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23/10/2015 | FRANCE | N°370251

France | France, Conseil d'État, Section du contentieux, 23 octobre 2015, 370251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le tribunal administratif de Rouen a été saisi de deux demandes distinctes tendant à la décharge, respectivement, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme A...B...ont été assujettis au titre des années 2001 à 2003, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge du seul M. B... au titre de la période courant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003. Par un jugement n°s 0601600-0603307 du 29 juin 2010, le tribunal administratif de Rouen a joint ces demandes et les

a rejetées.

Faisant partiellement droit à l'appel interjeté par M. B..., la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le tribunal administratif de Rouen a été saisi de deux demandes distinctes tendant à la décharge, respectivement, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme A...B...ont été assujettis au titre des années 2001 à 2003, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge du seul M. B... au titre de la période courant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003. Par un jugement n°s 0601600-0603307 du 29 juin 2010, le tribunal administratif de Rouen a joint ces demandes et les a rejetées.

Faisant partiellement droit à l'appel interjeté par M. B..., la cour administrative d'appel de Douai a, par les articles 1er à 3 de son arrêt n° 10DA01065 du 30 mai 2013 :

- réduit de 65 638 euros la base d'imposition des époux B...à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2003 et prononcé, dans cette mesure, la décharge du supplément d'impôt sur le revenu établi au titre de cette même année ;

- réduit de 3 610 euros le montant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée pouvant être réclamé à M. B... au titre de la période correspondant à l'année 2003 et prononcé, dans cette mesure, la décharge des rappels de taxe litigieux ;

- réformé le jugement du 29 juin 2010 du tribunal administratif de Rouen, en ce qu'il avait de contraire aux éléments qui précèdent.

Par l'article 4 du même arrêt, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté le surplus des conclusions en décharge présentées par M. B....

Procédure devant le Conseil d'Etat

1° Par un pourvoi et un mémoire en réplique enregistrés sous le n° 370251, les 16 juillet 2013 et 27 mars 2014, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 10DA01065 de la cour administrative d'appel de Douai du 30 mai 2013 ;

2°) de renvoyer, dans cette mesure, l'affaire devant cette cour.

2° Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 373530 les 26 novembre 2013 et 26 février 2014, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 4 de l'arrêt n° 10DA01065 de la cour administrative d'appel de Douai du 30 mai 2013 ;

2°) de renvoyer, dans cette mesure, l'affaire devant cette cour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., ayant pour activité le commerce non sédentaire de chaussures et de produits alimentaires, a fait l'objet, à ce titre, d'une vérification de comptabilité portant sur la période courant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ; que, dans le cadre de cette vérification, l'administration fiscale a écarté comme non probante la comptabilité présentée par le contribuable et reconstitué les recettes professionnelles de l'intéressé à partir d'encaissements bancaires ; que le foyer fiscal formé par M. B... et son épouse a, par ailleurs, fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2001 à 2003 ; qu'à l'issue de l'ensemble de ces opérations de contrôle, l'administration fiscale a établi, au titre des période et années vérifiées, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge personnelle de M. B..., ainsi que des suppléments d'impôt sur le revenu mis à la charge des épouxB..., assortis dans l'un et l'autre cas de majorations ; que le tribunal administratif de Rouen a été successivement saisi d'une demande contentieuse formée par M. B... et dirigée contre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, puis d'une réclamation introduite par M. B..., tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et soumise d'office au tribunal par l'administration fiscale en application des dispositions des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales ; que le tribunal a joint cette demande et cette réclamation, pour les rejeter par un unique jugement ; que les pourvois du ministre chargé du budget et de M. B... sont dirigés contre le même arrêt par lequel la cour administrative, faisant partiellement droit à l'appel interjeté par M. B..., a prononcé la décharge d'une fraction des impositions litigieuses ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

Sur le pourvoi du ministre :

2. Considérant qu'à l'appui de son pourvoi, le ministre soulève un unique moyen, tiré de l'erreur de droit commise par les juges d'appel en ne relevant pas d'office l'irrégularité dont les premiers juges auraient entaché la procédure juridictionnelle, du fait de la jonction à laquelle ils avaient procédé ;

3. Considérant que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsqu'elles concernent des contribuables ou des impositions distincts ; que la jonction est, par elle-même, insusceptible d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peut, par suite, être contestée en tant que telle devant le juge d'appel ou devant le juge de cassation ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à critiquer la jonction opérée par le tribunal administratif et l'erreur de droit qu'aurait commise la cour en ne la censurant pas d'office, le ministre, qui ne fait état d'aucune irrégularité entachant l'arrêt attaqué qui aurait résulté de la jonction à laquelle les premiers juges avaient procédé, n'est pas fondé à en demander, par ce seul moyen, l'annulation ; que son pourvoi doit ainsi être rejeté ;

Sur le pourvoi de M.B... :

En ce qui concerne le moyen relatif à la procédure d'imposition :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges d'appel que, pour soutenir que la procédure d'imposition dont il avait fait l'objet était irrégulière, M. B... a fait valoir que l'administration fiscale avait implicitement mais nécessairement mis en oeuvre, à son encontre, la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, sans lui offrir la possibilité de saisir le comité consultatif mentionné à cet article ;

