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05/04/2023 | FRANCE | N°463112

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 05 avril 2023, 463112


Vu la procédure suivante :

La société VB Blois a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, de la contribution à l'audiovisuel public à laquelle elle a été assujettie sur la même période, et du rappel de cotisation sur la valeur ajoutée des entrepris

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Vu la procédure suivante :

La société VB Blois a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, de la contribution à l'audiovisuel public à laquelle elle a été assujettie sur la même période, et du rappel de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui a été réclamé au titre de l'année 2015. Par un jugement n° 1808835 du 26 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société VB Blois.

Par un arrêt n° 20PA01661 du 11 février 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 avril et 11 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société VB Blois demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la

SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société VB Blois ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société VB Blois a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle l'administration fiscale a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour les exercices clos en 2014 et 2015 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2013 à 2015, de contribution à l'audiovisuel public pour la même période et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour 2015, assortis de pénalités. Par un jugement du 26 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société VB Blois tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires. La société VB Blois demande l'annulation de l'arrêt du 11 février 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

Sur les conclusions relatives à la contribution de l'audiovisuel public :

2. Le 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative prévoit que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort " sur les litiges relatifs (...) à la contribution à l'audiovisuel public (...) ". Par ailleurs, il résulte des dispositions des articles R. 351-2 et R. 351-4 du même code que, sauf à rejeter les conclusions comme entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, à constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou à rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance, une cour administrative d'appel saisie de conclusions qui relèvent de la compétence du Conseil d'État doit les lui transmettre sans délai.

3. En se prononçant, par son jugement du 26 février 2020, sur les conclusions de la société VB Blois tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contribution de l'audiovisuel public auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015, le tribunal administratif de Paris a statué en premier et dernier ressort. Par suite, en tant que, par son arrêt du 11 février 2022, elle a statué à son tour sur ces conclusions, la cour administrative d'appel de Paris a méconnu le champ de sa compétence d'appel. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, il y a donc lieu d'annuler dans cette mesure l'arrêt attaqué. Les conclusions que la société VB Blois a présentées devant la cour administrative d'appel de Paris, dirigées contre le jugement, statuant en premier et dernier ressort, en tant qu'il se prononce sur la contribution à l'audiovisuel public, doivent être regardées comme un pourvoi en cassation.

4. Aux termes de l'article R. 821-3 du code de justice administrative : " Le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est obligatoire pour l'introduction, devant le Conseil d'Etat, des recours en cassation, à l'exception de ceux dirigés contre les décisions des juridictions de pension ". Le pourvoi de la société VB Blois dirigé contre le jugement du 26 février 2020 du tribunal administratif de Paris ne fait pas partie de ceux que l'article R. 821-3 du code de justice administrative dispense de l'obligation de représentation par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Il n'a pas été présenté par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Il y a lieu, avant de statuer sur ce pourvoi, d'inviter la société requérante à le régulariser, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les conclusions relatives aux autres impositions en litige :

5. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Pour être régulière, la notification d'une proposition de rectification à une société doit être effectuée à la dernière adresse qu'elle a officiellement communiquée à l'administration fiscale aux fins d'y recevoir ses courriers.

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé que la proposition de rectification du 3 août 2017 avait été adressée avenue du Château à Vincennes, dernière adresse connue de l'administration qui en avait eu connaissance par le comptable de la société VB Blois, la cour administrative d'appel de Paris a jugé que l'administration était en droit de tenir pour exacte l'information qui lui avait été ainsi communiquée.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus qu'en jugeant ainsi sans rechercher si l'adresse communiquée par le chef comptable au vérificateur le 28 juillet 2017 à la suite d'échanges tendant à l'organisation d'une dernière réunion de synthèse, pouvait être regardée comme l'adresse à laquelle la société VB Blois dont le siège social était établi rue de Tolbiac à Paris entendait désormais recevoir les courriers émanant de l'administration fiscale, la cour a commis une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société VB Blois est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il s'est prononcé sur la demande en décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et du rappel de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui a été réclamé au titre de l'année 2015.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation décidée au point précédent, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

10. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un échange par courrier électronique avec le vérificateur en vue de l'organisation d'une réunion de synthèse finale, le chef comptable de la société holding DG Hôtels qui détient la société VB Blois a indiqué le 27 juillet 2017 " nous avons déménagé à Vincennes ". Par courrier électronique du 28 juillet 2017, il a indiqué, en réponse à la question du vérificateur relative à la " nouvelle adresse de la société ", " nous sommes (...) avenue du château à Vincennes ". Il résulte par ailleurs des termes de la proposition de rectification du 3 août 2017, que les opérations de contrôle se sont déroulées au siège social de la société DG Hôtels à Montreuil et que l'adresse de domiciliation de la société vérifiée était " toujours " rue de Tolbiac à Paris ainsi que cela avait été " confirmé oralement au service par la société ". Il résulte enfin de l'instruction que si la proposition de rectification du 3 août 2017 a été adressée avenue du château à Vincennes, tant l'avis de mise en recouvrement du 16 octobre 2017 que la décision d'acceptation partielle de la réclamation en date du 20 avril 2018 ont été adressées rue de Tolbiac à Paris.

11. Eu égard à la portée incertaine de l'information communiquée par le chef comptable le 28 juillet 2017, aux mentions figurant dans la proposition de rectification et à l'adresse de notification des courriers ultérieurs adressés à la société VB Blois, l'adresse avenue du château à Vincennes ne peut être regardée comme l'adresse à laquelle cette société souhaitait recevoir communication des courriers émanant de l'administration fiscale, quand bien même le pli contenant la proposition de rectification porte la mention " pli avisé non réclamé " et non la mention " inconnu à cette adresse ". La proposition de rectification du 3 août 2017 ne lui ayant pas été régulièrement notifiée, la société VB Blois est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 26 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et du rappel de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui a été réclamé au titre de l'année 2015, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à la société VB Blois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des conclusions sur lesquelles il n'est pas sursis à statuer.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 11 février 2022 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Le jugement du 26 février 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant en tant qu'il s'est prononcé sur la demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société VB Bois a été assujettie, au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et du rappel de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui a été réclamé au titre de l'année 2015.

Article 3 : La société VB Blois est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et du rappel de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui a été réclamé au titre de l'année 2015.

Article 4 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi présenté par la société VB Blois dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 26 février 2020, en tant qu'il s'est prononcé sur la contribution à l'audiovisuel public, dans l'attente de sa régularisation conformément au point 4

ci-dessus.

Article 5 : L'Etat versera à la société VB Blois la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des conclusions sur lesquelles il n'est pas sursis à statuer.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société VB Blois et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 mars 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 5 avril 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Matias de Sainte Lorette

La secrétaire :

Signé : Mme Wafak Salem

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 463112
Date de la décision : 05/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 avr. 2023, n° 463112
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:463112.20230405
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