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21/03/2023 | FRANCE | N°455890

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 21 mars 2023, 455890


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 mai 2019 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, annulé la décision du 11 février 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'unité de contrôle n°2 de l'unité départementale du Val-de-Marne a refusé d'autoriser son licenciement pour faute et d'autre part, autorisé la société Transavia France à le licencier. Par un jugement n° 1912534 du 26 juin 2020, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.



Par un arrêt n° 20PA01842 du 24 juin 2021, la cour administrative d'ap...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 mai 2019 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, annulé la décision du 11 février 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'unité de contrôle n°2 de l'unité départementale du Val-de-Marne a refusé d'autoriser son licenciement pour faute et d'autre part, autorisé la société Transavia France à le licencier. Par un jugement n° 1912534 du 26 juin 2020, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 20PA01842 du 24 juin 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Transavia France contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 août et 24 novembre 2021 et le 31 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Transavia France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin avocats, avocat de la société Transavia France et à la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Transavia France a sollicité le 22 février 2018 auprès de l'inspectrice du travail de la 9ème section de l'unité de contrôle n° 2 de l'unité départementale du Val-de-Marne l'autorisation de licencier M. B..., salarié de la compagnie aérienne exerçant les fonctions de chef de cabine et celles d'instructeur et détenant par ailleurs les mandats de délégué du personnel et de défenseur syndical. Par une décision du 23 avril 2018, l'inspectrice du travail a refusé de délivrer l'autorisation de licenciement sollicitée au motif que les fautes reprochées à M. B... n'étaient pas suffisamment graves et que tout lien entre la mesure de licenciement et les mandats exercés par l'intéressé ne pouvait être exclu. Saisie d'un recours hiérarchique formé par la société Transavia France, la ministre du travail a, par une décision du 25 octobre 2018, déclaré confirmer la décision de l'inspectrice du travail, tout en retenant un autre motif de refus.

Le 12 décembre 2018, la société Transavia France a de nouveau sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. B.... Par une décision du 11 février 2019, cette autorisation a été refusée. Par une décision du 16 mai 2019, la ministre du travail a, sur recours hiérarchique de la société Transavia France, annulé la décision du 11 février 2019 et accordé l'autorisation de licencier M. B.... Par un jugement du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a, sur demande de M. B..., annulé la décision du 16 mai 2019. La société

Transavia France se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 juin 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. D'une part, lorsqu'il est saisi, sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail ayant statué sur une demande d'autorisation de licenciement, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement, compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ".

4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, par une décision du 23 avril 2018, l'inspectrice du travail a refusé de délivrer l'autorisation, sollicitée par la société Transavia, de licencier pour faute M. B..., en raison de l'insuffisante gravité des fautes reprochées à ce salarié et de ce qu'un lien entre cette procédure et les mandats qu'il exerce ne pouvait être exclu et, sur recours hiérarchique de la société Transavia France, la ministre du travail a, par une décision du 25 octobre 2018, déclaré confirmer la décision de l'inspectrice du travail, tout en retenant un autre motif de refus, tiré de ce que la procédure suivie était irrégulière du fait de la méconnaissance du délai de convocation de M. B... à l'entretien préalable au licenciement fixé par les dispositions des articles L. 1232-2 et R. 1231-1 du code du travail, et précisé que sa décision se substituait à la décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique. S'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la ministre du travail ne pouvait légalement, sans annuler la décision de l'inspectrice du travail, y substituer un autre motif de refus de l'autorisation de licenciement sollicitée, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que sa décision est devenue définitive. Or le délai de prescription ayant été interrompu par l'introduction de ce recours hiérarchique et la ministre du travail ayant, comme il vient d'être dit, refusé de délivrer l'autorisation sollicitée pour un motif de procédure, différent de celui retenu par l'inspectrice du travail, sa décision a fait courir en l'espèce un nouveau délai de deux mois, en application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail citées au point 3, permettant ainsi à la société Transavia France d'engager une nouvelle procédure de licenciement pour les mêmes faits, en régularisant les vices entachant la première.

5. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé que la ministre du travail, par sa décision du 25 octobre 2018, s'était bornée à confirmer le refus d'autoriser le licenciement de M. B... opposé par l'inspectrice du travail, la cour administrative d'appel de Paris a implicitement mais nécessairement retenu que le délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail concernant les faits reprochés à M. B..., régulièrement interrompu avant que l'employeur ne formule sa demande d'autorisation initiale, avait recommencé à courir à compter de la décision de l'inspectrice du travail du 23 avril 2018. Elle en a déduit que ces faits ne pouvaient faire l'objet de la seconde procédure de licenciement engagée le 8 novembre 2018, dès lors qu'ils étaient prescrits à cette date. En statuant ainsi, la cour a, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, entaché son arrêt d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que la société Transavia France est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Transavia France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme à verser à la société Transavia France au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 24 juin 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Transavia France et par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Transavia France et à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 455890
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2023, n° 455890
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Brouard-Gallet
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES ; SAS HANNOTIN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:455890.20230321
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