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17/02/2023 | FRANCE | N°450111

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 17 février 2023, 450111


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... C..., l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Doubs a refusé d'user des pouvoirs qu'il tient des articles L. 181-14 et R. 181-45 du code de l'environnement afin de prescrire l'abaissement de quatre éoliennes dont l'exploitation a été autorisée par arrêtés des 19 décembre 2014,

19 mai et 24 juillet 2015 et 11 octobre 2016 sur le territoire des comm...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... C..., l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Doubs a refusé d'user des pouvoirs qu'il tient des articles L. 181-14 et R. 181-45 du code de l'environnement afin de prescrire l'abaissement de quatre éoliennes dont l'exploitation a été autorisée par arrêtés des 19 décembre 2014, 19 mai et 24 juillet 2015 et 11 octobre 2016 sur le territoire des communes d'Autechaux, Fontenelle-Montby, Mésandans, Rillans, Trouvans, Vergranne, Verne et Viéthorey. Par un jugement n° 1701658 du 25 juillet 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 18NC02611 du 28 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. et Mme C... et autres contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 février et 19 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C..., l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et l'association de défense de l'environnement et du patrimoine du collectif régional Bourgogne Franche-Comté demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et des sociétés Energies du plateau central et Energies du plateau central 2 la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. et Mme C... et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Par des arrêtés des 19 décembre 2014, 19 mai et 24 juillet 2015 et 11 octobre 2016, le préfet du Doubs a, sur le fondement de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, autorisé les sociétés Energies du Plateau central et Energies du Plateau central 2 à exploiter 29 éoliennes de 175 mètres de hauteur chacune sur le territoire des communes d'Autechaux, Fontenelle-Montby, Mésandans, Rillans, Trouvans, Vergranne, Verne et Viéthorey. M. et Mme C..., l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et l'association de défense de l'environnement et du patrimoine du collectif régional Bourgogne Franche-Comté ont demandé au préfet du Doubs d'user des pouvoirs qu'il tient des articles L. 181-4 et R. 181-45 du code de l'environnement pour prescrire, par un arrêté complémentaire, l'abaissement de quatre aérogénérateurs afin que leur présence soit imperceptible à partir du domaine de B..., dont certains bâtiments sont classés monuments historiques. Par un jugement du 25 juillet 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté comme étant irrecevable la demande de M. et Mme C... et des deux associations tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de leur demande adressée au préfet, faute pour les intéressés de justifier d'un intérêt leur donnant qualité pour agir. Ils se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 28 décembre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre ce jugement.

Sur l'intérêt pour agir des associations :

2. Aux termes de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 211-6 et L. 214-10 et au I de l'article L. 514-6 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / 1° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 dans un délai de quatre mois à compter du premier jour de la publication ou de l'affichage de ces décisions (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 142-1 du même code : " Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément ".

3. D'une part, aux termes de l'article 1er de ses statuts, l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, association agréée au niveau national au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, a pour objet social " d'empêcher que les sites naturels ou urbains qui font la beauté du visage de la France ne soient dégradés ou détruits par des spéculations des industries, des constructions des travaux publics conçus, installés, exécutés sans aucun souci de l'aspect de la région et des intérêts même matériels qui sont attachés à cet aspect ".

4. D'autre part, il ressort de l'article 3 des statuts de l'association de défense de l'environnement et du patrimoine du collectif régional Bourgogne Franche-Comté que celle-ci s'est donné pour objet de " lutter, dans son périmètre d'action, contre tout ce qui porte atteinte, notamment du fait de l'implantation de centrales éoliennes, à l'environnement, à l'agriculture, aux activités forestières, pastorales, viticoles, touristiques, de villégiatures ou de loisirs, aux paysages, à la faune et à la flore, aux ressources naturelles en air et en eau, aux monuments historiques, protégés ou non, au petit patrimoine et aux bâtiments typiques (...) " et qu'elle peut " ester en justice contre toutes décisions publiques ou privées, notamment tous permis de construire et autorisation d'exploitation, toute autorisation unique, toutes zones, tous schémas, tous projets susceptibles de porter atteinte à l'objet de l'association ".

5. Après avoir relevé que les quatre éoliennes faisant l'objet de la décision attaquée par les requérants étaient distantes de 4 kilomètres du château de B..., protégé au titre des monuments historiques, et qu'il ne résultait pas de l'instruction que la situation de covisibilité très réduite de ces éoliennes aurait un impact significatif sur les vues disponibles depuis le château, le domaine et le practice de golf, la cour administrative d'appel a estimé que, dès lors qu'ils ne se prévalaient d'aucun autre inconvénient ou danger susceptible d'être provoqué par le fonctionnement des éoliennes litigieuses, les requérants ne justifiaient pas d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Doubs avait refusé de prescrire l'abaissement de ces quatre aérogénérateurs. En statuant ainsi, alors que les associations requérantes faisaient valoir que leur objet social leur conférait un intérêt de nature à leur donner qualité pour agir contre la décision litigieuse, et alors qu'au surplus, dans leur second mémoire en réplique produit devant la cour, les associations avaient invoqué l'atteinte portée par les éoliennes litigieuses à plusieurs autres monuments protégés et à des éléments caractéristiques du paysage situés à proximité du parc éolien, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation.

Sur l'intérêt pour agir de M. et Mme C... :

6. En se fondant sur la seule distance entre le domaine de B... et les éoliennes litigieuses et la covisibilité réduite pour dénier à M. et Mme C... un intérêt suffisamment direct pour contester la décision litigieuse, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment d'une lettre, produite par M. et Mme C..., du directeur de l'hôtel-restaurant et du golf exploités sur le domaine de B..., faisant état du mécontentement de clients à l'égard des éoliennes visibles depuis le château et, en particulier, de la gêne occasionnée à la nuit tombée par les lumières émises par ces appareils visibles depuis leurs chambres, que la visibilité de ces éoliennes était de nature à porter atteinte aux conditions d'exploitation de l'hôtel-restaurant et du golf installés sur le domaine, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique.

7. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et des sociétés Energies du plateau central et Energies du plateau central 2 la somme globale de 3 000 euros à verser à M. et Mme B..., à l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et à l'association de défense de l'environnement et du patrimoine du collectif régional Bourgogne Franche-Comté au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 28 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : L'Etat et les sociétés Energies du plateau central et Energies du plateau central 2 verseront la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme C..., à l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et à l'association de défense de l'environnement et du patrimoine du collectif régional Bourgogne Franche-Comté au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme D..., à l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et à l'association de défense de l'environnement et du patrimoine du collectif régional Bourgogne Franche-Comté, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et aux sociétés Energies du plateau central et Energies du plateau central 2.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 janvier 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 17 février 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 450111
Date de la décision : 17/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 2023, n° 450111
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:450111.20230217
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