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11/02/2022 | FRANCE | N°20PA01661

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 11 février 2022, 20PA01661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) VB Blois a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour les années 2013 à 2015, de la contribution à l'audiovisuel public à laquelle elle a été assujettie sur la même période, et du rappel de cotisation sur la valeur ajout

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) VB Blois a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour les années 2013 à 2015, de la contribution à l'audiovisuel public à laquelle elle a été assujettie sur la même période, et du rappel de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui a été réclamé pour 2015, ainsi que des intérêts et pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1808835 du 26 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société VB Blois.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 6 et 27 juillet 2020 et 23 et 29 novembre 2021, la SARL VB Blois, représentée par Me Cleach, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1808835 du 26 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour les années 2013 à 2015, de la contribution à l'audiovisuel public à laquelle elle a été assujettie sur la même période, et du rappel de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui a été réclamé pour 2015, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

- la proposition de rectification, notifiée à une adresse erronée, n'a pu interrompre régulièrement le délai de reprise ;

- la procédure de vérification n'a pas permis un échange contradictoire du contribuable avec l'administration ;

- les anomalies tenant à l'inventaire des stocks, au compte courant d'associé débiteur et à la permanence des méthodes comptables ne présentaient pas un caractère de gravité permettant le rejet de la comptabilité ;

- la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) 2015 a été régularisée ;

- le vérificateur ne pouvait réintégrer, au titre de la TVA déduite, des factures ne donnant pas lieu à déduction de sa part ;

- les redressements à l'impôt sur les sociétés sont injustifiés pour le même motif que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le passif de la société est justifié ;

- les rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de contribution à l'audiovisuel public ne sont pas justifiés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 octobre 2020 et 26 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Simon,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me François, avocat, pour la SARL VB Blois.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL VB Blois a fait l'objet d'un contrôle de comptabilité aboutissant à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés pour les exercices clos en 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2013 à 2015, ainsi que des rappels de contribution à l'audiovisuel public pour la même période et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour 2015, assortis de pénalités pour un montant de 237 733 euros en droits et 21 568 euros de pénalités. Par jugement du 26 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de décharge de ces rappels. La SARL VB Blois demande à la Cour l'annulation de ce jugement et la décharge des rappels et pénalités mentionnés ci-dessus.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. ". Par ailleurs, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle et comme en l'espèce, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

3. L'administration a notifié le 3 août 2017 à la SARL VB Blois une proposition de rectification relative aux périodes d'imposition 2014 et 2015, laquelle invitait la société requérante à faire connaître ses observations si elle entendait poursuivre le débat contradictoire. D'une part, il résulte de l'instruction que le pli contenant la proposition de rectification a été adressé en dernier lieu au 1, avenue du Château à Vincennes dernière adresse connue de l'administration, qui en avait eu connaissance le 28 juillet 2017 par le comptable de la société requérante. Si ce dernier n'avait pas la qualité de représentant de la SARL VB Blois, l'administration était en droit de tenir pour exacte l'information qui lui avait été ainsi communiquée. La circonstance que cette proposition est parvenue à la société requérante pendant la période de fermeture annuelle, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société aurait informé l'administration d'une adresse de réexpédition, ne fait pas perdre à cette proposition son caractère interruptif du délai de reprise pour les années et exercices clos 2014 et 2015. A cet égard, si l'administration a adressé en décembre 2016 à la société une première proposition à une adresse erronée, portant sur le rappel de TVA et la contribution à l'audiovisuel public de l'année 2013, la privant de la possibilité de répondre dans le délai, le service a renoncé à toute rectification au titre de cette période d'imposition et elle n'a ainsi pas été privée d'une garantie de procédure. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'administration a proposé, le 26 juillet 2017, une réunion de synthèse aux représentants de la SARL VB Blois, à laquelle elle n'était d'ailleurs tenue par aucune disposition légale, alors que le vérificateur s'était présenté quatorze fois au siège de l'entreprise au cours de la vérification et avait été en contact avec les représentants du contribuable au cours de celle-ci. Ainsi, la SARL VB Blois n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que le service se serait refusé à un débat oral et contradictoire à l'occasion de la vérification.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. En premier lieu, pour rejeter la comptabilité de la société comme non probante, l'administration a retenu, d'une part, l'existence d'un compte courant d'associé débiteur, établi au nom d'une société tierce, qui lui loue ses locaux. Si la société requérante soutient avoir rectifié l'erreur d'imputation, censée correspondre à des loyers payés, cette rectification n'est intervenue qu'après que l'anomalie en cause a été identifiée par le vérificateur. Par ailleurs, l'absence de compte de classe 3 dans la comptabilité de la société, et de tenue des stocks, liée à un défaut d'inventaire, n'est pas utilement contestée par la production, à l'appui de la présente requête, d'un tableau d'inventaire portant sur les boissons. D'autre part, l'administration a retenu des ruptures dans l'enregistrement comptable des recettes, portant sur la facturation de prestations par la société. Compte tenu de ces erreurs multiples, et de leur persistance sur l'ensemble de la période vérifiée, l'administration était fondée à rejeter la comptabilité comme non probante et à reconstituer d'office les prestations qui n'ont pas été facturées.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; ".

