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28/12/2020 | FRANCE | N°18NC02611

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 28 décembre 2020, 18NC02611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... E..., la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Doubs a refusé d'user des pouvoirs qu'il tient des articles L. 181-14 et R. 181-45 du code de l'environnement afin de prescrire un arrêté complémentaire d'abaissement de quatre éoliennes dont l'exploi

tation a été autorisée par des arrêtés des 19 décembre 2014, 19 mai 2015, 24 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... E..., la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Doubs a refusé d'user des pouvoirs qu'il tient des articles L. 181-14 et R. 181-45 du code de l'environnement afin de prescrire un arrêté complémentaire d'abaissement de quatre éoliennes dont l'exploitation a été autorisée par des arrêtés des 19 décembre 2014, 19 mai 2015, 24 juillet 2015 et 11 octobre 2016, afin que leur présence soit rendue imperceptible à partir du domaine de Bournel.

Par jugement n° 1701658 du 25 juillet 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 18NC02611 le 26 septembre 2018, et des mémoires enregistrés les 23 septembre et 14 octobre 2020, M. et Mme E..., la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté, représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 juillet 2018 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler la décision implicite du préfet du Doubs ;

3°) de prescrire aux sociétés Energies du plateau central et Energies du plateau central 2, dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, d'abaisser la hauteur des éoliennes E 21 à E 24 du parc qu'elles exploitent sur le territoire des communes d'Autechaux, Fontenelle-Montby, Mésandans Rillans, Trouvans, Vergranne, Verne et Viéthorey, de telle façon qu'elles soient imperceptibles depuis le domaine de Bournel ;

4°) d'enjoindre au préfet du Doubs de prescrire aux sociétés Energies du plateau central et Energies du plateau central 2, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, d'abaisser la hauteur des éoliennes E 21 à E 24 du parc qu'elles exploitent sur le territoire des communes d'Autechaux, Fontenelle-Montby, Mésandans Rillans, Trouvans, Vergranne, Verne et Viéthorey, de telle façon qu'elles soient imperceptibles depuis le domaine de Bournel ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat et des sociétés Energies du plateau central et Energies du plateau central 2 la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier, car il méconnaît les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- M. et Mme E..., la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté justifient d'un intérêt à agir contre la décision préfectorale contestée ;

- leur demande ne tend nullement à l'annulation des autorisations d'exploiter les éoliennes litigieuses ;

- il appartient à l'autorité administrative compétente en matière de police des installations classées de prendre à tout moment les mesures nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- les prescriptions complémentaires susceptibles d'être prises par le préfet en cours d'exploitation ne sont pas subordonnées à un changement dans les circonstances de droit ou de fait ;

- le parc éolien autorisé, contrairement aux affirmations de l'exploitant, n'est pas seulement visible du terrain de golf, mais également depuis différents endroits du domaine de Bournel ;

- le domaine de Bournel cumule toutes les protections patrimoniales offertes par la législation ;

- les services de l'Etat se sont prononcés sur un dossier mensonger et ont entaché leur décision d'illégalité ;

- le moyen tiré de ce que l'édiction de prescriptions additionnelles ne seraient légalement possible que si elles ne soulèvent pas de difficultés sérieuses d'exécution est inopérant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 décembre 2018, 14 octobre et 25 novembre 2020, les sociétés Energies du plateau central et Energies du plateau central 2, représentées par Me B..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. et Mme E..., de la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et de l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté ;

2°) de mettre à la charge des requérants une somme de 10 000 euros à leur verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le tribunal administratif n'a pas soulevé un moyen d'office, mais n'a fait que répondre à un moyen qu'elles avaient soulevé, ainsi que le préfet du Doubs, relatif à l'intérêt à agir de l'ensemble des requérants ;

- dès lors que, en première instance, les défendeurs ont soulevé le moyen tenant à l'absence d'intérêt à agir des demandeurs, il appartenait au tribunal administratif d'apprécier ce moyen et de rechercher l'existence de cet intérêt pour chacun d'entre eux ;

- l'action des requérants en première instance était irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ainsi que pour tardiveté en ce qu'elle est manifestement dirigée contre l'arrêté d'autorisation dont le délai de recours était expiré ;

- la demande des requérants, tenant à l'abaissement de la hauteur des éoliennes, ne correspond aucunement à la notion de prescription complémentaire, en ce qu'une telle mesure remettrait nécessairement en cause leur existence même ;

- la décision implicite du préfet rejetant la demande des requérants de fixer des prescriptions complémentaires à l'arrêté d'autorisation d'exploiter est parfaitement régulière ;

- la fixation d'une prescription complémentaire ne peut intervenir qu'en cas de changement des circonstances de fait ou de droit, postérieur à l'adoption de l'autorisation ;

- la fixation d'une prescription complémentaire ne peut intervenir si cette dernière soulève des difficultés sérieuses d'exécution.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête la requête de M. et Mme E..., de la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et de l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté.