6. Considérant, toutefois, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter ce moyen, la cour a jugé qu'il résultait de l'instruction, en particulier du mémoire en défense produit en appel par l'administration fiscale, que celle-ci s'était bornée à faire valoir que, contrairement à ce que soutenait le contribuable, la société LMC Organisation Ltd n'avait eu aucune activité au cours de l'année 2003 et qu'ainsi la commercialisation sur les marchés britanniques des produits alimentaires achetés par M. B... au cours de cette même année n'avait pu être réalisée que par M. B... lui-même et non par cette société ; que la cour en a notamment déduit que, contrairement à ce que soutenait le contribuable devant elle, l'administration fiscale ne demandait pas au juge de l'impôt d'écarter l'application des stipulations de l'acte constitutif de cette société au motif que celui-ci aurait été fictif ou aurait eu pour but exclusif d'éluder ou de réduire la base d'imposition du contribuable ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas, contrairement à ce que soutient M. B... en cassation, inexactement qualifié les faits de l'espèce ni méconnu les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne les moyens relatifs au bien-fondé des impositions :

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges d'appel que, pour contester la reconstitution des recettes issues de son commerce non sédentaire de chaussures, à laquelle avait procédé l'administration fiscale, M. B... a notamment soutenu que cette reconstitution ne reposait sur aucune donnée propre à l'exploitation de son entreprise individuelle et avait entraîné une exagération des bases de son imposition ;

8. Considérant, toutefois, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter la première branche de cette argumentation, la cour a jugé qu'il résultait de l'instruction, notamment des pièces de la procédure administrative contradictoire versées au dossier, en premier lieu, que M. B... avait lui-même indiqué au vérificateur que ses dépenses courantes représentaient 10 % environ de ses recettes, en deuxième lieu, que le taux de marge retenu par l'administration pour procéder à cette reconstitution correspondait à la moyenne établie par le vérificateur à partir de documents remis par le contribuable au cours des opérations de contrôle, en troisième lieu, que, pour contester le taux ainsi retenu, M. B... se bornait à alléguer, sans produire aucun élément statistique ni aucune donnée propre aux conditions d'exploitation de son entreprise, que le taux de marge moyen des commerces non sédentaires était inférieur à celui des commerces sédentaires, pour lesquels il produisait des évaluations statistiques ; qu'en retenant les motifs qui précèdent, la cour n'a pas, contrairement à ce que soutient le requérant, entaché son arrêt d'inexactitude matérielle ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; qu'en se fondant sur ces motifs pour juger que, dans les circonstances de l'espèce, la reconstitution de recettes opérée par l'administration fiscale ne pouvait être tenue pour radicalement viciée, la cour n'a pas donné aux faits de l'espèce une qualification juridique inexacte ;

9. Considérant, par ailleurs, qu'en jugeant que les factures correspondant à des achats de marchandises, achats de matières premières et charges diverses, produites en cours d'instance par le contribuable à l'appui de la seconde branche de son argumentation, n'étaient assorties d'aucune preuve de paiement ni d'aucune explication permettant d'établir que les charges effectivement supportées par le contribuable, et la taxe sur la valeur ajoutée qu'il pouvait déduire, auraient été supérieures à celles admises par le service dans le cadre de sa reconstitution, la cour a souverainement apprécié, sans les dénaturer, les écritures et pièces versées à son dossier ; qu'en outre, en retenant ce motif, la cour s'est bornée à apprécier le caractère probant des factures en cause ; que doit, dès lors, être écarté le moyen par lequel le requérant soutient qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour aurait remis en cause le caractère déductible des charges du seul fait de leur engagement et entaché, par suite, son arrêt d'erreur de droit ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt qu'il attaque ;

Sur les conclusions présentées par M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant, en ce qui concerne le pourvoi n° 373530, que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans cette instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, en ce qui concerne le pourvoi n° 370251 et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B..., au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les pourvois du ministre chargé du budget et de M. B... sont rejetés.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et

à M. A...B....


Synthèse
Formation : Section du contentieux
Numéro d'arrêt : 370251
Date de la décision : 23/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - QUESTIONS COMMUNES - POUVOIRS DU JUGE FISCAL - JONCTION - 1) FACULTÉ OUVERTE AU JUGE - EXISTENCE - Y COMPRIS EN CAS DE CONTRIBUABLES OU D'IMPOSITIONS DISTINCTS - 2) CONSÉQUENCE SUR LA RÉGULARITÉ DE LA DÉCISION RENDUE - ABSENCE [RJ1].

19-02-01-02 1) Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsqu'elles concernent des contribuables ou des impositions distincts.... ,,2) La jonction est, par elle-même, insusceptible d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peut, par suite, être contestée en tant que telle devant le juge d'appel ou devant le juge de cassation.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - JONCTION - 1) FACULTÉ OUVERTE AU JUGE - EXISTENCE - 2) CONSÉQUENCE SUR LA RÉGULARITÉ DE LA DÉCISION RENDUE - ABSENCE [RJ1].

54-07-01 1) Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsqu'elles concernent des contribuables ou des impositions distincts.... ,,2) La jonction est, par elle-même, insusceptible d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peut, par suite, être contestée en tant que telle devant le juge d'appel ou devant le juge de cassation.


Références :

[RJ1]

Ab.jur. CE, Plénière, 14 juin 1989, SA Moulin-Jacquot, n° 61229, T. p. 21.

Cf. CE, 31 mars 2014, Tavassoli, n° 358820, T. pp. 816-839-841-842-843.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2015, n° 370251
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Villette
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:370251.20151023
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