consolidation de l'état de santé à la date de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de lui rembourser les factures exposées à ce titre ;

6°) de condamner l'AP-HM à lui verser, à compter de l'arrêt à intervenir, une rente viagère d'un montant trimestriel de 28 908 euros au titre de l'assistance par une tierce personne pour la période courant de la consolidation de l'état de santé à la date de l'arrêt à intervenir, sous déduction des périodes d'hospitalisation supérieure à 45 jours, revalorisée annuellement en application des dispositions de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, dont seront déduites les sommes exposées au titre de l'assistance d'un éducateur spécialisé à hauteur de trois heures par semaine ;

7°) de réserver ses droits à une indemnisation complémentaire en cas d'aggravation des préjudices de la victime ;

8°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Elles soutiennent que :

- l'AP-HM devra verser une indemnité au titre des pertes de gains professionnels de Mme D... E..., déterminée sur la base du salaire médian, soit 1 730 euros par mois, depuis le dix-huitième anniversaire de la victime ;

- eu égard au coût réel de l'assistance que nécessite Mme D... E..., tenant compte de la qualification du tiers qui la prodigue, des charges sociales et des congés payés et jours non travaillés, il y a lieu de fixer le taux horaire de cette assistance à 26,40 euros ;

- Mme A... B... est fondée à demander une indemnité de 102 960 euros pour la période avant consolidation de l'état de santé de la victime, et une indemnité de 316,80 euros, ou 213,24 euros à titre subsidiaire, par jour pour la période courant ensuite jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir ;

- pour la période postérieure à cette date, elle est fondée à demander le versement d'une rente d'un montant trimestriel de 28 908 euros, dont il n'y aura lieu de déduire les périodes pendant lesquelles Mme D... E... sera prise en charge dans un établissement de soins que lorsque ces périodes seront supérieures à 45 jours ;

- il y a lieu de réserver les droits de la victime à demander une meilleure indemnisation en cas d'augmentation des coûts d'assistance par une tierce personne ;

- il y a lieu de lui verser intégralement la somme de 6 014,66 euros, correspondant aux frais de déplacement de Mme D... E..., sans procéder à aucune déduction.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juin et 4 août 2021, l'AP-HM, représentée par Me Le Prado, conclut aux mêmes fins que dans ses précédents mémoires.

Elle soutient que :

- les séquelles que Mme D... E... conserve de sa méningite ne l'empêchent pas d'exercer toute activité professionnelle, de sorte qu'elle n'est pas fondée à demander l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels ;

- à titre subsidiaire, aucune indemnité ne peut lui être allouée à ce titre avant son vingt-cinquième anniversaire, âge à compter duquel les jeunes actifs ayant suivi des études supérieures commencent leur activité professionnelle, et il y aura lieu de déduire l'allocation adulte handicapé ainsi que les indemnités octroyées au titre de l'incidence professionnelle et du préjudice de formation ;

- le montant de l'indemnité due au titre de l'assistance par une tierce personne, dont il y a lieu de déduire les prestations dont bénéficie la victime et ayant pour objet la prise en charge de tels frais, ne saurait être déterminé sur la seule base des factures produites par les requérants ;

- il y a également lieu de déduire de cette indemnité les périodes pendant lesquelles la victime est prise en charge dans un établissement de santé, quelle que soit la durée de cette prise en charge ;

- il y a lieu de n'indemniser la victime des frais exposés pour bénéficier de séances d'ergothérapie et de kinésithérapie que jusqu'au 5 octobre 2022 ;

- les frais de déplacement invoqués par Mme A... B... ne pourront ont remboursés que sur la base de justificatifs ;

Par un mémoire enregistré le 29 juillet 2021, la CPAM des Alpes-de Haute-Provence, représentée par Me Hamdi, conclut à ce qu'une somme de 800 euros soit mise à la charge de l'AP-HM.

Elle soutient que l'arrêt de la cour du 4 juillet 2019, qui n'a pas été annulé sur ce point, et le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mars 2018 sont devenus définitifs en tant qu'ils statuent sur ses conclusions tendant au remboursement des débours exposés pour la victime et au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sanson,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Lelièvre-Bouchara, représentant Mme A... B..., et de Me De Raismes, substituant Me le Prado, représentant l'AP-HM.