Elle soutient que :

- l'irrecevabilité tiré du défaut de la qualité pour agir des requérants n'a pas été relevé d'office par le premier juge, mais fait suite à une fin de non-recevoir soulevée en défense par le préfet dans ses écritures de première instance ;

- il se reporte au écritures de première instance du préfet du Doubs ;

- il convient de relever qu'aucun impact sur les conditions d'exploitation du domaine de Bournel n'est démontré par les requérants ;

- les requérants ne caractérisent pas l'existence de dangers ou inconvénients, au sens des dispositions de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement, que présenteraient pour eux les aérogénérateurs considérés ;

- l'existence d'un impact ne saurait se déduire de la seule circonstance que le site à proximité duquel sont implantées les éoliennes présente un intérêt particulier.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F..., présidente,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de M. De Broissia, président de l'Association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté.

Considérant ce qui suit :

1. Par des arrêtés des 19 décembre 2014, 19 mai et 24 juillet 2015 et 11 octobre 2016, le préfet du Doubs a, sur le fondement de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, autorisé les sociétés Energies du plateau central et Energies du plateau central 2 à exploiter 29 éoliennes de 175 mètres de hauteur chacune sur les communes d'Autechaux, Fontenelle-Montby, Mésandans, Rillans, Trouvans, Vergranne, Verne et Viéthorey. M. et Mme E..., la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté ont demandé au préfet du Doubs, par un courrier du 11 mai 2017, d'user des pouvoirs qu'il détient des articles L. 181-4 et R. 181-45 du code de l'environnement en vue de prescrire, par un arrêté complémentaire, l'abaissement de quatre aérogénérateurs afin que leur présence soit imperceptible à partir du domaine de Bournel, propriétés des consorts E... et dont certains bâtiments sont classés monuments historiques. En l'absence de réponse du préfet, les requérants ont saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de sa décision implicite de rejet et à ce qu'il soit enjoint aux sociétés exploitantes et au préfet de prendre les mesures permettant l'abaissement des quatre éoliennes litigieuses. Les requérants font appel du jugement du 25 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur requête comme étant irrecevable, en l'absence d'intérêt à agir.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Aux termes des dispositions de l'article L. 181-3 du même code : " I - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 181-4 du même code : " Les projets soumis à autorisation environnementale en application de l'article L. 181-1 restent soumis, sous réserve des dispositions du présent titre : 1° Aux dispositions du titre Ier du livre II pour les projets relevant du 1° de l'article L. 181-1 ou du titre Ier du livre V pour ceux relevant du 2° du même article ; 2° Aux législations spécifiques aux autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments dont l'autorisation environnementale tient lieu lorsqu'ils sont exigés et qui sont énumérés par l'article L. 181-2, ainsi que, le cas échéant, aux autres dispositions législatives et réglementaires particulières qui les régissent.". Aux termes de l'article L. 181-14 du même code : " (...) L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées.". Aux termes de l'article R. 181-45 du même code : " Les prescriptions complémentaires prévues par le dernier alinéa de l'article L. 181-14 sont fixées par des arrêtés complémentaires. / Elles peuvent imposer les mesures additionnelles que le respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 rend nécessaire ou atténuer les prescriptions initiales dont le maintien en l'état n'est plus justifié. (...) " et aux termes de l'article R. 181-46 du même code : " I.- Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : (...) 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 du code de l'environnement, notamment en cas d'insuffisance des prescriptions contenues dans l'arrêté d'autorisation d'exploiter litigieux, dans l'hypothèse où le fonctionnement de l'installation autorisée présenterait des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement et que la police des installations classées entend protéger.

4. Il résulte de l'instruction que quatre des vingt-neuf éoliennes dont l'exploitation a été autorisée par les arrêtés préfectoraux des 19 décembre 2014, 19 mai et 24 juillet 2015 et 11 octobre 2016 sont partiellement visibles depuis le domaine de Bournel. Toutefois, ces quatre éoliennes sont distantes de 4 kms du château de Bournel et il ne résulte pas de l'instruction que la situation de covisibilité très réduite de ces éoliennes, dont on ne perçoit d'ailleurs que la partie supérieure du mât et les pales, aurait un impact significatif sur les vues disponibles depuis le château, le domaine et le practice de golf. Dans ces conditions, et dès lors qu'ils ne se prévalent d'aucun autre inconvénient ou danger susceptible d'être généré par le fonctionnement des éoliennes litigieuses, les requérants doivent être regardés comme ne justifiant pas d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Doubs a refusé d'user des pouvoirs qu'il tient des articles L. 181-14 et R. 181-45 du code de l'environnement pour prescrire par un arrêté complémentaire l'abaissement des quatre aérogénérateurs concernés.

5. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande comme étant irrecevable.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction des requérants ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de M. et Mme E..., de la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et de l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté une somme de 3 000 euros à verser aux sociétés Energies du plateau central et Energies du plateau central 2 au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... E..., la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté est rejetée.

Article 2 : M. et Mme A... E..., la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté verseront aux sociétés Energies du plateau central et Energies du plateau central 2 une somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... E..., à la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, à l'association de défense de l'environnement et du patrimoine de la région Bourgogne Franche-Comté, au ministre de la transition écologique, à la société Energies du plateau central et à la société Energies du plateau central 2.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

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N° 18NC02611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02611
Date de la décision : 28/12/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

44-02 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-28;18nc02611 ?
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