6. Il est constant que la SARL VB Blois n'a pas déposé les déclarations relatives à la taxe sur la valeur ajoutée de l'année de la période allant du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2015 dans les délais. Si elle a déposé une déclaration le 29 novembre 2016, après avoir été informée le 18 novembre précédent de l'ouverture de la vérification de comptabilité, cette déclaration ne peut avoir pour effet de régulariser le manquement de la société. C'est dès lors à bon droit que l'administration l'a taxée d'office pour la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période concernée.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

8. La SARL VB Blois conteste la réintégration de taxe sur la valeur ajoutée grevant ses achats qui incluaient des prestations de la société Booking. Si elle soutient ne pas avoir, à bon droit, déduit de taxe à ce titre, au motif qu'aucune taxe ne lui aurait été facturée, et conteste les sommes réintégrées en produisant un brouillard de caisse non validé, elle n'apporte pas ainsi la preuve qui lui incombe de l'exagération des rappels en cause.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies ; le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation.// 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges ". Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". Les impositions contestées pour les années 2014 et 2015 ont été établies suivant la procédure de redressement contradictoire par l'envoi d'une proposition de rectification en date du 3 août 2017 et ont été tacitement acceptées par la société. Dans ces conditions, il incombe à la société requérante de démontrer le caractère exagéré des impositions mises à sa charge.

10. De première part, les moyens tirés de l'absence de bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée étant écartés, ainsi qu'il a été indiqué aux points précédents du présent arrêt, la SARL VB Blois n'est pas fondée, en conséquence, à contester l'ensemble des rehaussements opérés en matière d'impôt sur les sociétés.

11. De deuxième part, la comptabilité de la société mentionne, au 1er janvier 2014, en compte courant d'associé de M. A..., associé gérant, un solde créditeur de 452 000 euros, que l'administration a réintégré comme passif injustifié à hauteur de 195 000 euros, correspondant à une somme figurant au crédit de ce compte courant, reportée à nouveau depuis 2012, au motif que cette somme a eu pour contrepartie, simultanément, un versement de même montant effectué par la société au profit de M. A.... En se bornant à contester l'existence de ce report en à nouveau, la SARL VB Blois n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération de son bénéfice taxé à raison de cet élément de passif injustifié.

12. De troisième part, l'administration a réintégré l'élément de passif constitué par une dette à l'égard du fournisseur Flemon figurant en à nouveau à l'ouverture de l'exercice 2014. Faute pour la société requérante de produire la moindre justification quant à l'origine et à la consistance de cette dette, sa demande sur ce point ne peut qu'être rejetée.

13. De dernière part, il résulte de l'instruction que la SARL VB Blois a comptabilisé, au débit d'un compte courant d'associé ouvert au nom de la SCI VB Blois, laquelle lui louait les locaux de son siège, la somme de 66 000 euros à la clôture de l'exercice 2014, alors qu'aucune convention de dette ne liait les deux sociétés, et qu'au demeurant, la SCI VB Blois n'était pas associée de la société requérante. Cette dernière n'apporte pas la preuve qui lui incombe de son intérêt à consentir une telle avance, non rémunérée, à la SCI VB Blois, en se bornant à soutenir que son gérant, associé de la SCI VB Blois, M. A..., était débiteur d'une somme à l'égard de la SARL. La circonstance, à la supposer établie, que M. A... aurait procédé à un remboursement de sa dette à hauteur de 46 000 euros, au surplus postérieurement à la clôture de l'exercice 2014, est sans incidence sur la démonstration qui lui incombe.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 1605 du code général des impôts : " II. - La contribution à l'audiovisuel public est due : 1° Par toutes les personnes physiques imposables à la taxe d'habitation au titre d'un local meublé affecté à l'habitation, à la condition de détenir au 1er janvier de l'année au cours de laquelle la contribution à l'audiovisuel public est due un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l'usage privatif du foyer. Cette condition est regardée comme remplie dès lors que le redevable n'a pas déclaré, dans les conditions prévues au 4° de l'article 1605 bis, qu'il ne détenait pas un tel appareil ou dispositif ; 2° Par toutes les personnes physiques autres que celles mentionnées au 1° et les personnes morales, à la condition de détenir au 1er janvier de l'année au cours de laquelle la contribution à l'audiovisuel public est due un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé dans un local situé en France. ".

15. La société VB Blois, qui est propriétaire de 116 appareils de télévision installés dans les logements proposés à la location, a été assujettie à la contribution à l'audiovisuel public pour les années 2014 et 2015. En tout état de cause, elle ne peut utilement se prévaloir de la doctrine fiscale applicable aux foyers logements et aux maisons de retraite, dans les prévisions de laquelle elle ne rentre pas. Elle n'établit pas davantage que l'administration aurait acquiescé lors d'opérations de vérifications précédentes, à son interprétation sur ce point.

16. En dernier lieu, le moyen tiré de l'absence de bien-fondé des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises n'est pas assorti des précisions de nature à permettre au juge d'en apprécier la portée.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL VB Blois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société à responsabilité limitée (SARL) VB Blois est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL VB Blois et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 février 2022.

Le rapporteur,

C. SIMONLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01661
Date de la décision : 11/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Établissement de l'impôt - Bénéfice réel - Rectification et taxation d'office.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELAS FRANCOIS, CLEACH ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-11;20pa01661 ?
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