Une note en délibéré, présentée pour Mme A... B..., a été enregistrée le 7 octobre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 12 juin 2008, la cour a, notamment, porté à 5 000 euros le montant de la rente trimestrielle que, par jugement du 2 mai 2006 le tribunal administratif de Marseille a condamné l'AP-HM à payer à Mme A... B... en réparation des préjudices résultant des séquelles que sa fille, Mme D... E..., conserve de la méningite d'origine nosocomiale qu'elle a contractée lors de sa prise en charge post natale au centre hospitalier de la Timone, du 29 mars 1994 jusqu'à la date de consolidation de son état de santé ou, à défaut, de sa majorité. Mme A... B... a relevé appel du jugement du 12 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, notamment, limité à la somme de 294 759,60 euros et à une rente mensuelle de 5 300 euros le montant de l'indemnisation des préjudices propres de Mme E.... Par une décision n° 433099, 434245 du 20 avril 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour n° 18MA02162 du 4 juillet 2019 en tant qu'il statue sur l'indemnisation du préjudice professionnel de Mme E..., en ce qu'il procède à la déduction de la somme à percevoir au titre de l'allocation adulte handicapé, en tant qu'il statue sur l'indemnisation au titre de l'aide par une tierce personne et en tant qu'il déduit de l'indemnité due au titre des frais de transport les trajets pris en charge par le département des Alpes de Haute-Provence, et a renvoyé l'affaire devant la cour.

2. En premier lieu, lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'exercer un jour une activité professionnelle, la seule circonstance qu'il soit impossible de déterminer le parcours professionnel qu'elle aurait suivi ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme présentant un caractère certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés ainsi que de la pension de retraite consécutive. Il y a lieu de réparer ce préjudice par l'octroi à la victime, à compter de sa majorité et sa vie durant, d'une rente fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de sa majorité et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Doivent être déduites de cette rente les sommes éventuellement perçues par la victime au titre de l'allocation aux adultes handicapés.

3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que si les séquelles que Mme D... E... conserve de son infection nosocomiale limitent ses possibilités d'insertion professionnelle, elles ne rendent pas impossible l'exercice d'une activité salariée, sous réserve d'un aménagement de son poste de travail, l'intéressée ayant d'ailleurs effectué un stage en entreprise dans le cadre de son baccalauréat professionnel " métiers administratifs ". La requérante n'est donc pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice financier résultant de l'impossibilité d'exercer un jour une activité professionnelle.

4. En revanche, la fatigue chronique éprouvée du fait de ses séquelles et des traitements antiépileptiques auxquels Mme A... B... est astreinte aggravent considérablement la pénibilité au travail. En outre, l'intéressée est contrainte de restreindre ses recherches d'emploi vers des postes aménagés, moins valorisés et à temps partiel. Il sera fait une juste réparation de son incidence professionnelle, en ce comprises tant la part patrimoniale que la part personnelle, en lui allouant la somme de 500 000 euros.

5. En deuxième lieu, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

6. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que Mme E... nécessite depuis la consolidation de son état de santé, acquise le 5 octobre 2012, une assistance par tierce personne à hauteur de douze heures par jour. Eu égard à sa nature, cette assistance, qui consiste pour moitié à aider l'intéressée à maintenir son hygiène, à l'accompagner dans ses déplacements et à assurer à sa place les tâches ménagères, et pour moitié en une simple surveillance, ne nécessite pas de qualifications particulières susceptible d'occasionner un coût supérieur aux taux horaires de 13, 14 et 15 euros, respectivement pour les années 2005 à 2017, 2019 à 2020 et 2021, calculés en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de ces périodes, augmenté des charges sociales, et sur la base d'une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail. La requérante, qui ne fait état d'aucune raison particulière l'ayant contrainte à avoir recours aux prestations des organismes privés dont elle produit les factures, ne saurait se borner à invoquer les montants facturés par ces organismes pour démontrer que ces taux horaires sont insuffisants.

7. Il résulte de l'instruction que compte tenu de la croissance de la victime et de l'évolution de son handicap, le besoin d'assistance par une tierce personne à compter du 15 mars 2009, date à laquelle Mme D... E... a atteint l'âge de quinze ans, doit être fixé à huit heures par jour jusqu'au 5 octobre 2012, date de consolidation de son état de santé, alors que l'intéressée n'a été indemnisée qu'à hauteur de cinq heures par jour par la rente trimestrielle que l'AP-HM a versé à Mme D... E... en exécution de l'arrêt de la cour du 12 juin 2008. En l'absence d'identité d'objet entre la demande sur laquelle cet arrêt avait été rendu et la demande de réparation des préjudices résultant de l'aggravation ultérieure de l'état de santé de la victime, l'AP-HM n'est pas fondé à opposer l'autorité de chose jugée de cet arrêt. En retenant les taux horaires mentionnés au point précédent, il y a lieu de fixer à 57 165 euros le montant de l'indemnité due à Mme A... B... au titre de l'assistance par une tierce personne dont elle a bénéficié avant la consolidation de son état de santé. Il y a lieu de déduire de cette indemnité l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé perçue par Mme A... B... du chef de Mme E..., qui n'a pas été déduite de la rente au cours de cette période, soit 9 450 euros, dès lors, d'une part, que cette allocation est destinée à compenser les frais de toute nature liés au handicap et, d'autre part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la récupération de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé en cas de retour de son bénéficiaire à meilleure fortune, les dispositions de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles que la requérante invoque n'étant applicables qu'aux allocations versées en application de ce code alors que l'allocation en cause est prévue par les dispositions de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale. Il y a lieu, par suite, de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 47 715 euros en réparation de ce préjudice.

