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19/06/2023 | FRANCE | N°462584

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 19 juin 2023, 462584


Vu la procédure suivante :

M. C... A... et Mme D... B... ont demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler les décisions du 31 janvier 2020 par lesquelles le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leurs demandes tendant à ce que leur soit reconnue la qualité de réfugié ou, à défaut, accordé le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par une décision n°s 20017206-20017207 du 28 septembre 2021, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté leurs demandes.

Par un pourvoi sommaire et un mém

oire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 22 juin 2022 au secrétariat du contentie...

Vu la procédure suivante :

M. C... A... et Mme D... B... ont demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler les décisions du 31 janvier 2020 par lesquelles le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leurs demandes tendant à ce que leur soit reconnue la qualité de réfugié ou, à défaut, accordé le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par une décision n°s 20017206-20017207 du 28 septembre 2021, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté leurs demandes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 22 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Boulloche, Colin, Stoclet et associés, leur avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. A... et de Mme B..., et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... et Mme B..., concubins de nationalité guinéenne, ont demandé, par des requêtes distinctes, à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler les deux décisions du 31 janvier 2020 par lesquelles le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leurs demandes respectives tendant à ce que leur soit reconnue la qualité de réfugié ou, à défaut, accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. Ils se pourvoient en cassation contre la décision du 28 septembre 2021 de la Cour rejetant leurs recours.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 532-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Saisie d'un recours contre une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, la Cour nationale du droit d'asile statue, en qualité de juge de plein contentieux, sur le droit du requérant à une protection au titre de l'asile au vu des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle se prononce ". En vertu de l'article L. 532-12 du même code : " Les requérants peuvent présenter leurs explications à la Cour nationale du droit d'asile et s'y faire assister d'un conseil et d'un interprète ". Selon l'article R. 532-42 de ce code, la formation de jugement de la Cour peut poser aux parties toute question propre à l'éclairer et les parties peuvent présenter oralement toute observation utile propre à éclairer leurs écritures. En outre, l'article R. 532-43 du même code précise que : " La partie qui, moins de sept jours francs avant la clôture de l'instruction écrite, a reçu communication soit d'un mémoire ou de pièces, soit de l'une des informations prévues par l'article R. 532-26, peut présenter à l'audience toute observation orale qu'elle estime utile pour répondre à ce mémoire ou à cette information ". Aux termes de l'article R. 532-50 de ce code : " La formation de jugement se prononce sur le recours, en fonction des pièces du dossier et des observations présentées oralement par les parties, dans les conditions prévues par les articles R. 532-42 et R. 532-43 (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 532-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les débats devant la Cour nationale du droit d'asile ont lieu en audience publique après lecture du rapport par le rapporteur. Toutefois, le huis clos est de droit si le requérant le demande. Le président de la formation de jugement peut également décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public, si la sauvegarde de l'ordre public ou le respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi l'exige (...) ".

4. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la Cour nationale du droit d'asile dispose, sans jamais y être tenue, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsque celles-ci sont jugées en audience non publique, notamment pour statuer, au vu du dossier mais aussi des débats à l'audience, sur les droits à protection des membres d'une même famille faisant état d'éléments communs ou semblables ou d'une communauté de risques. La jonction étant, par elle-même, insusceptible d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue, elle ne peut être contestée en tant que telle devant le juge de cassation. Toutefois, dès lors que le huis clos est de droit devant la Cour nationale du droit d'asile, celle-ci est tenue de procéder à des auditions séparées des requérants si l'un d'entre eux en fait la demande.

5. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que la Cour nationale du droit d'asile a joint les recours de M. A... et de Mme B... pour statuer par une même décision. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la circonstance que l'audience s'est tenue à huis clos n'était pas de nature à faire obstacle à cette jonction. Par suite, le moyen tiré de ce que la Cour aurait entaché sa décision d'irrégularité en procédant à la jonction des recours des intéressés ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, pour écarter les craintes exposées par Mme B... à raison de sa soustraction à une excision et de son opposition à cette pratique, la Cour nationale du droit d'asile a relevé qu'elle avait tenu des propos très confus et s'est fondée sur le caractère peu crédible et insuffisamment tangible des déclarations faites, ne permettant pas d'établir le caractère personnel de ces craintes. En statuant ainsi au vu d'appréciations souveraines exemptes de dénaturation, la Cour, qui a suffisamment motivé sa décision et n'avait pas, compte tenu du motif retenu, à se prononcer sur l'existence d'un groupe social, n'a pas commis d'erreur de droit. Si, contrairement à ce qu'énonce la décision attaquée, il ressort des pièces de la procédure que l'intéressée avait produit un certificat médical d'excision, cette erreur a été sans incidence sur le bien-fondé du raisonnement suivi.

7. En troisième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la Cour s'est prononcée sur le moyen tiré du droit à protection, notamment subsidiaire, à raison de la soustraction de Mme B... à un mariage forcé et de l'opposition de son compagnon à un tel mariage, qu'elle a écarté en se fondant sur le caractère évasif et peu vraisemblable des éléments avancés par les requérants.

