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12/05/2023 | FRANCE | N°463880

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 12 mai 2023, 463880


Vu la procédure suivante :



La société Grand Case Equipement Entreprise a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner l'Etat à lui verser la somme de 156 016,80 euros en réparation des dommages causés aux véhicules réquisitionnés les 14 et 25 septembre 2017. Par un jugement n° 1900032 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Saint-Martin a condamné l'Etat à lui verser la somme de 2 340,66 euros.



Par un arrêt n° 20BX01599 du 10 mars 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société G

rand Case Equipement Entreprise contre ce jugement.



Par un pourvoi sommaire et un mémoir...

Vu la procédure suivante :

La société Grand Case Equipement Entreprise a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner l'Etat à lui verser la somme de 156 016,80 euros en réparation des dommages causés aux véhicules réquisitionnés les 14 et 25 septembre 2017. Par un jugement n° 1900032 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Saint-Martin a condamné l'Etat à lui verser la somme de 2 340,66 euros.

Par un arrêt n° 20BX01599 du 10 mars 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société Grand Case Equipement Entreprise contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mai et 8 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Grand Case Equipement Entreprise demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Adam, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Grand Case Equipement Entreprise ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite du passage de l'ouragan Irma les 5 et 6 septembre 2017 sur l'île de Saint-Martin, la préfète de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, par trois arrêtés des 5, 14 et 25 septembre 2017, a réquisitionné plusieurs véhicules appartenant à la société Grand Case Equipement Entreprise (GCEE). La société GCEE a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner l'Etat à lui verser la somme de 156 016,80 euros en réparation des dommages affectant les véhicules réquisitionnés les 14 et 25 septembre 2017. Par un jugement du 11 février 2020, le tribunal administratif de Saint-Martin a condamné l'Etat à lui verser la somme de 2 340,66 euros. La société GCEE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 10 mars 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement en tant qu'il n'avait pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions.

2. Aux termes du 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " 4° En cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées. / L'arrêté motivé fixe la nature des prestations requises, la durée de la mesure de réquisition ainsi que les modalités de son application./ Le préfet peut faire exécuter d'office les mesures prescrites par l'arrêté qu'il a édicté./ La rétribution par l'Etat de la personne requise ne peut se cumuler avec une rétribution par une autre personne physique ou morale./ La rétribution doit uniquement compenser les frais matériels, directs et certains résultant de l'application de l'arrêté de réquisition./ Dans le cas d'une réquisition adressée à une entreprise, lorsque la prestation requise est de même nature que celles habituellement fournies à la clientèle, le montant de la rétribution est calculé d'après le prix commercial normal et licite de la prestation ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que dans le mémoire en défense produit par le ministre de l'intérieur devant la cour administrative d'appel, celui-ci distinguait, parmi les demandes de paiement adressées par la société à la préfète de Saint-Martin et Saint-Barthélemy le 21 novembre 2017, celles présentées au titre de la rétribution de la réquisition des véhicules de celles tendant à l'indemnisation des dommages subis par les véhicules concernés au cours de la période de réquisition, en précisant que ces dernières étaient distinctes des sommes qui lui étaient dues par l'Etat au titre de la réquisition des biens lui appartenant. Il ressort également des mêmes pièces du dossier que dans son mémoire en défense produit devant le tribunal administratif, la préfète de Saint-Martin et Saint-Barthélemy avait précisé " qu'aucun paiement n'avait eu lieu concernant les dommages causés aux véhicules ". Par suite, en estimant que la société requérante n'avait apporté aucun élément permettant de distinguer, parmi les préjudices dont elle avait demandé à être indemnisée, ceux qui ne l'auraient pas déjà été par la somme de 229 190 euros qui lui avait été versée par l'Etat le 21 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que la société GCEE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 à verser à la société GCEE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 10 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera à la société Grand Case Equipement Entreprise une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Grand Case Equipement Entreprise et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 463880
Date de la décision : 12/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mai. 2023, n° 463880
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Adam
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:463880.20230512
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