8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le besoin d'assistance de Mme D... E... par une tierce personne doit être fixé à douze heures par jour depuis la date de consolidation de son état de santé. En faisant application des modalités de calcul et du taux horaire définis au point 7, il y a lieu d'évaluer les frais liés à l'assistance par une tierce personne au titre de la période courant jusqu'à la date du présent arrêt à la somme de 337 075,82 euros, dont il convient de déduire l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et la prestation de compensation du handicap versée entre la date de consolidation de l'état de santé de la victime et la date du présent arrêt, dont il appartiendra à la requérante de justifier.

9. Pour la période postérieure au présent arrêt, il apparaît que le versement d'une rente trimestrielle constitue, dans les circonstances de l'espèce, la modalité de réparation la plus équitable. Il y a lieu de faire application des modalités de calcul déterminés au point précédent pour le même coût horaire d'assistance non médicalisée. Ainsi, s'agissant des frais futurs d'assistance par une tierce personne à hauteur de douze heures par jour tous les jours, il convient de retenir une rente trimestrielle d'un montant de 18 540 euros qui sera revalorisée en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée à chaque trimestre échu, sous déduction, d'une part, de la prestation de compensation du handicap perçue et, d'autre part, des jours passés hors du domicile où cette assistance est requise, dont il sera justifié chaque trimestre par Mme A... B....

10. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les frais de déplacement de Mme E..., notamment pour des consultations médicales, s'élèvent du 6 octobre 2012 au 31 décembre 2014 à la somme de 6 014,66 euros, dont il y a lieu de mettre le remboursement à la charge de l'AP-HM.

11. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge administratif de donner acte des réserves relatives à l'aggravation éventuelles des préjudices de la victime.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... est fondée à demander que l'indemnité allouée par les premiers juges en réparation des préjudices de Mme E... soit portée à la somme globale de 1 379 288,75 euros, ladite somme comprenant les indemnités, d'un montant total de 488 483,27 euros, définitivement allouées par l'arrêt de la cour du 4 juillet 2019, au titre des dépenses de santé actuelles et futures, des frais de déplacement antérieurs à la consolidation de l'état de santé, des frais divers liés aux opérations d'expertise, de l'aggravation du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique définitif, du préjudice d'établissement, et des préjudices d'agrément, sexuel, et scolaire. De cette indemnité de 1 379 288,75 euros seront déduites, le cas échéant, d'une part, la somme de 287 000 euros allouée à titre provisionnel par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 octobre 2015 et, d'autre part, dans la limite de la somme de 337 075,82 euros mentionnée au point 8, le montant des allocations d'éducation de l'enfant handicapé et de prestation de compensation du handicap qui auront été perçues entre la date de consolidation de l'état de santé de Mme E... et la date du présent arrêt, dont il appartiendra à Mme A... B... de justifier.

13. Outre l'indemnité ci-dessus, l'AP-HM paiera à Mme E... une rente trimestrielle de 18 540 euros dans les conditions et sous les réserves énoncées au point 9 ci-dessus.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 2 000 euros à verser à Mme A... B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la CPAM des Alpes-de-Haute-Provence contre l'AP-HM à ce même titre.

D É C I D E :

Article 1er : L'AP-HM paiera à Mme A... B..., en sa qualité de représentante légale de sa fille, Mme D... E..., une somme de 1 379 288,75 euros, dans les conditions et sous les réserves énoncées au point 12 du présent arrêt.

Article 2 : L'AP-HM paiera à Mme di B..., en sa qualité de représentante légale de sa fille Mme D... E..., une rente trimestrielle de 18 540 euros, qui sera versée par trimestre échu dans les conditions et sous les réserves énoncées au point 9 du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions d'appel incident de l'AP-HM sont rejetées.

Article 5 : L'AP-HM versera à Mme A... B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions de la CPAM des Alpes de Haute-Provence présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... A... B..., représentante désignée pour l'ensemble des requérants, à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence, à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes et à la Mutuelle générale de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2021.

8

N° 21MA01525


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01525
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. - Réparation. - Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS FAURE ET HAMDI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-10;21ma01525 ?
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