8. Enfin, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et sans inversion de la charge de la preuve que la Cour a estimé que les documents géopolitiques joints au dossier ne permettaient pas d'établir le caractère personnel et actuel des craintes invoquées en cas de retour en Guinée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision qu'ils attaquent.

10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle ce que soit mise à la charge de l'OFPRA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme à ce titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A... et autre est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., premier requérant dénommé, et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mai 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, M. Benoît Bohnert, Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Paul Bernard, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 19 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Paul Bernard

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 462584
Date de la décision : 19/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- JONCTION – 1) FACULTÉ OUVERTE À LA COUR - PAR EXEMPLE POUR DES MEMBRES D’UNE MÊME FAMILLE – EXISTENCE - Y COMPRIS POUR LES AFFAIRES JUGÉES EN AUDIENCE NON PUBLIQUE [RJ1] – 2) INCIDENCE SUR LA RÉGULARITÉ DE LA DÉCISION RENDUE – ABSENCE [RJ2] – 3) CONSÉQUENCE SUR L’AUDIENCE – OBLIGATION DE FAIRE DROIT À UNE DEMANDE D’AUDITION SÉPARÉE DES REQUÉRANTS.

095-08-04-03-02 1) Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) dispose, sans jamais y être tenue, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsque celles-ci sont jugées en audience non publique, notamment pour statuer, au vu du dossier mais aussi des débats à l’audience, sur les droits à protection des membres d’une même famille faisant état d’éléments communs ou semblables ou d’une communauté de risques. ...2) La jonction étant, par elle-même, insusceptible d’avoir un effet sur la régularité de la décision rendue, elle ne peut être contestée en tant que telle devant le juge de cassation. ...3) Toutefois, dès lors que le huis clos est de droit devant la Cour nationale du droit d’asile, celle-ci est tenue de procéder à des auditions séparées des requérants si l’un d’entre eux en fait la demande.

- FACULTÉ OUVERTE À LA COUR - PAR EXEMPLE POUR DES MEMBRES D’UNE MÊME FAMILLE – A) EXISTENCE - Y COMPRIS POUR LES AFFAIRE AFFAIRES JUGÉES EN AUDIENCE NON PUBLIQUE [RJ1] – 2) INCIDENCE SUR LA RÉGULARITÉ DE LA DÉCISION RENDUE – ABSENCE [RJ2] – 3) CONSÉQUENCE SUR L’AUDIENCE – OBLIGATION DE FAIRE DROIT À UNE DEMANDE D’AUDITION SÉPARÉE DES REQUÉRANTS.

095-08-05-01-01 1) Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) dispose, sans jamais y être tenue, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsque celles-ci sont jugées en audience non publique, notamment pour statuer, au vu du dossier mais aussi des débats à l’audience, sur les droits à protection des membres d’une même famille faisant état d’éléments communs ou semblables ou d’une communauté de risques. ...2) La jonction étant, par elle-même, insusceptible d’avoir un effet sur la régularité de la décision rendue, elle ne peut être contestée en tant que telle devant le juge de cassation. ...3) Toutefois, dès lors que le huis clos est de droit devant la Cour nationale du droit d’asile, celle-ci est tenue de procéder à des auditions séparées des requérants si l’un d’entre eux en fait la demande.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - JONCTION – 1) FACULTÉ OUVERTE À LA CNDA - PAR EXEMPLE POUR DES MEMBRES D’UNE MÊME FAMILLE – EXISTENCE - Y COMPRIS POUR LES AFFAIRES JUGÉES EN AUDIENCE NON PUBLIQUE [RJ1] – 2) INCIDENCE SUR LA RÉGULARITÉ DE LA DÉCISION RENDUE – ABSENCE [RJ2] – 3) CONSÉQUENCE SUR L’AUDIENCE – OBLIGATION DE FAIRE DROIT À UNE DEMANDE D’AUDITIONS SÉPARÉES DES REQUÉRANTS.

54-07-01 1) Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) dispose, sans jamais y être tenue, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsque celles-ci sont jugées en audience non publique, notamment pour statuer, au vu du dossier mais aussi des débats à l’audience, sur les droits à protection des membres d’une même famille faisant état d’éléments communs ou semblables ou d’une communauté de risques. ...2) La jonction étant, par elle-même, insusceptible d’avoir un effet sur la régularité de la décision rendue, elle ne peut être contestée en tant que telle devant le juge de cassation. ...3) Toutefois, dès lors que le huis clos est de droit devant la Cour nationale du droit d’asile, celle-ci est tenue de procéder à des auditions séparées des requérants si l’un d’entre eux en fait la demande.


Références :

[RJ1]

Rappr., en matière fiscale, CE, Section, 23 octobre 2015, Ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et M. Chehboun, n°s 370251 373530, p. 359. Comp. CE, 10 décembre 1958, Sieur Bernhard, n° 42698, p. 635....

[RJ2]

Cf. CE, Section, 23 octobre 2015, Ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et M. Chehboun, n°s 370251 373530, p. 359.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2023, n° 462584
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Bernard
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462584.20230619
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